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Critique de fanfanouche24


Que de trésors en cette rentrée littéraire 2016 ! ...Pour ne citer que mes tout derniers coups de coeur: "Le Garçon" de Marcus Malte, "Continuer" de Laurent Mauvignier et ce roman de Jean-Michel Guenassia que je lis pour la première fois..avec délectation !.

Le sujet ne pouvait que m'"accrocher": les derniers jours de Vincent van Gogh, à Auvers-sur-Oise. Hormis la version stupéfiante de l'écrivain mais plausible ou du moins comportant moins d'invraisemblable , et de clichés grossiers, que la réalité officielle...le roman se lit aisément, entre les extraits d'actualités de l'époque, dont ceux de la Lanterne, ainsi que des extraits de la correspondance de van Gogh à son frère Théo, alternant avec la voix centrale de la fille du Docteur Gachet, Madeleine !!

Un style réjouissant pour décrire les toiles de Vincent, sa manière de peindre...sa personnalité attachante, loin des images toutes faites, tant véhiculées, sans aller plus avant.... Nous sentons intensément l'admiration de Jean-Michel Gunenassia, pour l'artiste maudit ...Au début de ce roman, le premier personnage décrit , qui est la voix du récit, est Marguerite Gachet, la fille du célèbre Docteur Gachet... enfermée moralement et physiquement dans un univers petit-bourgeois où les filles n'ont comme issue que le mariage et la famille...On se réjouit de constater que le Dr Gachet semble plus ouvert et tolérant puisqu'il encourage sa fille à passer son baccalauréat (Véritable évènement à l'époque) ce qu'elle réussit. Mais déception rapide: l'image du célèbre mécène des Impressionnistes se trouve rapidement très écornée. Personnage fat, amateur de painture, dessinant lui-même, mais rempli d'autosatisfaction, et peu embarrassé par les scrupules... Je reconnais que l'image que j'avais de ce bon Docteur Gachet a été diamétralement modifié...Un personnage antipathique, et d'une mauvaise foi sans nom... avec toutes les caractéristiques de l'arriviste, petit-bourgeois, se targuant de bon goût et d'esprit avant-gardiste...alors que son culte des apparences et de leur sauvegarde reste son obsession. Il veille à son image et à son auréole de bienfaiteur éclairé des artistes incompris !

Van Gogh vient s'installer à Auvers-sur-Oise pour consulter le Dr Gachet, qui ne le trouve pas aussi malade que cela..le rassure,. l'invite à déjeuner chaque dimanche...non par générosité spontanée mais , selon son apparente habitude, pour obtenir les oeuvres de ses pseudos protégés,à "bon compte", sans sortir un sou...On découvre un tout autre visage du gentil Docteur Gachet"
La fille du Docteur Gachet tombe amoureuse de van Gogh; avant l'arrivée du peintre, elle rêvait de partir en Amérique, d'apprendre la peinture, pour gagner sa liberté et échapper à l'autorité paternelle ou au mariage arrangé avec le fils du pharmacien, un ami d'enfance... ce qu'elle refuse. Elle s'attache à Van Gogh, lui demande de lui apprendre à peindre... L'écrivain imagine pour nous, lecteurs, la relation intime, personnelle entre l'artiste pauvre et incompris et la fille de son "dit-bienfaiteur"....
L'histoire progresse jusqu'à l'issue fatale: le fameux suicide... dont Jean-Michel nous propose une autre version....mais je n'en dirai pas plus !!


"Pour en finir avec l'extravagante thèse du suicide de Vincent, je veux dire qu'en ce mois de juillet 1890 il était enthousiaste, sa maladie était un vieux souvenir, il fourmillait de projets, mais surtout il faut réaliser que Vincent était un graphomane, l'écriture était pour lui presque aussi importante que la peinture, il y consacrait deux heures chaque soir, écrivant de longues lettres à tout le monde, pour un oui ou un non, à son frère bien sûr, mais aux autres membres de sa famille, à Gauguin et à tous ses amis et connaissances. Comment imaginer une seconde qu'il se soit suicidé sans un mot d'explication à ce frère qui était si proche de lui, à sa mère, à sa soeur ? Et qu'il n'ait laissé aucune instruction sur ce qu'il voulait qu'il advienne de ses tableaux, lui qui avait consacré sa vie à la peinture, est tout simplement inimaginable. (p. 286)

"Quand j'y repense, je suis effarée des affabulations qui ont été écrites sur Vincent, les fadaises sur son état mental ou sa santé. La foule se délecte des clichés colportés par les ignorants qui font bloc comme les moutons d'un troupeau et se repaissent avec délice de cette légende d'artiste maudit qui n'est qu'une imposture. (p. 246)"

Du suspens, un tout autre regard sur les dernières semaines de vie de van Gogh....et sur l'icône que l'on en a fait !!

Un moment de lecture, captivant et bouleversant sur ce peintre hors-norme... dont la passion pour son art relevait du sacerdoce, était devenu toute
sa raison d'être et de travailler sans relâche ! Pour tous les "amoureux" de beaux-arts mais aussi pour les esprits curieux qui ne se contentent que modérément des modes et des légendes trop fidèlement transmises, au fil du temps !

"Et il y a sa peinture magique, unique, bouleversante, elle est indissociable de son être, comme l'envers et l'endroit d'un gant, elle est dans sa peau, dans son sourire, avant qu'il ne réussisse à la projeter sur la toile" (p.234)

N.B: En annexe, à la fin l'auteur remercie un des spécialistes de van Gogh, Benoît Landais, pour son aide. Spécialiste mondialement reconnu , auteur de nombreux ouvrages, dont deux textes que je suis curieuse de lire pour approfondir la fin de cet artiste immense: "L'audace des bandits. L'affaire Gachet, éditions du layeur," 1999; "La folie Gachet. Des van Gogh d'outre-tombe", Les impressions nouvelles, 2009...
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