AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de karmax211


Cela fait quelques décennies que je lis beaucoup sur la Shoah et donc sur Auschwitz, et lorsque j'ai entendu parler de ce livre témoignage de l'homme qui affirmait avoir été le tatoueur "officiel" du plus terrible des camps de la mort, de la mi-42 à la quasi-libération de celui-ci par l'Armée rouge le 27 janvier 1945, j'avoue m'être demandé dans quelle mesure, ce témoignage tardif, était réellement à prendre au sérieux.
Puis le livre ( qui était à l'origine un scénario ) est devenu un film best-sellerisé ( tout comme le livre ), et là, j'ai repensé au néologisme de... je crois sans en être tout à fait certain, qu'il est de Lanzmann : "shoahbusiness"... !
C'est très récemment que, le bénéfice du doute aidant, je me suis dit : vas-y et vois ce qu'il ressort de cette lecture.
Heather Morris, une journaliste cinéaste d'origine néo-zélandaise vivant en Australie, rencontre à Melbourne Lale Sokolov, Slovaque installé en Australie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, veuf de Gita Furman décédée en 2003. Après la mort de sa femme et jusqu'à la sienne en 2006, il va se confier dans des entretiens pluri-hebdomadaires à la journaliste et lui révéler "son secret" : il a été pendant près de trois ans le Tätowierer de la plus horrible des usines d'extermination nazie : Auschwitz.
C'est là que ce playboy juif de 26 ans, polyglotte ( il parle couramment six langues... mais on ignorera toujours quelles études il a faites et quels sont ses diplômes et son vrai métier ), devant reprendre le tatouage d'une déportée, va rencontrer l'amour de sa vie, Gita, une jeune slovaque, juive comme lui, âgée elle de 18 ans.
Au coeur du coeur de l'enfer, le couple va s'aimer, braver et surmonter tous les obstacles.
Et ces obstacles vont être nombreux : la faim, la maladie, les menaces de mort omniprésentes, les conditions de vie rudes et inhumaines du camp, les rivalités, les dénonciations, les kapos, les SS... bref, tous les spectres de l'univers concentrationnaire.
Mais notre Tätowierer, membre du Politische Abteilung ( département politique ), charmeur, débrouillard et jouissant d'une chance "incroyable", va devenir une sorte de petit roi du camp et obtenir, grâce à l'officier SS Baretzki qui le surveille en permanence, à des locaux "empathiques" (qui viennent du dehors pour travailler dans le camp... un père et son fils... pendant 3 ans... !!! ), des déportées travaillant au Canada ( l'entrepôt géant où étaient stockés et triés les biens arrachés aux déportés )... des monnaies d'échanges ( argent, or, bijoux etc...) qu'il va utiliser pour faire venir du dehors médicaments et nourriture... pouvoir préserver Gita des travaux pénibles, exposés au froid ou à la chaleur, à l'épuisement et à la faim, en lui obtenant un travail dans un bureau... distribuer des rations alimentaires à ses camarades, sauver un déporté évadé, repris et condamné à mort, se sauver lui-même après que son trafic ait été dénoncé, du Block 11... dont il est à ce jour le seul rescapé... et retrouver grâce à une amie de Gita, maîtresse à son corps défendant, de Johann Schwarzhuber officier SS responsable du camp des hommes à Auschwitz-Birkenau, son poste de Tätowierer et reprendre ses combines... comme si rien n'avait jamais été.
Pendant ces trois années "invraisemblables", l'aventure romanesque de Lale et de Gita ( très touchante... surtout dans un tel contexte ) va permettre au lecteur de survoler les moments forts de ce que furent les années 42,43,44 et 45 d'Auschwitz : l'utilisation de "véhicules" pour tuer "artisanalement", puis les fours crématoires, les Sonderkommandos, les sélections opérées par le Todesengel Mengele ( l'Ange de la Mort ), la révolte en octobre 44 des Sonderkommandos qui détruisent les crématoires 3 et 4 du camp... en espérant une révolte générale... qui n'adviendra pas pour des raisons de "calendrier", le SAMUDARIPEN ( le génocide des Tziganes ), côtoyer tout le gratin génocidaire du lieu maudit, dont son commandant Rudolf Höss... avant de quitter le camp un peu avant l'arrivée des Russes, leur servir d'entremetteur en Autriche, traverser ( le plus souvent à pied ) une partie de l'Europe, retrouver sa Slovaquie natale et... miraculeusement Gita... l'épouser, créer une entreprise dans le contexte de la mainmise soviétique stalinienne... faire quelques mois de prison pour avoir fait sortir de l'argent et des valeurs du pays pour soutenir Israël... s'évader... passer par Paris avant d'embarquer définitivement pour l'Australie et y refaire sa vie avec Gita.
Désolé si j'ai été un peu long, mais Lale a vécu tellement d'évènements personnels et historiques... qu'il n'était pas facile de faire ce qui m'apparaissait comme étant les choix les plus parlants.
Après lecture de ce roman historique ou témoignage, traduit en 17 langues et dont les droits ont été vendus dans 43 pays, je reste plus que dubitatif.
D'abord parce que ayant fait des recherches, il nous est dit qu'il est basé sur une histoire vraie à... 95%... ! À quel trébuchet ont été pesés ces 95% et quid des 5% restants ?
Quels évènements appartiennent à l'une et à l'autre mesure ?
Voici ce que dit (en anglais... sorry ! ) l'auteure à ce propos :
"“The book does not claim to be an academic historical piece of nonfiction, I'll leave that to the academics and historians,” she wrote in an email. “It is Lali's story. I make mention of history and memory waltzing together and straining to part, it must be accepted after 60 years this can happen but I am confident of Lali's telling of his story, only he could tell it and others may have a different understanding of that time but that is their understanding, I have written Lali's.”
Certes il y a le temps, la perception et la mémoire de chacun.
Certes Lale a toujours craint d'être considéré comme un collabo... d'où, dit-il, son long silence...
Mais dans mes très nombreuses lectures sur Auschwitz, je n'ai jamais entendu qui que ce soit mentionnant pendant 3 ans la présence du même tatoueur. Jamais non plus cette figure "royale" célèbre dans le sinistre camp n'a été évoquée par les survivants. Jamais je n'ai entendu dire que la justice s'était intéressée à lui. Pas davantage les historiens... et étrangeté parmi les étrangetés... aucune trace, a priori, dans les archives d'Auschwitz-Birkenau...
Alors prudence si vous avez pour projet de lire ce bouquin, cette "biographie". le moins que vous puissiez avoir comme réflexe avant de vous immerger dans cette belle histoire d'amour au milieu de l'horreur, c'est d'avoir à l'esprit qu'elle mêle vérité et fiction au sein d'une Histoire qui, elle, a malheureusement bien existé.
Pour finir je tiens à souligner le manque de profondeur de l'écriture, qui donne un effet survol du temps et de l'action, voire un manque de rigueur narrative... ; de scénario à livre, le fossé littéraire n'a pas été parfaitement comblé.
Commenter  J’apprécie          1034



Ont apprécié cette critique (67)voir plus




{* *}