Associée aux destinées d'un culte et à la valeur de ses conceptions, l'architecture peut, dans une certaine mesure, s'accommoder de la dépendance que celui-ci lui impose. Il n'en va pas toujours ainsi des autres arts. C'est du temple grec, il est vrai, que sont sortis la sculpture, la peinture, la musique et les premiers essais de l'art dramatique lui-même. Mais au lieu de favoriser l'essor de ces différents arts, la religion peut les paralyser; elle peut même ou les empêcher d'éclore ou supprimer plusieurs d'entre eux. Sans agir d'une façon aussi permanente, ni aussi absolue qu'on l'avait cru autrefois, les entraves de son despotisme ont lourdement pesé à certaines époques sur la statuaire égyptienne, en la condamnant parfois à une immobilité que ses premières œuvres ne faisaient point prévoir.
C'est ce côté de calme, de simplicité, de douceur que Paul Potter a exprimé avec une force d'observation et une vérité qui atteignent à la poésie. A ce titre, l'artiste vaut qu'on s'attache à lui : qu'avec lui on pénètre dans l'intimité d'une contrée qu'il a tant aimée ; qu'on découvre l'accord profond, si bien exprimé par lui, de l'homme avec le paysage el les bêtes familières qui l'entourent. Ainsi que le paysan hollandais, Paul Potter a vécu d'une vie simple et c'est par l'ardeur et la continuité de son travail qu'il a mérité son talent. Il mérite, à son tour, que nous cherchions ce qu'a été son existence, si unie, si modeste, tout entière consacrée à son art.
Avec les succès croissants de l'artiste, les amateurs et les marchands avaient appris le chemin de son atelier, et il avait, sur les conseils de son entourage, un peu haussé ses prix. Sa situation financière s'était sensiblement améliorée, mais il gardait la simplicité de ses habitudes et ne profitait de ces nouvelles ressources que pour faire plus de bien. Incapable de changer la vie laborieuse à laquelle il était accoutumé, il en poursuivait plus allègrement le cours, faisant à la fois la part du travail aux champs pour se munir d'impressions et d'études, et celle de l'exécution à l'atelier d'ouvrages dont il cherchait avec soin la composition, afin de leur donner toute la perfection dont il était capable.
C’est Houbraken qui, le premier, a parlé de l’avarice de Rembrandt, ouvrant ainsi la voie aux anecdotes inventées par ses continuateurs. Le trait qu’il en cite, en admettant qu’il soit réel, n’est rien moins que concluant. A l’en croire, les élèves de Rembrandt pour railler cette disposition qu’ils avaient surprise chez lui, prenaient quelquefois plaisir à peindre par terre une pièce de menue monnaie, que leur maître se baissait alors pour ramasser. Tel que nous le connaissons, Rembrandt, si bon qu’il fût, n’était pas d’un caractère trop endurant, et il nous paraît peu probable qu’il eût supporté le renouvellement d’une plaisanterie d’un goût assez douteux. S’il en a été une fois la victime, il ne faudrait pas attacher grande importance à un mouvement bien naturel, auquel, distrait comme il l’était, il pouvait plus que personne être porté et qu’il n’est pas besoin d’expliquer par l’avarice. Peu d’artistes, au contraire, ont poussé au même degré que lui l’insouciance dans l’administration de leurs affaires et il devait à la fin de sa vie cruellement expier les conséquences de ce désordre.
Après tant d’études désintéressées, la maturité était venue pour lui… On commençait à lui acheter ses tableaux, et sa modestie s’effarouchait des prix, cependant très modiques, auxquels il les vendait. Pour se rassurer, il lui arrivait parfois de gratifier l’acheteur d’une ou deux toiles en plus du marché, afin de justifier ces gains inespérés.
Dans les séjours successifs qu’il fit à Rome, il devait plus d’une fois les contempler et, en dépit de la difficulté et de la fatigue causées par un pareil travail, il s’appliquait à les copier fidèlement. Le Louvre possède, en effet, de lui des dessins très consciencieusement exécutés d’après six des huit Prophètes et deux des Sybilles, ainsi qu’une étude à la sanguine de la Création de l’homme. Si l’on ne connaît pas de copie faite par lui du Jugement dernier, l’impression qu’il en reçut fut aussi profonde que durable, car, près de quinze ans après, alors qu’il était dans la pleine maturité de son talent, la fresque de Michel-Ange devait lui inspirer une suite de plusieurs compositions analogues.
Le nom de Terburg, sous lequel nous sommes habitués, en France, à designer le célèbre artiste, n'est ni le sien, ni celui de sa famille. Malgré les scrupules que nous éprouvions à modifier une appellation consacrée chez nous par un long usage, nous avons dû nous décider à accepter la dénomination Ter Borch généralement adoptée aujourd'hui, non seulement en Hollande, mais partout à l'étranger, et qui d'ailleurs — on le verra par les fac-similés de signatures que nous reproduisons — est seule conforme à l'orthographe usitée par le maître et par tous les siens.
Dans les temps modernes, Venise aussi a pu bénéficier de sa situation maritime, mais il fallait une race vraiment forte et résolue pour s'accommoder, comme elle le fit, des conditions exceptionnelles où elle s'était placée et pour y trouver la grandeur et la puissance. A de tels efforts, les caractères se trempent et les énergies sont stimulées. Le commerce que Venise avait créé avec l'Orient, en même temps qu'il lui procurait la richesse, la mettait en contact avec l'art byzantin qui, tout épuisé qu'il fût, se rattachait encore aux dernières traditions de l'art antique. Elle avait bien pu prendre à Constantinople l'idée première et quelques-uns des traits élémentaires de son architecture, mais elle justifiait cet emprunt en l'appropriant à ses besoins et elle achevait ainsi de se donner cette physionomie particulière qui la distingue entre toutes les autres cités.
L'artiste se sentait à l'aise parmi ses compatriotes, et il avait retrouvé, avec ses habitudes, le milieu qui lui convenait. Bon vivant, ami des petites gens et des paysans, il aimait à se mêler à eux, à surprendre sur le vif les traits de leur vie familière qu'il s'est plu à introduire dans ses tableaux.
Si intéressantes que soient pour nous ces images de la vie familière, le talent de Van de Velde se trouvait mieux à l'aise en traitant des scènes d'un autre genre dont, plus d'une fois, il avait pu être le témoin. Trop jeune pour avoir été mêlé aux événements héroïques qui avaient marqué les débuts de la révolte contre les Espagnols, il était appelé par ses convictions à s'associer chaleureusement aux péripéties de cette longue lutte qui devait amener l'émancipation politique et religieuse de sa patrie d'adoption.