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Critiques de Édouard Louis (1109)
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Qui a tué mon père

C'est le second récit d'Edouard Louis auquel je me confronte, et le moins qu'on puisse dire c'est qu'on ne sort pas de cette lecture indifférent.



Une fois de plus, Qui a tué mon père s'intéresse aux gueux de notre époque, ceux qui sont "tenu à l'écart du monde" comme il le dit. Des gens qui hurlent plutôt que de parler, des êtres frustrés et en colère de vivre et qui se vengent en étant plus agressifs, blessants et surtout pas instruits car ce n'est pas leur monde.

L'histoire de famille d'Edouard Louis, c'est une histoire marquée par les addictions et la violence (physique ou verbale) et les départs des hommes qui étouffent et se sentent trop à l'étroit dans cette vie - en cela, Edouard Louis a bien perpétué une forme de tradition familiale. L'histoire de cette famille, c'est aussi l'histoire d'une lutte constante pour échapper à ce qu'on est et à ce qui nous est prédestiné : l'échec et la pauvreté. Un combat souvent perdu d'avance tant les déterminismes et le conformisme au groupe (ni raté ni pédé) sont forts. Et après ce combat où à cause des coups de la vie et les coups des politiciens déconnectés de cette réalité, souvent on y laisse sa peau, et le peu de santé qui reste n'est que pitoyable survie.



C'est le récit de vies gâchées où tout se résume à ne pas perdre la face car c'est tout ce qu'on a. Des vies gouvernées par la honte : la honte d'être pauvre, la honte d'être efféminé, la honte d'être un raté, la honte d'avoir un délinquant dans la famille qu'on ne contrôle pas, la honte d'aimer, la honte d'être un fainéant. La honte d'être né là et de ne pas pouvoir s'en extraire au risque d'être seul et éternel étranger dans un endroit, un milieu qu'il faudra s'approprier.



C'est un récit très court qu'on lit d'une traite, et heureusement qu'il n'est pas plus long.

Socialement et émotionnellement, c'est très dur. Le jeune auteur n'hésite pas à nommer toutes les réformes des gouvernements de bobos parisiens qui ont conduit son père à devenir une épave parmi les épaves. Et on reconnaît toute l'intelligence et la finesse d'analyse qu'il y avait dans En finir avec Eddy Bellegueule.

D'un point de vue littéraire, on pourrait se dire que c'est un conte moderne sur la famille et les enfants qui pour grandir reproduisent ce que nous sommes ou nous échappent. Et depuis ce milieu, ce n'est pas synonyme d'insouciance - contrairement aux milieux plus bourgeois où manger sain et à sa faim est une évidence, tout comme se cultiver, voyager et être accepté et respecté.



C'est un récit militant qui vaut tous les discours sur la précarité et les inégalités sociales. Et maintenant je pense que j'emprunterai le récit sur sa mère, qui est dépeinte ici comme le rempart à la fureur masculine.
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En finir avec Eddy Bellegueule

Eddy grandit dans un village picard. Enfant sensible, il est vite catalogué de ”pédale”, autant en famille qu’à l’école. Coups, brimades, humiliations pleuvent dans un milieu simple, ouvrier, peu éduqué et plus enclin à la violence qu’à l’expression des sentiments. Une fiction au ton autobiographique, mêlant parfaitement les niveaux de langue, percutante, sobre mais qui n’élude rien, pour mieux dénoncer misère humaine, sociale et culturelle, homophobie et haine de la différence.
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Qui a tué mon père

J'aime beaucoup ce qu'écrit Édouard Louis et je ne comprends pas les critiques que j'ai entendues sur "Qui a tué mon père" (au Masque et la plume sur France Inter notamment) parce qu'il ne dit pas la même chose que dans son premier roman autobiographique "En finir avec Eddy Bellegueule" où le portrait de son père était beaucoup plus négatif. C'est ça la littérature, cela veut dire qu'il y a forcément une part de fiction, un angle variable sous lequel on peut voir les autres, et tant mieux.

Bref, j'ai apprécié ce livre court qui est une commande de Stanislas Norday pour le théâtre. Pourtant ce n'est pas vraiment une pièce mais plutôt un monologue en trois actes, un fils qui parle de son père. Il a peu de souvenirs avec lui et se rend compte qu'il ne sait rien de sa vie. Quand il renoue après plusieurs années sans le voir, il est sous le choc de voir son corps meurtri, usé par un travail harassant alors qu'il n'a qu'une cinquantaine d'années.

