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Critique de Plumeetencre



“Musica laetitiae comes medicina dolorum. Dans la joie comme dans la peine, la musique demeure notre compagne."

***

Pour écrire son premier roman, Gaëlle Josse s'est inspirée d'un célèbre tableau peint par l'artiste Emmanuel de Witt, un contemporain de Johannes Vermeer. Ladite toile laisse apparaître de dos, une femme jouant de l'épinette au sein d'un intérieur bourgeois flamand. Qui est-ce, la maîtresse de maison? Pourquoi avoir choisi d'être représentée ainsi? A qui adresse-t-elle ses mélodies? Que cache l'envers de ce décor?

Dotée d'une imagination remarquable, l'auteure insuffle la vie à ce personnage et ressuscite une époque, celle de l'Âge d'or hollandais,  en nous transportant au XVIIème Siècle.

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Novembre - décembre 1662

“C'est moi, de dos, sur le tableau. (...) J'ai choisi d'être peinte, ici, dans notre chambre où entre la lumière du matin. Nous avançons vers l'hiver. Les eaux de l'Oude Delft sont bleues de gel et les tilleuls, qui projettent au printemps leur ombre tachetée sur le sol, ne sont aujourd'hui que bois sombre, et nu.”

Ainsi commence le journal intime de Magdalena, fille aînée de Cornelis van Leeuwenbroek, l'ancien administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales à Delft.  

Avant ses fiançailles avec Pieter van Beyeren, elle prenait part aux activités commerciales de son père, occupant la place vacante de l'héritier mâle qui jamais ne vit le jour. le doux rêve de lui succéder se heurta à sa condition de femme, c'est son époux qui hérita de cette charge. 

Assignée aux affaires domestiques,  elle assura au couple une descendance en mettant au monde une fratrie de neuf enfants. Malheureusement, si Dieu donna, il reprit ensuite. Certains trouvèrent la mort à l'aube de leur vie.

"Souvent je pense à mes enfants que le Seigneur a déjà rappelés à Lui. Je dois accepter qu'ils soient,  hélas, le cruel tribut dont les femmes qui donnent la vie doivent s'acquitter."

*

Les heures silencieuses sont celles où, dans l'ambiance feutrée de sa chambre, Magdalena prend sa plume et laisse s'exprimer librement les vacillements de son coeur. Elle couche sur le papier les joies et les peines qui ont jalonné son existence. Ces instants d'introspection donnent également lieu à de troublantes révélations et des aveux sans concession. 

"A l'heure où  mes jours se ternissent comme un miroir perd son tain, le besoin de m'alléger de ce qui m'encombre devient plus fort que tout."

Dans un style époustouflant empreint de délicatesse, Gaëlle Josse esquisse le portrait d'une femme empêchée, digne et valeureuse. Les quelques semaines passées en compagnie de Magdalena offrent un moment de grâce suspendu dans le temps.

Et quel plaisir de voir s'animer, au fil des pages, l'oeuvre d'Emmanuel de Witt.  Un décor à secrets qui sous nos yeux ébahis se dévoile.

Cette première rencontre avec l'auteure est un véritable coup de coeur. Je suis littéralement tombée sous le charme de son écriture tant raffinée que poétique. Ses mots caressent l'émotion. Une mélancolie douce-amère nous étreint. 

***

Un petit bijou littéraire que je vous recommande chaleureusement. Je me réjouis par avance des prochains rendez-vous prévus avec cette conteuse de talent.  




Lu en décembre 2021 - Récupération des quelques retours partagés sur mon ancien compte avant sa fermeture définitive.
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