Combien de visages peut contenir un être humain ?
Je crois que la méchanceté est directement proportionnelle à la bêtise.
Les chemins que les hommes empruntent pendant leur vie permettent de présager leur destin, dit Scrooge. Mais si l’un d’eux dévie de ce chemin, son destin changera-t-il?
( Ref.Un chant de Noël de Charles Dickens)
Etre stupide est un choix personnel et il ne faut pas nécessairement porter un uniforme pour exercer ce talent maléfique.
[Citant Youri Gagarine lors de son vol spatial]:
La Terre est bleue, a-t-il dit à la radio, contemplant à travers son hublot la mer dans laquelle reposerait le camarade Yuri des années plus tard. La Terre est bleue et belle, a-t-il dit, et d'ici, que l'Histoire le retienne, ne l'oubliez jamais, s'il vous plaît: on n'entend la voix d'aucun dieu.
Le jeune Kinjo, qui est un vieil homme désormais, dit qu'il n'est pas si difficile de devenir ce que nous redoutons le plus.
Chacune de ces photos est une carte postale envoyée d'un autre temps.
Un appel au secours qui demande à grand cris d'être entendu.
Que sont devenus les enfants que nous étions ? demande dans l'un de ses vers le poète Enrique Linh. Space Invaders prend en charge cette question. Il le fait en nous invitant à rêver nos souvenirs ou à nous souvenir de nos rêves, opérations interchangeables. Il le fait sans prétendre à une image définitive, conscient que les rêves sont divers, comme diverses sont nos têtes, et divers sont nos souvenirs, et divers nous sommes, et divers nous avons grandi.
Ce livre nous invite au travail de mémoire. Un travail en rien facile pour les enfants qui ont grandi en affrontant l'attaque incessante des envahisseurs de l'espace. Personne ne veut se souvenir des cauchemars. Mais, inévitablement, comme il est dit vers la fin de ce texte, Nous sommes là submergés/ Nous ne savons pas nous réveiller.
Ce livre nous aide justement à faire ce travail.
Se souvenir pour sortir de ce rêve sans issue apparente.
Une vie, une autre et une autre encore, une tuerie cyclique sans fin possible.
Echapper à ce mauvais rêve auquel nous sommes soumis.
Notre propre histoire.
Apprendre à s'éveiller.
Jaime Pinos, Valparaiso, Juillet 2013
Ici les rêves et les souvenirs sont une seule et même chose. Ici, rêver c'est se souvenir : Nous ne savons pas si c'est un rêve ou un souvenir. Parfois nous croyons que c'est un souvenir qui s'introduit dans les rêves, une scène qui s'échappe de la mémoire de l'un et se cache entre les draps sales de tous. Elle a pu être déjà vécue, par nous ou par d'autres. Elle a pu être représentée et même inventée, mais plus nous y pensons, plus nous croyons que c'est seulement un rêve qui s'est transformé en souvenir. S'il y avait une différence entre les uns et les autres, nous pourrions identifier d'où il est sorti, mais sur notre matelas sans mémoire tout se confond et la vérité c'est que maintenant cela importe peu.
Je crois que la méchanceté est directement proportionnelle à la bêtise. Je crois que ce territoire où vous viviez avec angoisse avant de disparaître était gouverné par des imbéciles. Les criminels ne sont pas intelligents, ce n'est pas vrai. Il faut une sacrée dose de stupidité pour diriger les pièces d'une machinerie si grotesque, absurde et cruelle. De la pure bestialité dissimulée à la perfection. Des gens petits, avec des têtes petites, qui ne comprennent pas l'abîme de l'autre. Ils ne possèdent pas le langage, ni les outils pour ça. L'empathie et la compassion sont des signes de lucidité. La possibilité de se mettre à la place de l'autre, de changer de peau et de visage, est un exercice d'intelligence pure.