Il en fait un sujet universel sur l'oppression et le mépris des plus modestes par ceux qui ont le pouvoir. Il nomme des responsables politiques français et dénonce leurs décisions qui "broient le dos" de son père. Cela n'a pas plu notamment à Martin Hirsch qui a écrit un livre pour lui répondre.

Moi je partage les accusations d'Édouard Louis sur la destruction sociale des corps les plus vulnérables.





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Histoire de la violence

Autant l'annoncer tout de suite : Edouard Louis est un garçon que j'aime détester. Si j'admire la détermination qui l'a fait s'élever socialement, et si je partage certaines de ses prises de position sociétales, en revanche je n'apprécie pas la façon dont il a rabaissé son milieu d'origine dans son précédent livre.

Dans le présent récit, Edouard Louis raconte l'agression dont il a été victime un soir de Noël, et toutes les démarches médicales et judiciaires qu'il a dû entreprendre par la suite. Se mettant à nu comme il aime le faire, étant le propre sujet de son observation, il relate tout ce qu'il a vécu et ressenti, jusqu'à son refus déroutant de porter plainte contre son violeur, au motif qu'il s'oppose à la répression carcérale. Cette confession (plus qu'un témoignage), aurait pu être émouvante si l'auteur s'était montré moins imbu de lui-même, notamment lorsqu'il imagine son enterrement ou rappelle la distance qu'il a parcourue depuis qu'il a "fui" sa famille.

Et c'est là qu'il m'a à nouveau agacée : bizarrement, il fait raconter son histoire par sa soeur, demeurée en Picardie. Bien évidemment, elle raconte son histoire dans une langue truffée d'erreurs de syntaxe et ponctuée de commentaires de prolotte. Heureusement qu'Eddy ...pardon, Edouard, est là pour rectifier, dans sa langue châtiée, ses imprécisions. J'ai trouvé ce procédé insupportable, même si je pense comprendre que l'auteur a voulu dénoncer l'appauvrissement intellectuel qui ronge les petites villes de France. Mais je m'insurge contre cette vision fataliste et généraliste des choses, je n'aime pas cette bienveillance empreinte de pitié et de mépris refoulé, et je continue de croire que les études supérieures ne rendent pas plus intelligent, ni plus humain.

Peut-être que dans quelques années, l'expérience aidant, Edouard Louis écrira de meilleurs livres. Mais en attendant, mieux vaut lire Annie Ernaux (à laquelle il se réfère) qui elle, sait faire preuve d'une juste impudeur et d'une réelle bienveillance.
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Qui a tué mon père

Qu’il est pénible d’écrire un avis négatif sur un auteur qu’on a, un jour, adoré. Qu’il est difficile de critiquer un livre qu’on aurait aimé aimer. Parce que globalement on se sent proche de l’auteur, parce qu’on partage sa sensibilité, ses opinions politiques.



Et pourtant, il le faut. Par honnêteté envers moi-même et envers vous, chers lecteurs de ce billet.



Alors déjà le titre. Je ne suis pas une puriste, loin s’en faut et je suis d’ailleurs moi-même sujette aux erreurs de syntaxe et aux fautes d’orthographe. Mais voilà ce titre blesse mes yeux à chaque regard. Est-ce une question, mais où est le point d’interrogation ? Ou est-ce une affirmation – et après la lecture je pencherai pour cette deuxième possibilité – mais quelle étrange formulation que cette subordonnée bancale, orpheline de sa principale ….



Le contenu : j’ai eu la forte impression de lire ici un assemblage des « chutes », je veux dire des passages supprimés du premier roman d’Edouard Louis, « Eddy Bellegueule », passages que l’éditeur aurait jugés inutiles (à juste titre) dans ce premier roman.



C’est un dialogue (enfin c’est un grand mot … Chez ces gens-là, on ne parle pas, Monsieur) entre un fils, dont il est difficile de percevoir l’amour ou même la compassion pour son géniteur, et son père, homme effacé, absent, mutique, qui n’a jamais vraiment accepté la sensibilité de son fils, son goût pour l’esthétisme, son homosexualité.



