Anne Poiret présente Mahar, le lionceau ou l'enfance perdue des jeunes soldats de Daech
Comme ce commissaire de l'Ouest de la France, ancien patron de la brigade des mineurs ouvert à l'idée d'un reportage, prêt à nous accueillir pour un suivi de ses équipes. Lors de notre conversation, je lui fais part des réticences rencontrées, de l'incrédulité de certains de ses collègues, voire de leurs sarcasmes. "Mais vous, commissaire, avez-vous déjà eu affaire à de telles femmes ?"
Un silence. Puis, la voix légèrement étranglée, il raconte : il y a longtemps, une grand-mère. Un petit-fils. Moins de 7 ans. Des pénétrations d'objets. L'horreur, le traumatisme pour toute l'équipe... "C'est le pire. C'est bien pire." Un nouveau silence.
Je m'en souviens comme si c'était hier, c'était inimaginable, cette femme âgée.... une si gentille mamie, j'avais vraiment du mal à l'avaler. Après nous avons eu peu d'autres cas. Mais au moins je savais que c'était possible."p 31
Il est très difficile de leur faire faire la différence entre tendresse et érotisme.
C'est aussi avec des mots qu'un adulte prend le pouvoir sur un enfant.
Il existe aussi toute une autre gamme de comportements souvent nommés "incestuels". La différence avec l'inceste ? L'absence de passage à l'acte, d'un geste clair qui puisse donner lieu à des poursuites judiciaires. Combien de mois de sursis vaudrait un regard, combien le ton d'une voix trop lascive, ou une nuit passée dans un lit ? .....
Toute ma vie je me suis sentie abandonnée. Elle m'avait pris cela : cette confiance en la vie.
Le tabou de la pédophilie féminine fonctionne à plusieurs égards : en même temps que cette relation sexuelle de femmes à enfants est prohibée, il est interdit de la penser sous prétexte de faire exploser un ordre sociétal. Un ordre qui veut qu'une femme protège. Qu'une mère soit un rempart. Que ce sexe-là au moins, résiste au crime.
Les intervenants sociaux eux-mêmes ne s'autorisent donc pas toujours à nommer les choses. Explication de Martine Nisse : "L'inceste de la mère , celle qui est censée protéger, est vécu de manière insupportable.
Si au niveau de la justice le phénomène semble marginal l'explication est à chercher dans l'incrédulité générale. Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour faire accepter l'idée qu'une femme utilise aussi le corps d'un enfant de façon perverse.
Dans nos sociétés judéo-chrétiennes, la mère est sacrée. Remettre cela en question est douloureux. Une maman reste le refuge absolu. Même pour certains thérapeutes", explique-t-elle.
Et de citer le cas d'une petite fille de 4 ans qu'elle suivit en thérapie. Au premier jour de son placement, l'enfant avait dévoilé à son assistante maternelle ce que sa mère lui faisait subir : "Elle met son doigt dans ma moumoune et elle le tourne."
Lors d'une séance de thérapie en réseau (où sont présents plusieurs psychologues et travailleurs sociaux) afin de discuter de ce cas, une psychologue lui avait lancé, "quand même, c'est la maman de l'enfant ! Pour son avenir, il n'est pas bon de rappeler à cette fillette ces faits en thérapie." Selon Martine Nisse , la violence du ton trahissait le choc psychologique vécu inconsciemment par cette intervenante. p 33
Parler pour que les victimes de de demain soient enfin crues m'ont dit les uns.
Parler pour que d'autres femmes ne tombent pas dans ce piège, ne connaissent pas les vertiges de la culpabilité. Pour qu'elles soient soignés à l'avenir, pour épargner d'autres victimes m'ont dit les autres.
Parler pour briser ce silence, ce secret qui protège les femmes auteurs d'abus sexuels sur enfants. Qu'un jeune garçon emmure dans sa honte, puis chérie, puis détruite, puisse lire dans les yeux d'un adulte que sa vérité est la bonne. Qu'il ou elle a droit à la parole. Et que la justice sera faite.
Au 119, les écoutants sont formés pour entendre le pire. Après les appels les plus difficiles, ils ont la possibilité d'en parler : c'est toujours le cas lorsqu'un abus sexuel commis par une femme, généralement une mère, est signalé. "Nous savons que cela existe mais il est vrai que cela reste difficile à entendre : il y a toujours un moment où, par réflexe, on se dit que ce n'est pas possible, que la personne qui nous appelle fabule ou délire", précise un écoutant ; "cela semble tellement irréel. Mais notre travail est d'aller au-delà, de mettre de côté nos préjugés."
Ici comme ailleurs, le tabou est palpable. Les écoutants remarquent par exemple qu'il est difficile de nommer les choses : de lier verbalement l'abus lui-même et le fait qu'il a'agisse d'une femme. Et si l'on parle communément d'"abuseurs", le terme "abuseuse" n'existe pas.
Comme il y a 20 ans, lorsque les témoignages sur la pédophilie masculine ont vu le jour, ce sont rarement les victimes qui appellent. "Certains éducateurs, certains soignants préfèrent contacter le 119 plutôt que la justice parce que ce qu'ils ou elles ont vue leur paraît tellement inconcevable qu'ils ont besoin que quelqu'un leur confirme que c'est possible", explique Annie Gaudière. p26
Au centre des Buttes Chaumont à Paris, spécialisé dans la prise en charge de victimes d'agressions sexuelles, les cas de patients abusés par des femmes se multiplient également. Martine Nisse travaille sur la pédophilie depuis près de 20 ans.
Elle constate que les cas d'agressions sexuelles provenant de femmes sont de plus en plus nombreux. Il y a une quinzaine d'années encore, elle n'avait jamais été confrontée à de tels cas chez de très jeunes victimes.
Aujourd'hui, sur la centaine d'affaires de famille qu'elle traite chaque année, "une sur deux implique des femmes, actrices ou complices", insiste-t-elle ; je crois que nous n'en sommes qu'au début. Comme nous étions au commencement de la vague de dévoilement des abus des pères au début des années 80."
L'attitude de la société vis-à-vis de ce type de transgressions serait-elle en train de changer p 28
Au centre des Buttes Chaumont à Paris, spécialisé dans la prise en charge de victimes d'agressions sexuelles, les cas de patients abusés par des femmes se multiplient également. Martine Nisse travaille sur la pédophilie depuis près de 20 ans.
Elle constate que les cas d'agressions sexuelles provenant de femmes sont de plus en plus nombreux. Il y a une quinzaine d'années encore, elle n'avait jamais été confrontée à de tels cas chez de très jeunes victimes.
Aujourd'hui, sur la centaine d'affaires de famille qu'elle traite chaque année, "une sur deux implique des femmes, actrices ou complices", insiste-t-elle ; je crois que nous n'en sommes qu'au début. Comme nous étions au commencement de la vague de dévoilement des abus des pères au début des années 80."
L'attitude de la société vis-à-vis de ce type de transgressions serait-elle en train de changer p 28