Parfois on parle et on ne dit pas.
Ne pas dire et mentir ne sont pas deux choses équivalentes. Mentir est moralement plus grave, tout le monde le sait.
Et pourtant, ce qu’on ne dit pas est puissant. Plus encore que ce qui est dit. Plus encore que le mensonge.
Car ce qu’on ne dit pas reste là. Ca ne s’en va pas. Au contraire, ça gonfle. Ca grandit. Et ça fait des dégâts. Ca en fait toujours.
D’autres fois, au contraire, on parle et on n’entend pas.
On n’entend pas pour ne pas éprouver de douleur.
Mais malgré tout la douleur viendra. Oh oui, elle viendra.
Personne ne peut nous préserver totalement de la douleur.
Même si on n’a pas dit. Même si on n’a pas entendu.
Du reste…, ajouta-t-il en adressant un regard complice au Directeur, c’est le ressenti qui compte, non la réalité du phénomène. Et une chose devient vraie quand on la croit vraie.
Sans confiance, il n’existe pas de communauté.
Le boulanger. On ne pense jamais qu’il a empoisonné le pain quand on va l’acheter chez lui.
Le chauffeur de bus. On ne pense jamais qu’il conduit ivre quand il nous transporte vers notre domicile.
La personne qu’on aime. On ne pense jamais qu’elle peut nous faire du mal les nuits où elle dort à côté de nous.
Confiance. Confiance. Rien d’autre que de la confiance. Tout repose sur la confiance. On ne mangerait pas, on ne se déplacerait pas, on ne dormirait pas sans confiance.
Mais combien de temps faut-il pour avoir confiance en quelqu’un ? Avoir vraiment confiance.
Une minute, un jour, un an ? Une vie peut-être ?
Combien de temps faut-il pour que se déclenche l’instant précis où nous décidons d’abaisser nos défenses et de nous exposer ?
Parce que, chaque fois que nous faisons confiance à quelqu’un, nous abaissons nos défenses. Nous nous exposons. Nous montrons notre peau nue. Et la peau nue peut aussi bien être caressé par une main amoureuse que sectionnée par un bistouri tranchant.
Que faisait Mademoiselle Euphorbia dans les années deux mille ?