[...] mais permettez-moi à présent de vous demander d'imaginer la situation suivante. Vous vous réveillez un matin dans un lit, dos à un violoniste inconscient. Un célèbre violoniste inconscient. Une maladie rénale mortelle lui a été diagnostiquée et, après examen minutieux de tous les dossiers médicaux disponibles, la Société des mélomanes a découvert que vous étiez la seule personne à disposer du bon groupe sanguin pour l'aider. Votre enlèvement a donc été organisé et, la nuit dernière, le système circulatoire du violoniste a été branché au vôtre, de façon que vos reins puissent extraire les substances toxiques du sang du malade et du vôtre. À présent, le directeur de l'hôpital vous dit : « Écoutez, nous sommes désolés de ce que la Société des mélomanes vous a infligé. Si nous avions su, nous n'aurions jamais autorisé cette opération, mais c'est maintenant fait et le violoniste est désormais relié à vous. Le débrancher le tuera. Mais pas d'inquiétude, vous n'en avez que pour neuf mois. Ensuite, il sera guéri et pourra être débranché sans risque. >> Vous incombe-t-il moralement d'accepter cette situation? Il ne fait aucun doute qu'il serait très aimable à vous d'accepter et vous feriez alors preuve d'une grande gentillesse. Devez-vous le faire autant? Et si la situation ne durait pas neuf mois, mais neuf ans? Ou encore plus longtemps? Et si le directeur de l'hôpital vous disait : « Ce n'est pas de chance, je le reconnais, mais vous devez maintenant rester au lit avec le violoniste pour le reste de votre vie. Car souvenez-vous que toute personne dispose du droit à la vie, et les violonistes sont des personnes. Il est vrai que vous avez le droit de décider ce qu'il advient dans et de votre corps, mais le droit à la vie d'une personne l'emporte, alors le violoniste ne pourra jamais être débranché de vous. >> J'imagine que vous trouveriez ces propos choquants, [...]