En fin de roman, Edouard Louis énumère toutes les mesures antisociales prises par les derniers gouvernements français (de droite et de gauche), je suppose qu’il faut y voir la liste des accusés (et coupables sans aucune forme de procès) de la déchéance du père. Selon moi c’est oublier le poids du milieu socio-économique dans lequel le père a grandi. C’est oublier son manque de volonté pour s’en sortir. C’est oublier son penchant pour l’alcool. C’est oublier son besoin de se conformer à l’image de l’homme viril, du mâle fort et violent. Je ne donne pas raison aux lois antisociales, mais je crois qu’elles ne sont que la partie visible de l’iceberg, qu’il s’agit d’un problème de société et d’éducation, bien plus qu’un problème politique ou économique …



Malheureusement Edouard Louis semble condamné à n’écrire que sur son histoire personnelle, comme il l’a très bien fait dans son premier roman, sans réellement dépasser le stade de dénonciation, sans réellement élargir la perspective.



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En finir avec Eddy Bellegueule

J'ai un avis assez mitigé sur cette lecture.

Je l'ai lu facilement, le style est fluide. Le sujet pourrait m'intéresser réellement : un enfant, un adolescent qui cherche à fuir son homosexualité, à s'échapper de son milieu. Mais en réalité je suis restée extérieure à l'histoire d'Eddy. Je n'ai pas réussi à m'y attacher, à m'y intéresser. Je suis restée une lectrice "clinique", sans éprouver d'empathie. Et cela m'a gêné.

J'avais lu que l'auteur avait été très dur avec son père dans l'écriture du livre. Je n'ai pas ressenti tant de dureté que ça. Pour moi il essaie au contraire de comprendre parfois les raisons du comportement odieux de son père. Je l'ai en fait trouvé nuancé finalement.

Bref, cette lecture ne me marquera pas je pense. Et a priori, je n'irai pas vers un autre livre de l'auteur, par soucis de sensibilité.
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En finir avec Eddy Bellegueule

Le mot « roman » s'étale sur la couverture, comme pour conjurer par avance l'accusation de trahison. Car, qui s'exprime au fil des pages ? Eddy, de son vrai nom Bellegueule, enfant d'une famille ouvrière du nord de la France. Ou Edouard le brillant normalien ? Le narrateur ne règle pas ses comptes avec sa famille, n'en déplaise à certains, il les règle avec lui-même.

Étrange titre que ce « En finir avec Eddy Bellegueule », le livre refermé, l'enfant, l'adolescent Eddy ne nous quitte plus. Au contraire, il s'impose avec sa silhouette fragile, son image tremblée sur fond de misère prolétarienne. Les Bellegueule au complet occupent notre esprit. Le père, ouvrier cassé par l'usine, imbibé de pastis et dont les poings ont martelé tous les murs de la maison. La mère, dite la « grosse », abîmée par cinq grossesses, femme au foyer puis aide ménagère dans le village, qui met un point d'honneur à tenir propre sa maison déglinguée et qui envoie le gosse à l'épicerie quand l'argent manque en fin de mois pour « faire marquer ». Le fils aîné, né d'une première union de la mère, violent, bagarreur, incontrôlable quand il a bu. La grande soeur dont les ambitions professionnelles ne cessent de se revoir à la baisse et qui finit vendeuse à la boulangerie du village. Et dans l'ombre de l'enfance, les jumeaux.

Pourquoi Édouard veut-il en finir avec Eddy ? Parce qu'il ne peut lui faire de place sans se souvenir du passé, des humiliations quotidiennes réservées à un être efféminé dans un milieu où être un dur est la principale qualité attendue d'un homme. Parce qu'il ne peut oublier ses tentatives vouées à l'échec d'être comme les autres, un gars qui prend des cuites, joue au football, drague les filles et quitte l'école pour l'usine.

Édouard est un transfuge, qui a fui le monde prolétaire qui lui était assigné par la naissance, par son prénom Eddy, pour l'intelligentsia parisienne, le monde des bourgeois, des manières courtoises, du langage élégant. La mue s'est opérée et la vieille peau peut être abandonnée. Cependant, en disciple de Bourdieu qu'il est, Édouard sait qu'il a intériorisé des dispositions plus ou moins conscientes venues de son milieu, l'habitus. Derrière Édouard, il y aura toujours Eddy.

