Marie-Monique Robin est journaliste et réalisatrice, lauréate du prix
Albert-Londres (1995), auteure notamment de "
La fabrique des pandémies. Préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire" (La Découverte, 2021), également le titre d'un documentaire sorti après le confinement. Elle montre les liens entre maladies émergentes et équilibres écosystémiques.
Barbara Demeneix est biologiste et professeur au Museum national d'Histoire naturelle de Paris. Elle a publié "
Comment les énergies fossiles détruisent notre santé, le climat et la biodiversité" (
Odile Jacob, mai 2022).
Elles sont les invitées d'Olivia Gesbert.
#climat #environnement #écologie
______
Prenez place à La Grande Table pour rencontrer d'autres personnalités qui font l'actualité des idées https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrpsBVAaqJ_sANguhpPukaiT
ou sur le site https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie
Suivez France Culture sur :
Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture
Twitter : https://twitter.com/franceculture
Instagram : https://www.instagram.com/franceculture
+ Lire la suite
Septembre 1923, rue Schelling à Munich. Au fond d'une cour, un studio : " Photohaus Hoffmann ", dit l'enseigne. C'est là qu'a rendez-vous un certain Adolf Hitler qui préside un obscur "Parti national-socialiste des travailleurs ". En Allemagne, personne ne connaît son visage : il a demandé à son ami Heinrich Hoffmann de lui tirer le portrait. Les deux hommes se sont rencontrés en 1920 et partagent les mêmes convictions d'extrême droite. De cette première séance de pose sortira une photo largement diffusée après le putsch manqué de 1923. Le couple Hitler-Hoffmann est né, qui conduira à la création du mythe " Führer ". [...]
Mai 1945. Hoffmann est arrêté par les Alliés qui confisquent ses biens, dont ses 2,5 millions de photos. Incarcéré à Nuremberg, où se prépare le procès des criminels nazis, il est contraint de classer ses archives pour fournir des preuves à charge contre certaines personnalités. Lors du procès, le photographe est reconnu coupable dans la catégorie n°1, celle des principaux responsables nazis, au motif que ses " photos ont largement contribué à la prise de pouvoir de Hitler ".
A propos "des moissons du futur".
- Ce qui se passe est un énorme gâchis. Il faut rappeler que non seulement l'industrie agroalimentaire rend les gens malades, mais qu'en plus elle ne parvient pas à nourrir le monde : 1 milliard de personnes souffrent de la faim. L'argument qui dit que les pesticides constituent la seule solution à la famine est donc complètement faux. Il faut aller sur place pour voir ce qui se passe. La bonne nouvelle, c'est qu'avec l'agroécologie, il y a des solutions qui marchent.
- Et la mauvaise nouvelle?
- J'ai fait plusieurs fois le tour du monde mais je n'ai jamais ressenti un tel sentiment d'urgence que lors de ce voyage qui m'a mené du Mexique au Malawi, en passant par le Japon. Nos enfants vont vivre dans un chaos inouï : des millions de réfugiés, la fin du pétrole et du gaz... La nécessité d'agir est extrême, les solutions sont à notre portée, mais on continue à faire comme si de rien n'était. On a les moyens de s'en sortir, mais je suis en même temps très pessimiste parce que, pour la première fois, je me dis qu'il est peut-être déjà trop tard.
Propos recueillis par Kristel Le Pollotec.
(Charles Elton, cité par Harold Manter, a dit dès 1958 que:) "Nous assistons à l'une des plus grandes convulsions historique dans le onde animal et végétal"
Cette "convulsion" est due à la déforestation et à la fragmentation des habitats naturels à grande échelle. Si l'on se place du point de vue des agents pathogènes, c'est une vraie aubaine, car en modifiant dramatiquement les écosystèmes nous leur ouvrons un nombre infini d'opportunités de s'installer dans de nouveaux hôtes. Si vous ajoutez à cela l'urbanisation galopante avec des villes si denses qu'elles ressemblent à des boîtes de Petri, puis la globalisation effrénée des échanges et, enfin, le dérèglement climatique, vous avez un cocktail absolument inédit dans l'histoire de l'humanité, qui crée les bases écologiques permettant aux maladies infectieuses de se répandre en un temps record n'importe où sur la planète. Ce cocktail est l'une des principales caractéristiques de l’anthropocène. (p. 231)
Les épidémies de zoonoses et de maladies à transmission vectorielle sont liées aux pertes de biodiversité, mesurés par le nombre d’espèces sauvages menacées ou par la densité du couvert forestier. Donc, si on résume : plus de biodiversité signifie plus de pathogènes, mais moins de biodiversité signifie plus d’épidémie infectieuses.
