On pourrait croire à une petite lecture d'été, douce et légère. Mais ce ne serait pas tout à fait
Clara Héraut si la toile de fond était seulement ainsi ! Un roman doux-amer, vibrant d'émotions comme l'autrice sait si bien le faire, où la complexité de la vie est si bien représentée.
N'oublions jamais que les blessures les plus profondes peuvent exploser mais aussi s'enterrer.
WARNING : impossible pour moi d'écrire cette chronique sans dévoiler quelques éléments de l'intrigue, j'invite donc les lectrices/lecteurs à ne pas lire ce qui suit si vous ne souhaitez pas en savoir plus.
Dans ce nouveau roman l'autrice lève le voile sur les rouages de la dépression. Sa manière silencieuse de s'installer, son fonctionnement pernicieux, cette brume sombre qui ternit le quotidien… Mais les problèmes des uns ne sont pas les problèmes des autres, et c'est avec autant de délicatesse que la question de l'homosexualité, en particulier du coming out, est abordée.
Cette histoire, on y croit parce qu'elle représente les difficultés du réel : une ambiance tendue à la maison, une pression parentale, des difficultés à s'accepter, une famille qui ne sait pas se parler, les sentiments d'incompréhension et de solitude…
La spirale infernale est lancée. Rien ne semble pouvoir la stopper.
Les différents personnages s'opposent, s'affrontent, se plient… Chacun répond à la situation selon son caractère, ses peurs ou ses désirs enfouis. Et personne ne discerne les masques. Jusqu'à ce que ce cocktail explose définitivement.
J'ai apprécié ce roman pour ses thématiques et leurs mises en scènes.
Clara Héraut a vraiment le don de créer des personnages consistants et de parler des problèmes de société, en particulier ceux que cette dernière feint de ne pas voir, sans pour autant nous laisser tristes et désemparés.
En bref, une très bonne lecture, même s'il y a encore des points qui me laissent perplexe.
Pour ceux qui l'auraient lu, si vous voulez savoir pourquoi je garde encore un sentiment d'inachevé (et en connaître les détails !), attention, c'est maintenant :
- La rupture d'Isaac et de Phoebe me paraît être un prétexte à la création de l'histoire. Je ne la comprends pas. le motif : Phoebe a eu trop peur d'affronter sa mère et de la décevoir (la dépression n'entrait pas à ce moment en ligne de compte). Et la raison pour laquelle je n'y crois pas, c'est que le récit ne le fait pas du tout ressentir. Il n'y a pas de dialogue entre Phoebe et sa mère qui montrerait la pression exercée, pas de conversation non plus avec Isaac où l'on comprendrait que Phoebe fait face à des blocages, ne parvient pas à communiquer ses peurs, ses doutes…
- le coming out de Léna est « timide ». Il survient à la toute fin, comme un secret soufflé à l'oreille, en restant un énorme non-dit entre Léna et sa mère. J'attendais justement que cela arrive sur le tapis.
- La relation Léna/sa mère est vite évacuée. On voit que des efforts dans les deux sens sont entrepris, mais il n'y a pas de réelle discussion qui vont mettre les choses à plat. Je trouve ça normal que ce ne soit pas fait dès l'accident de Phoebe, car l'abcès du mal-être vient d'être percé, mais j'aurais aimé que cela arrive. Que sa mère lui montre de la tendresse, qu'elle explique ses inquiétudes, connaître sa réaction face au coming out, voir leur difficulté à recréer du lien… mais donner l'espoir qu'on peut surmonter ça ! Cela aurait pu être possible puisque la fin nous révèle ce qu'il se passe dans un futur assez proche.
- L'absence tenace du père. Lui, on le confronte peu. Je pensais qu'on le verrait au moins tenter de prendre vraiment sa place et s'impliquer avec ses filles, mais non. Comme pour la mère finalement, on comprend entre les lignes qu'ils prennent conscience de leurs erreurs, que ça les touche… sans pour autant savoir si dans les faits, il y aura du changement. Je reste en fin de compte avec beaucoup de questions sur les parents ; je bouillonne en imaginant qu'il doit sans doute y avoir des problèmes de couple, peut-être des disputes, des désaccords, des loupés, mais je crois que cela pourrait être un autre roman ^^.
Pour finir, pour de vrai cette fois, j'ai hâte d'avoir entre les mains la version définitive, car je sais que Clara retouche ses textes jusqu'à la dernière minute… Qui sait, peut-être que certains points seront étoffés ?