On a beaucoup reproché à l'auteur de traîner dans la boue une pauvre famille qui avait fait ce qu'elle pouvait pour élever ses enfants, pas plus mal, mais pas mieux que les autres familles confrontées à des conditions économiques et sociales difficiles. C'est ignorer l'arrière-plan intellectuel de l'écrivain. Il ne fait pas le procès d'une famille, mais d'une société qui produit des inégalités sociales dont sont victimes les plus faibles. le ton est souvent distancié pour que l'observation soit la plus juste, détachée d'une présentation misérabiliste. Certains y voient de la froideur, du mépris, comme si la peinture crue de la famille d'Eddy, de son village, de son entourage, était outrée et chargée de mauvaises intentions. Je ne le crois pas. Je suis même certaine du contraire si l'on pousse la logique jusqu'au bout : que reprocher aux siens si leurs travers, leur vulgarité, leur violence sont le produit des mécanismes sociaux ?

L'ambiguïté du titre est magnifique : Eddy a maintenant sa place, qu'Édouard le veuille ou non.
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En finir avec Eddy Bellegueule

Ce "roman", je l'ai dévoré. Il m' a pourtant souvent gênée. Eddy Bellegueule devenu Edouard Louis raconte son enfance dans un milieu misérable, ouvrier du Nord de la France: la violence, les préjugés, la misère matérielle et culturelle, la méfiance vis à vis de la médecine, le manque d'hygiène, les valeurs dites viriles, les déterminismes, etc...et tout cela dans les années 1990-2000 puisque l'auteur est né en 1992. Même lorsqu'on vient d'un milieu modeste, on reste parfois interloqué car on a l'impression de lire une autobiographie (car c'en est une, l'auteur le dit lui-même), du début du XXème siècle.

Eddy découvre son homosexualité ce qui lui vaut un rejet de sa famille, de son entourage et des insultes et brimades au collège. Certains passages sont vraiment éprouvants. Il fait tout pour se conformer au modèle proposé par son entourage...en vain.

J'ai trouvé ce récit bien écrit, bien construit en abordant les thèmes sociologiques sous l'angle littéraire. Il joue sur différents niveaux de langage. Il a été mal perçu par sa famille et je le comprends, il ne pouvait en être autrement.Cela a même dû être extrêmement violent, pour sa mère notamment, qui a pu y voir ingratitude et mépris. Bien sûr Edouard Louis affirme qu'il s'agit d'un roman mais il met son vrai nom sur la couverture, a dit à plusieurs reprises qu'il s'agissait de lui. Il n'y a pas suffisamment de distance, à aucun moment on ne sent de la tendresse, des excuses éventuellement... On comprend qu'Eddy était malheureux, qu'il se sentait différent, qu'il ne partageait pas les valeurs, les goûts de son entourage et on pressent que vivant à Paris dans des milieux intellectuels et cultivés, il se sentira également décalé car l'enfance est fondatrice. La honte sexuelle sera remplacée par la honte sociale.
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Histoire de la violence

Aborder la lecture du deuxième roman d'Edouard Louis, surtout accompagné par une presse à genoux, célébrant un jeune prodige, n'est pas des plus aisé. Comment s'extraire du battage médiatique et juger sereinement ce livre, surtout que le premier ne m'avait pas totalement convaincu ? Très simple, ne rien lire, tenter d'évacuer les quelques gros titres malencontreusement lus, s'isoler et se plonger dans cette " Histoire de la violence".

Nous sommes toujours dans la veine auto-biographique. Edouard Louis le soir de Noël a été victime d'un viol avec tentative de meurtre. Le livre en est le récit circonstancié. Voulant sans doute se démarquer de la sécheresse d'une Christine Angot, Edouard Louis, en jeune homme brillant, choisit d'y apporter une dimension littéraire tout en développant un raisonnement conforme à ses pensées profondes, lorgnant peut être plus du côté d'Annie Ernaux. En choisissant trois niveaux de récit, le sien propre, celui qu'il entend raconter par sa soeur à son mari camionneur et de nouveau le sien propre mais en italique pour recadrer les propos de sa frangine, l'auteur ne joue pas avec la facilité. Donc, au milieu de ce récit troublant, se nichent la volonté de donner à entendre et à lire un parler populaire, les rémanences d'une enfance et adolescence en milieu populaire picard et le refus viscéral de céder à la stigmatisation facile ( arabe = voleur, violeur, délinquant). Pour tous ces regards, cette analyse impressionnante sur soi-même face à cette violence, le livre apparaît comme le résultat d'un projet pensé et réfléchi. Le thème central du viol, avec sa succession très détaillée des événements et de ses suites, des pensées de l'auteur, est tout sauf un sujet anodin. Même en révélant des détails très personnels, le livre n'est jamais impudique. J'ai admiré le regard plein de recul et sans concession qu'a Edouard Louis sur lui-même et surtout ce dialogue intérieur, ce débat interne pour refuser la facilité face à des événements tragiques. Sur ce plan là, le livre est un témoignage irréprochable et fascinant. Je serai par contre plus réservé quant à la globalité de l'oeuvre, qui pâtit, de par sa construction et cette volonté de ne pas renier ses racines, d'un important déséquilibre. Malgré le soin apporté aux passages contés par Clara, la soeur restée en pays picard, cette reproduction fidèle d'un parler populaire, avec ses mots tronqués, ses fautes grammaticales qui ne gomment jamais la finesse d'analyse de la narratrice, m'est apparue pesante et forcée, alors que le reste est par ailleurs si brillant. Et si l'on rajoute quelques digressions (sur le passé du frère, la vie supposée du père du violeur en foyer Sonacotra) qui eux aussi, cassent un peu l'intensité générale, je suis ressorti avec un sentiment mitigé.