Seule l'écologie, qui est la science des équilibres, et une vision globale de la santé nous permettront d'alléger les deux fardeaux sanitaires [le changement climatique et la perte de biodiversité] qui affectent l'humanité, en agissant avec synergie. (p.212- déclaration de Jakob Zinsstag)
On savait. Mais les politiques font la sourde oreille, en continuant de promouvoir une vision technicise et anthopocentrée de la santé, qui fait la part belle aux intérêts des multinationales pharmaceutiques et de l’agrobusiness, lesquelles partagent les mêmes actionnaires et fonds de pension, dont les dirigeants sont lobotomisés par la recherche de profit à cours terme. Ce grand aveuglement collectif est entretenu par la balkanisation des disciplines scientifiques et des instances ministérielles, qui fonctionnent en “silos“, sans aucune connexion entre elles.
L’étude qu’il a publié dans Science a été cosignée par cent vingt neuf scientifiques internationaux, qui ont épluché les données fournies par 1700 experts issus de cent trente pays, concernant l’état de 5 487 espèces de mammifères terrestres et marins. Les résultats ont été dévoilés lors du congrès mondial de la nature qui s’est tenu à Barcelone du 5 au 14 octobre 2008. Et ils ont fait la une de la presse internationale: 25% des espèces étudiées, pour lesquelles il existait suffisamment de données, étaient menacées d’extinction, dont 36% des mammifères marins. […] 40% des mammifères terrestres étaient affectés, voire menacés, par la destruction ou la dégradation de leur habitat, principalement dans les régions intertropicales d’Asie du Sud, en raison d’un taux croissant de déforestation.
J'ajouterai, en guise de conclusion, que pour nous aussi, les citoyens et citoyennes de la bonne vieille planète Terre, "l'affaire est sérieuse". Après avoir, pendant quatre ans, suivi à la trace la firme de Saint Louis, je me crois en mesure de pouvoir affirmer qu'on ne peut plus dire qu' "on ne savait pas" et qu'il serait irresponsable de laisser la nourriture des hommes tomber en de pareilles mains. Car s'il y a désormais une chose dont je suis sûre que je ne veux pas, pour moi et encore moins pour mes trois filles et mes (futurs) petits-enfants, c'est bien du monde de Monsanto...
Entre 1960 et 2017, le nombre de bovins vivant sur la planète est passé de moins de 500 millions à près de 1,6 milliard, celui des cochons de 500 millions à 1,5 milliard, celui des poulets de 5 milliards à plus de 20 milliards. Le nombre d’animaux d’élevage est devenu tel que leurs poids cumulés est plus important que celui de l’ensemble des humains et de toute la faune sauvage terrestre. Nous sommes entrés dans l’ère du bétail, le « bovinocène » du latin « bovinus »
La pratique instituée par Monsanto scelle une "double révolution" : "La première (...) c'est le fait d'avoir le droit de breveter des semences, ce qui était absolument interdit jusqu'à l'avènement de la biotechnologie ; la seconde, c'est l'extension des droits du fabricant conférés par les brevets. Je reprendrai pour cela l'image qu'aime employer Monsanto : il compare la semence transgénique à une voiture de location ; quand vous l'avez utilisée, vous la rendez à son propriétaire. En d'autres termes, la firme ne vend pas de semences, elle se contente de les louer, le temps d'une saison et elle reste propriétaire ad vitam aeternum de l'information génétique contenue dans la semence qui est dépourvue de son statut d'organisme vivant pour devenir un simple "produit" (commodity). Finalement les paysans sont devenus les exécutants de la propriété intellectuelle de Monsanto. Quand on sait que les semences constituent la base de la nourriture du monde, je pense qu'on a des raisons de s'inquiéter...