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Critique de Kirzy


L'Affaire Clara Miller est un polar atypique comme je les aime, parce qu'il fait le choix plutôt audacieux de ne pas miser sur un flot de rebondissements incessants mais parce qu'il infuse au fil des pages une ambiance hypnotisante oscillant entre mélancolie et balade rock désenchantée.

Bien sûr, il y une enquête, menée par le journaliste Paul Green, pour comprendre comment sa consoeur et grand amour ( platonique ) Clara Miller a pu être retrouvée morte au bord d'un lac, soit-disant suite à un suicide auquel il ne croit pas ... d'autant plus que d'autres corps de jeunes femmes sont repêchés au même endroit, pas très loin de la demeure d'une rock star internationale.

Mais ce qui frappe avant tout de façon plus qu'évidente, c'est le talent d'Olivier Bal à faire vivre ses personnages. Ils sont six, six destins liés, autant de narrateurs à raconter leur vécu des événements. Chacun joue sa propre partition pour dire ses ressentis les plus profonds.

Le «  je » de Paul Green, opiniâtre et intuitif, celui de Mike Stilth, la star isolée dans sa célébrité ( mélange passionnant entre Mike Jagger pour le caractère sexuel et sensuel qui se dégage de lui, Michaël Jackson pour sa mégalomanie et sa phobie paranoïaque du monde qui le pousse à vivre retranché de tout , et de Tom Cruise pour l'opacité de cire ), d'Eva et Noah, ses enfants anges damnés ; de Joan, l'attachée de presse qui a construit Mike et ne vit que pour lui ... autant de « je » qui composent un roman choral à la densité psychologique remarquable. Et ce sans jamais tomber dans le manichéisme. Au contraire, la vérité des personnages n'est qu'une des mille nuances de gris, la frontière entre le Bien et le Mal étant plus que poreuse, entre failles insurmontables, valeurs érigées en boussole et dilemmes permanents.

Cette perméabilité donne du relief à l'intrigue qui est brillamment construite, dévoilant minutieusement des indices en basculant entre deux époques : 1995 le temps de l'affaire en elle-même et 2006 sur les conséquences à long terme sur les personnages et notamment les enfants. L'émotion est omniprésente car l'auteur a laissé le temps à ces personnages d'exister, de se construire et d'évoluer. C'est d'ailleurs très judicieux d'avoir choisi ces deux temporalités : 1995, c'est l'époque où les célébrités perdent leur aura de mystère avec l'arrivée d'Internet et des réseaux sociaux intrusifs ; 2006, c'est le temps des nouvelles icônes, surexposées et blasées. Le portrait des années 90 et des excès sexe-drogue-rock'n roll est d'une grande justesse.

Ce polar très sensible et psychologique plane au-dessus de la violence des hommes et pourtant, il distille une forme d'urgence qui bouleverse dans les derniers chapitres. Les personnages féminins d'Eva et de Joan sont justes superbes, car c'est sans doute elles qui sont parviennent le mieux à trouver leur propre liberté, bien au-delà de la morale la plus entendue.

J'espère que ce roman, sorti aux pires moments quelques jours avant le confinement, saura trouver son public.
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