Pourquoi, alors que dans son premier livre le sort, l'effacement d'Eddy Bellegueule avait été gravé dans le marbre de la littérature, Edouard Louis, même de façon un peu détournée, revient-il dessus ?

La fin sur le blog
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En finir avec Eddy Bellegueule

Ce n'est pas un livre écrit pour choquer : c'est un récit qui permet à l'auteur de se délivrer en racontant.

N'empêche, il choque. Beaucoup, du début à la presque fin : jusqu'au moment ou Eddy devient Edouard, jusqu'au moment où, enfin, il peut naître. Donc vivre et respirer. Librement.

Au secours !!! C'est le sentiment que j'ai eu tout au long de cette lecture, que j'ai faite en apnée complète. Heureusement, Edouard a eu ce courage-là : se sauver par sa propre force. En fuyant la misère intellectuelle et sociale.

Tout ceci est raconté d'une manière très impudique et très crue.

En général, je dirais que "ça n'est vraiment pas ma tasse de thé". Pourtant, ici, je n'ai jamais pu décrocher. J'étais spectatrice d'un enchaînements d'événements plus sordides et tristes les uns que les autres, espérant avec l'enfant, puis le jeune garçon, la délivrance. Et j'y croyais, moi aussi.
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En finir avec Eddy Bellegueule

Quand en finirons-nous avec le rejet de la différence? Dire qu'au Moyen-Age, on brûlait les roux juste parce qu'ils avaient les cheveux de la couleur du feu, et qu'on les croyait les fils du diable...
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En finir avec Eddy Bellegueule

Une fois le choc passé, et c'en est un que de lire En finir avec Eddy Bellegueule, beaucoup de questions se posent. Edouard Louis, 21 ans, aurait-il écrit le même livre à 30, 40 ou 50 ans ? Avec le recul, la rage de dire cette enfance martyrisée se serait-elle atténuée, se transformant en analyse plus froide, moins dans la souffrance immédiate et dans la catharsis réparatrice ? L'auteur a voulu témoigner à chaud, sans édulcorer quoi que ce soit, raconter une enfance et un début d'adolescence cauchemardesques dans un petit village picard, une France profonde, rurale et ouvrière dont il décrit avec une précision d'entomologiste les moeurs et la vie quotidienne entre abus de boissons, haine de l'ailleurs, racisme viscéral, culte de la violence et machisme absolu. Une autofiction infernale, sincère er douloureuse dont la lucidité et la radicalité clouent au pilori tous les récits du même acabit qui fleurissent sur les étals des libraires. Edouard Louis n'a (plus) peur de rien, il a tellement vécu dans la crainte, l'opprobre et le rejet de sa "différence" qu'il a tout mis dans l'écriture pour guérir ou, au moins panser, si cela est possible, toutes les blessures physiques et morales encaissées durant des années. On pourra bien l'accuser de misérabilisme ou de tout autre grief, qu'importe, il a sa conscience pour lui et son témoignage, brut et impudique, est tout simplement implacable. Certes, son entourage n'aura jamais le droit d'exprimer sa version, sans doute est-ce la raison pour laquelle le livre est étiqueté roman, mais il y a suffisamment de faits et d'événements de l'existence de Eddy/Edouard pour qu'on ne lui intente pas un procès pour excès de malheur. Et puis, dans la description de cet environnement sordide, un écrivain est né. Sa maîtrise, son pouvoir d'évocation sont hallucinants de maturité. Evidemment que l'on vieillit plus vite quand on reçoit des coups, que l'on se fait traiter de pédé à tout bout de champ et que chaque jour ressemble à un enfer. Edouard Louis en a fini avec Eddy Bellegueule, sa reconstruction est en marche. Puisse t-il trouver son équilibre, désormais. Si cela passe par d'autres livres de cette trempe, ils seront nombreux, ceux qui le suivront dans cette quête de la sérénité et du bonheur; si tant est que ce mot signifie encore quelque chose après de telles souffrances.
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En finir avec Eddy Bellegueule

