Peut-on raconter le temps en lui-même, comme tel en soi ? Non, en vérité, ce serait une folle entreprise. Un récit, où il serait dit : " Le temps passait, il s'écoulait, le temps suivait son cours " et ainsi de suite, jamais un homme saint d'esprit ne le tiendrait pour une narration. Ce serait à peu près comme si l'on avait l'idée stupide de tenir pendant une heure une seule et même note, ou un seul accord, et si l'on voulait faire passer cela pour de la musique. Car la narration ressemble à la musique en ce qu'elle " accomplit " le temps, qu'elle " l'emplit convenablement ", qu'elle le " divise ", qu'elle fait en sorte qu' " il s'y passe quelque chose " (...). Le temps est l'élément de la narration comme il est l'élément de la vie : il y est indissolublement lié, comme aux corps dans l'espace.