GRAND V - Le passage de la parfaite maman cinglante Maude Michaud
(…) quand un adolescent déprime, enfermé dans sa chambre. "Ça va lui passer", que les gens disent sans lever le petit doigt. Comme si on ne pouvait pas souffrir pour vrai en bas de dix-huit ans. Comme si les vrais sentiments étaient réservés aux personnes majeures. Après, ils sont surpris qu’autant de jeunes se suicident.
C’est ce qu’il y a de beau avec l’amour. Tu peux être partout ou nulle part, il peut faire gros soleil ou mouiller à siaux, et tes poches peuvent être ben pleines ou complétement vides sans que tu t’en fasses parce que tu n’as besoin de rien. T’es autosuffisant d’amour.
À nous deux, on a dû refaire le monde au moins cinq mille fois. Si une seule de nos idées avait été appliquée, probablement que la Terre tournerait moins carré. Mais personne n’écoute jamais ce que la génération qui va ramasser les pots cassés a à dire.
Ce n'est pas parce que faire des enfants, les porter pis accoucher est quelque chose de naturel que c'est le fun ni que c'est fait pour tout le monde. Je ne sais pas qui est celui qui a lancé cette rumeur, mais ça serait bien gentil qu'il envoie un erratum par courriel à toutes les femmes pour leur annoncer qu'il était dans le champ et qu'il s'excuse auprès de toutes celles qui se sont senties coupables de ne pas tripper sur la maternité depuis les deux cents dernières années.
Pour Rose, la lecture, ce n’était pas juste un passe-temps; c’était la porte vers un monde moins gris que le sien. Un monde où les gens se témoignaient beaucoup plus d’amour qu’elle n’en verrait chez elle de toute sa vie. Une place où les héros voyageaient, jetaient des sorts et faisait un paquet d’autres affaires qu’elle ne ferait jamais. Un endroit où tout était possible jusqu’à ce qu’elle referme son livre et que pratiquement plus rien ne le soit.
Le soir, Angéline aimait laver la vaisselle en regardant par la fenêtre de la cuisine (…) Elle disait que pendant qu’elle faisant aller sa lavette, la Terre tournait moins vite pis que parfois, elle arrivait même à arrêter de penser, mais c’était rare parce qu’un cerveau de femme, ça ne prend jamais de break.
Vieillir aussi, c'est naturel, mais c'est loin d'être simple de continuer de profiter de la vie quand ton corps tombe en morceaux.
Lorsque l'hiver débarquait, mes amis et moi sortions pelles et traineaux et construisions des forts qui étaient détruits chaque fois que la gratte passait, comme la mer emporte les châteaux de sable à marée haute. Parce que le plaisir de bâtir était plus grand que le résultat final, nous en recommençions la construction en boucle avec la même motivation et le même grand sourire sans jamais nous tanner.
Je passais donc le plus clair de mon temps dans la ruelle, ma mère me laissant m'y amuser en jetant à l'occasion un oeil distrait par la fenêtre sans me voir, jusqu'à ce qu'elle me crie que c'était l'heure de manger.
Nous n,avions ni IPad, ni ordinateur, ni jeu vidéo. Parfois, nous n'avions même pas de ballon et c'est l'imagination dont nous débordions qui faisait tout le travail.
S'ils nous avaient vus et s'ils nous avaient connus, ils n'auraient pas eu d'autre choix que de revoir leur définition de l'amour.