Comment critiquer ce roman ? Ce serait comme critiquer toute une partie de ma vie, de ma famille, de mon milieu, de ma classe sociale. Ce serait relater les mêmes douleurs, les mêmes souffrances, les mêmes dégoûts, les mêmes hontes, les mêmes angoisses... Mais je ne peux qu'affirmer qu'il y a moyen de se construire malgré tout cela, de trouver la force de dépasser chaque obstacle, de surmonter ces ondes négatives, d'échapper à ce monde étriqué. Vous pouvez parler de résilience, ou de catharsis, je ne sais pas, moi, mais ce que je sais, c'est qu'on peut être une "belle personne" quoiqu'en disent tous ces imbéciles, tous ceux qui confondent "virilité" avec "testostérone, violence, alcoolisme, mauvaise foi, cruauté et intolérance". Et moi, je le sais (ainsi que beaucoup d'autres) que ce n'est pas cela qui fait d'un homme, un homme.

Alors, pour toutes ces raisons, et bien d'autres, peut-être par pudeur, ou par lâcheté, appelez cela comme vous le voulez, je me tairai sur ce roman.

Et je salue le talent d'Edouard Louis.
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Monique s'évade

Quand j'ai écrit mes listes, j'ai pu remarquer qu'il en existait une sur Les Mères.

J'aurai bien rajouté ce si beau livre sur la mère d'Édouard Louis.

Monique se casse, se barre, disparaît enfin de la vie de l'individu, "L'autre" comme le nomme l'auteur.

Cette mère fragile (mais pas tant que ça...) a vécu des années au service du père d'Édouard, alcoolique et violent. Elle l'a quitté mais encore une fois, ce qui est logique pour l'inconscient de Monique, elle tombe sur la même sorte d'individu que son mari.

Et puis un jour, elle l'appelle, le fils, en larmes car l'autre est saoul et l'insulte.

Et c'est ainsi que la cavale de Monique commence.

Édouard Louis est là, et bien là.

Je ne raconterai pas par le menu les détails de ce sauvetage, car il s'agit d'un sauvetage, mais le fils aimant (car oui, il l'aime) exfiltrera sa mère de sa pauvre vie et lui offrira une nouvelle vie, une maison, de l'argent, une disponibilité, et surtout, oui surtout une protection.

Il en parle d'ailleurs de l'argent, toujours aussi honnête intellectuellement, et il se fait la réflexion que, finalement, grâce à sa réussite, lui qui se sent coupable quelque part d'avoir trahi sa famille, surtout sa mère, de leur avoir tourné le dos malgré lui, et bien ce succès lui permet d'aider financièrement sa mère.

Le prix de la liberté comme il dit.

Parlons en de cette mère.

Elle est incroyable de résiliences, elle se bat peut être pour la première fois de sa vie. Vraiment. Comme pour l'avion. Ceux qui l'ont lu me comprendront.

Dans ce beau texte, Édouard Louis se livre totalement, sans doute le plus sincèrement du monde, il va au fond des choses, bat même sa coulpe à de multiples reprises, il est effarant d'amour et d'aide pour cette mère qui, en d'autres temps et en d'autres lieux, pouvait être méchante car en ménage avec son père, donc comme une éponge, elle absorbait l'agressivité et la méchanceté du père.

On pressent bien l'auteur qui s'interroge, qui s' auto-analyse, qui donne et donne encore, et pas que que des billets, mais de la douceur, beaucoup de douceur, de la pudeur. Il l'a traitée comme une reine.

Elle sera à l'origine d'une pièce de théâtre qui racontera sa vie.

Merci à l'auteur pour les dons à sa mère, pour le fait qu'elle se sente "importante" pour la première fois de sa vie.



Pour terminer, la dernière page est une photo de sa mère dans l'avion qui l'emporte vers Hambourg. Elle fixe le ciel et les nuages par le hublot.

