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Critique de Presence


Le tandem Jeph Loeb + Tim Sale s'est rendu célèbre pour avoir réalisé de mémorables histoires de Batman (par exemple Un long halloween). Après ces histoires chez DC, ils viennent mettre en oeuvre leur magie chez Marvel. Cela donnera 3 histoires : celle-ci de Daredevil (en 2001), Spider-Man bleu (en 2002) et Hulk gris (en 2003).

Déprimé par le décès de Karen Page, Matt Murdock rebondit sur une idée de Foggy Nelson et il rédige une lettre à sa défunte amoureuse. Dans cette missive, il revient sur les premiers jours de leur relation. le lecteur est donc amené à plonger dans les débuts de Daredevil : le partage d'une chambre d'étudiant avec Foggy, le dernier combat de boxe de son père, la séance de couture qui lui a permis de réaliser son joli costume rouge et jaune, l'installation du cabinet d'avocats Nelson & Murdock, jusqu'à la première apparition de Zebediah Killgrave (Purple Man) et au coup de foudre de Karen pour CENSURÉ.

La première chose qui saute aux yeux, c'est le soin que Tim Sale a apporté aux illustrations. Il n'y a pas une seule planche de bâclée. Dans la mesure où Matt Murdock se souvient de ses jeunes années, Tim Sale a abandonné les grands à-plats de noir qu'il affectionnait pour Batman pour des dessins plus clairs et plus aérés pour transcrire l'optimisme propre à la jeunesse et le brillant avenir qui s'ouvre pour ces brillants avocats. Pour autant cela n'implique pas qu'il a sacrifié les décors. Que ce soient les briques des façades d'immeubles ou les lattes de parquet, il n'en manque pas une. Sale sait doser les cases sans décors et les celles avec des décors très détaillés. Et il faut dire que Matt Hollingsworth effectue un travail de mise en couleur d'une qualité exceptionnelle. le résultat donne l'impression que chaque case a été peinte à l'aquarelle dans des tons majoritairement pastel, en cohérence avec ces sentiments de première fois et de période dorée.

La composante d'actions superhéroïques n'est pas oubliée. Tim Sale ne tombe pas dans le piège du décalque des acrobaties de Batman ; Daredevil possède son propre langage corporel et ses acrobaties spécifiques, très conformes à ses premières aventures. On peut d'ailleurs observer ici et là quelques hommages discrets à Bill Everett, à Gene Colan et même à Jack Kirby lors de l'apparition d'Electro. Il s'agit bien d'hommages et non de plagiat.

Enfin pour renforcer l'aspect nostalgique du récit, Tim Sale a choisi de doter ses personnages de vêtements qui évoquent les années 1950. À ce titre, les toilettes de Karen Page sont une franche réussite et un plaisir à contempler. Il est évident que Sale a effectué un travail de recherche particulier pour établir une gamme vestimentaire cohérente et pleine de charme. Et chaque visage est soigneusement composé pour des traits à la fois épurés et expressifs. Là encore, Sale a pris soin d'amoindrir l'aspect caricatural et parfois presque abstrait qu'il employait pour les habitants de Gotham. Et ce style plus en retenu fait d'autant mieux ressortir sa capacité à rendre les nuances. Tim Sale perfectionnera encore ces points forts de son style pour Catwoman à Rome.

Jeph Loeb a donc choisi la forme d'une histoire dans laquelle le héros évoque ses débuts et sa relation avec une femme qui a marqué à jamais sa vie. L'histoire est racontée au présent, avec parfois des commentaires du Matt Murdock plus âgé qui donne une perspective à une scène ou une autre. Ce qui frappe de prime abord, c'est le ton du récit qui évite la nostalgie larmoyante pour mettre en avant le plaisir de vivre des personnages, sans pour autant être mièvre. Ce délicat équilibre rappelle le plaisir simple des comics des débuts de Marvel où les aventures étaient destinées à un public plus jeune. Et Loeb réussit aussi à éviter d'être simpliste. Il refuse simplement de se vautrer dans une noirceur factice, ce qui lui évite la redite avec Daredevil, l'homme sans peur.

Jeph Loeb et Tim Sale nous ramènent à une époque où les héros n'étaient pas tous des schizophrènes en puissance, jouissant secrètement de la souffrance physique qu'ils infligent aux criminels en les tabassant. Matt Murdock était capable de sublimer la douleur du deuil de son père autrement qu'en se lançant dans une ratonnade aveugle de tous les malfrats croisant son chemin. le scénario fait la place belle aux relations naissantes dans le triangle amoureux de Matt, Foggy et Karen, et Tim Sale accorde une large place aux grandes cases, aux vues de rues de New York sous le soleil et aux acrobaties de Daredevil.
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