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Critique de BazaR


Vous qui croyez que la raison l'emporte sur la passion, venez ici lire combien vous vous trompez !

Qu'est-ce qu'on est loin de Corneille, je trouve ! Chez ce dernier on voit souvent le devoir et la raison combattre à armes égales avec les passions. C'est ce déchirement entre deux forces antagonistes de même niveau qui est intéressant. Ici, le devoir n'est au mieux qu'un prétexte que les acteurs utilisent afin d'assouvir leurs passions. Il compte pour presque rien, comme une sorte d'anti-code bushido.

Oreste, fils d'Agamemnon, est envoyé par les Grecs auprès de Pyrrhus (connu ailleurs sous le nom de Néoptolème, fils d'Achille) afin de l'avertir de ne pas leur faire affront en épousant sa prisonnière, la troyenne Andromaque, veuve d'Hector. Pyrrhus doit assassiner le fils d'Andromaque afin que celui-ci ne vienne pas se venger dans l'avenir. Mais dans le fond il espère que Pyrrhus passera outre, car Pyrrhus est déjà officiellement attaché à Hermione, fille d'Hélène et Ménélas, et Oreste est frapadingue d'Hermione depuis toujours.
Hermione, elle, espère qu'Oreste réussira dans sa mission car elle est frapadingue de Pyrrhus.
Pyrrhus, lui, est foldingue d'Andromaque qui, disons-le, n'en a rien à cirer. Elle essaie seulement de le ramener à son devoir de ne pas toucher à son fils.
Bref que des passions unilatérales. Les enfants des héros de la guerre de Troie ne valent pas mieux que leurs parents.

Racine fait monter tous ces sentiments en mayonnaise. J'ai souvent eu l'impression d'avoir affaire à des ados qui se prennent ces émotions puissantes dans la face pour la première fois. Car dès que l'amoureux (Oreste, Hermione ou Pyrrhus) comprend qu'il n'a aucune chance d'être payé de retour, il change son fusil d'épaule et fait acte de cruauté afin de se faire haïr de l'être aimé. Cela vaut cent fois mieux que l'indifférence, que l'absence de sentiments à son égard. Et puis la force de leur amour les noie à nouveau et ils essaient de défaire ce que leur colère a provoqué.
A ce jeu il faut des perdants et des gagnants… ou alors carrément que des perdants, et c'est là qu'on tombe dans la tragédie. Seuls les Grecs sont satisfaits à la fin, je suppose.

Racine change un peu le mythe d'Oreste. Dans ce dernier les Érinyes – aussi appelées Furies –, ces déesses qui persécutent les parricides, commencent à poursuivre Oreste quand celui-ci tue sa mère Clytemnestre. Ici, ce ne sont que visions de folie qui lui apparaissent lorsque la plupart des acteurs ont passé l'arme à gauche. C'est à cause d'elles qu'il déclame à la fin : « Hé bien, filles d'enfer, vos mains sont-elles prêtes ? Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? ».
De fait la dimension mythologique est complètement oubliée dans cette pièce. Les hommes n'ont pas besoin que des Dieux interviennent pour les faire agir de manière irraisonnée. Ils se suffisent bien à eux-mêmes pour cela.
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