Enfin libérée.







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Changer : Méthode

Édouard Louis est ce que l’on appelle communément un « transfuge de classe » : né dans une famille très pauvre du nord de la France, il parvient à s’extraire de son milieu grâce à l’école. En effet, pour suivre une option théâtre qui n’est pas enseignée dans le lycée le plus proche de son domicile, il doit quitter la maison et devenir pensionnaire, ce qui l’a « sauvé », serais-je tentée d’écrire. Il rencontre alors Elena, une jeune fille de bonne famille qui lui fait découvrir la façon dont on vit chez les bourgeois. Il s’imprégnera de tous les mots qu’elle prononce, imitera ses moindres gestes, retiendra le plus petit conseil. Avide de s’éloigner de ce milieu dans lequel il ne se reconnaît pas, il amorce une métamorphose acharnée et volontaire qu’il poursuivra longtemps jusqu’à l’ultime perfection. Tout son être sera ainsi soumis à une révision : il lui faudra mesurer ses gestes, se tenir correctement à table, parler moins et moins fort, manger mieux, plus léger, plus sain, s’habiller, marcher, rire autrement… Le corps aussi devra passer à la moulinette de l’embourgeoisement : les dents d’abord qui devront être alignées, les cheveux dont il faudra redessiner l’implantation… Quant à l’esprit, autant dire que tout est à construire : il faut avaler Derrida et tous les autres, forcer si ça ne rentre pas, mettre le paquet, lire et relire, inlassablement… Le concours de l’ENS réussi, on entre alors dans la cour des Grands. On a les codes, le pass, le sésame ouvre-toi…

Comme l’indique le titre, le changement est méthodique, systématique, organisé, discipliné, minutieux, volontaire, obstiné. Un travail de chaque instant.

Jusqu’au nom. Eddy Bellegueule n’est plus. Vive Édouard Louis.

« Changer : méthode » est un récit fascinant et terrible. Fascinant parce qu’il montre à quel point nous ne sommes que constructions, produits de notre milieu, de là où l’on vient. Terrible parce que finalement, on a beau tout changer, devenir un autre, s’éloigner le plus possible de notre point de départ, il semble que quelque chose (des racines peut-être ?) nous retienne à jamais prisonniers de nos origines…

Un texte essentiel, extrêmement fort et très touchant : le portrait d’un homme qui mesure l’écart entre ce qu’il était et ce qu’il est devenu : un étranger à lui-même et dans le fond, un être malheureux.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Changer : Méthode

Calimero a encore frappé !

Sa méthode a peut-être réussi à le faire changer, elle a certainement réussi à l'enrichir.

Il donne des conférences à l'étranger, on adapterait une de ses œuvres à la télévision, on ne sait quoi encore.

Et il a parfaitement réussi son intégration dans le petit milieu intellectuel parisien qui fait et défait les réputations.

Une belle carrière l'attend. Et si vous ne l'aimez pas, c'est par mépris de classe, comme dit la nouvelle gauche qui est la première à mépriser le prolétariat qu'elle a abandonné au profit d'un conglomérat de minorités, et à le stigmatiser parce qu'il vote mal.
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En finir avec Eddy Bellegueule

Récit intime, cru et bouleversant, En Finir avec Eddy Bellegueule m'a semblé par moments pouvoir rejoindre cette famille littéraire qui s'est particulièrement illustrée aux temps forts de l'existentialisme et dont certaines oeuvres, parfois parrainées par un Sartre ou une Simone de Beauvoir eux-mêmes, ont marqué les esprits de plusieurs générations de lecteurs. Je pense ici par exemple, à « L'Asphyxie », de Violette Leduc, ou à « L'Astragale », d'Albertine Sarrazin....Ou comment -pour paraphraser Hannah Arendt- «la banalité de la méchanceté ordinaire » peut provoquer des ravages insoupçonnés sur des individus dont la différence et la sensibilité à fleur de peau semblent en mesure de réveiller les pires instincts dont Homo Sapiens sait faire preuve envers ses congénères ! Il faut dire que depuis la horde primitive et jusqu'à aujourd'hui, une « méchanceté sociale et ordinaire » est régulièrement pratiquée par cette espèce singulière, à son tout premier niveau et soi-disant « gentiment », vis-à-vis de « petites différences » que présentent certains individus par rapport à une norme collective. En effet, qui ne se serait pas livré n'est-ce pas, au moins une fois dans sa vie, à une de ces petites moqueries banales et « pas méchantes » sur les moches, les petits, les gros, les strabiques, ceux qui bégayent ou qui s'expriment mal, les ploucs, les blondes, les chauves...et que sais-je d'autre, j'en passe des moindres et des pires ! ? Ce n'est pas si grave, dirait-on ! Oh ! Ce ne sont que des blagues innocentes, les mêmes qui nourrissent d'ailleurs une certaine forme d'humour, socialisée qui plus est... Car il faut tout de même pouvoir se moquer un peu des uns et des autres, juste pour rigoler – non ? Puis ne soyons pas excessivement «politiquement correctes», et puis encore qu'en est-il de la liberté d'expression en ce temps dangereux de revendications communautaires et extrémistes, etc...etc... etc... !



Certes. N'oublions pas néanmoins que quand cette forme d' « humour » s'exerce sur des individus en particulier, cela peut être blessant, parfois très blessant - même si la plupart du temps, en apparence, quand on en est la cible, l'on se sentira plus ou moins obligé « d'encaisser » voire d'en rire comme les autres.. N'oublions pas enfin que toute forme de moquerie adressée est susceptible non seulement d'affecter plus ou moins les personnes qui en font l'objet, selon leur sensibilité, leur histoire personnelle, mais aussi, suivant les situations et leur fréquence, de faire, parfois insidieusement, franchir les limites pouvant conduire , in fine, à des formes plus ou moins graves de harcèlement (celles-ci étant par ailleurs en train de se multiplier de manière très importante, particulièrement violentes et cruelles, via les réseaux sociaux actuellement).



Transposée ici en Picardie, dans un environnement social ravagé par la misère, le chômage, l'alcoolisme, le récit des mécanismes familiaux et sociaux de violence physique et morale qu'elle engendre, et que l'auteur dissèque sans concessions, peut conduire par moments les lecteurs plus sensibles aux limites de ce qui peut être humainement supportable... Quant à la souffrance qui en découle, elle y est décrite sans le moindre pathos, sans autre forme de victimisation, de manière quasiment « chirurgicale » et allant même jusqu'à montrer, sans fausse pudeur, à quel point elle peut donner naissance à des attitudes paradoxales, d'identification et d'empathie vis-à-vis de l'agresseur ( par exemple, lorsque le narrateur, voyant l'un des collégiens ayant pris l'habitude de le frapper et de lui cracher dessus, « l'air peiné », éprouvera « de la compassion » pour ce dernier , ou à d'autres moments où il se sentira de manière irrépressible attiré sexuellement par ses agresseurs).



Récit autobiographique, roman ou autofiction ? En définitif, peu importe, car En Finir avec Eddy Bellegueule reste avant tout une témoignage brutal, incisif, rugueux, mais nécessaire, dont les qualités littéraires indiscutables ne rendent que plus percutant et universel.

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Qui a tué mon père

Court pamphlet sur la société actuelle d'Edouard Louis en croisant décisions politiques et leur impact sur son père.

C'est sans doute cette partie (la dernière) qui est la plus percutante : les effets d'une décision politique sur le père de l'auteur. C'est très violent. Mais trop court.

La plus longue partie (au début) ressemble plus à un résumé d'En finir avec Eddy Bellegueule.

Donc oui pourquoi pas, mais sans plus. Comme d'habitude avec l'auteur néanmoins, de très jolies formules au service du fond.
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En finir avec Eddy Bellegueule

Un roman qui remue les tripes, qui nous envoie une douche glaciale et qui peut faire écho à certains souvenirs. J'étais un peu sceptique au départ, méfiante face à un tel engouement et puis j'avais déjà pas mal lu de romans sur des enfances malheureuses, es contextes violents etc. Mais j'ai bien fait de passer outre mes préjugés car ce roman est spécial, il apporte une analyse sociologique implacable de l'auteur, qui a pris du recul depuis les évènements qu'il narre.
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En finir avec Eddy Bellegueule

Je m'attendais à détester ce livre. L'auteur m'agaçait, l'idée que je me faisais de son histoire, de son écriture m'agaçait tout autant, et pourtant, j'ai reçu une gifle pleine de justesse, l'analyse d'un décalage, d'une fuite, le récit d'une tranche de vie empreinte d'une violence acidulée. Et indubitablement, le talent d'orchestrer une histoire prodigieuse et singulière.
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