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Zulma est une maison d`édition française fondée en 1991 par Laure Leroy et Serge Safran. Son nom est tiré d`un poème de Tristan Corbière, A la mémoire de Zulma. Les éditions Zulma publient des ouvrages de littérature française contemporaine, et ont choisi dès le départ de publier des ouvrages érotiques de qualité afin de repenser l`érotisme contemporain dans le monde de l`édition.

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Éden

Je ne peux pas écrire un avis long. Tous les romans de Audur Ava Olafsdottir me plaisent énormément.

Ils sont tous profonds, originaux, poétiques avec un brin d'humour.

Ils ne cèdent jamais en rien aux modes qui traversent notre époque,ce qui est pour moi une qualité puissante.



Et pourtant tous parlent du Monde, de notre monde actuel, avec finesse, lucidité et toujours finalement, sans aller vers la facilité, toujours vers un optimisme intelligent.





Celui-ci ne fait pas exception.



Il est question d'une linguiste, prétexte à évoquer l'islandais dans le texte et son petit nombre de locuteurs, ce qui donne lieu à de belles réflexions sur la langue, les langues et m'a permis de prononcer à voix haute au cours de ma lecture les mots islandais parsemés dans le roman.



C'était le moins, ce n'était rien comparé à Danyel, jeune réfugié méditerranéen qui lui, apprend l'islandais complètement : son climat, sa nourriture et sa langue.



Et puis, il y a sur fond de réflexion d'Alba concernant le changement climatique et sa part de responsabilité, sa décision de changement de vie.



Il va donc être question de doutes, de choix, de déménagement.



De démission, d'achat de terrain à la campagne, de travaux , de jardinage.

D'un projet de plantation d'arbres, puis, de par les connaissances faites au village, d'un autre projet de relation humaine, lui, avec le jeune réfugié orphelin.



Dans tout cela, il y a une relation entre soeurs, une autre père - fille qui a son importance je trouve, et ce personnage principal qui de par l'écriture a la faculté d'observer, écouter, vivre sans émettre d'opinions, ou très rarement, ce qui ne m'a pas laissé sans questionnement.



C'était à la fois agréable par moment et agaçant par d'autres : parle donc Alba, avais-je envie de lui dire. Que ressens-tu, qu'en penses-tu ? J'aimerais bien savoir pourquoi ce parti pris de l'autrice...



Ceci dit, j'ai beaucoup apprécié ce roman.



Il est à la fois, poétique, érudit, il est d'une certaine manière un peu hors du temps et pourtant très ancré dans notre époque, mais je gage qu'il traversera l'époque.



Il y a tant de beaux passages, que j'aurais pu citer presque tout le roman.



Et, la fin m'a émue aux larmes de beauté et d'humanisme.



De toute façon,il faut lire les livres de cette autrice. Elle et Bérangère Cournut.

Des romancières singulières et poétiques reliées à la nature et l'amour, ainsi qu'à ce qui peut relier encore les humains.









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Éden

« Quel est le sens de la vie? m’interroges-tu? On pourrait aussi bien demander : Qu’est-ce qu’une carotte? Une carotte est une carotte, nous n’en savons pas plus. »

Anton Tchekhov



Une carotte est une carotte, la vie est la vie. Alba, la narratrice d’Eden, ne disserte pas sur le sens de l’existence, elle agit. Contrairement à sa soeur qui la harcèle de questions auxquelles elle donne elle-même les réponses, des réponses hâtives, assertives, Alba les esquive. Elle sait combien les mots sont réducteurs, combien ils sont trompeurs. Elle le sait d’autant mieux que c’est son travail, les mots. Elle est linguiste et re-lectrice pour deux maisons d’édition, elle peut s’interroger sans fin sur l’étymologie, le sens ou le meilleur ordonnancement des mots entre eux. Elle maîtrise l’art d’éveiller l’émotion ou la curiosité du lecteur, elle sait que la portée du vers « S’il te plaît, caresse-moi » est moindre que celle de sa négation « S’il te plaît, ne me caresse pas ». Elle sait également que les mots sont fragiles et peuvent s’éteindre. Ainsi « flapur » désignant un vent instable soufflant par bourrasques a-t-il déserté la langue islandaise, une langue elle-même minoritaire, donc menacée.

Alba ne questionne ni n’explique le sens de la vie, elle agit en suivant sa boussole intérieure, s’efforçant de se placer à chaque instant au centre de son existence. Cela produit un effet incroyablement apaisant sur les personnages qui gravitent autour d’elle et sur le lecteur de ce livre subtil qui sait être grave avec légèreté et drôle avec sérieux. Sans effet de manche ni déclaration préalable, elle fait, mine de rien, des choix existentiels, des choix qui modifient sa vie en profondeur, comme celui d’acheter une vieille maison isolée sur un terrain de roche, de lave et de sable battu par les vents.

À quel moment commence une chose et à quel moment prend-elle fin? Si Alba renonce à le déterminer dans sa vie personnelle, elle sait que « c’est entre ces deux points que se trouve le centre. »



L’autrice islandaise Audur Ava Olafsdottir excelle dans l’art de nous montrer les chemins intérieurs, invisibles, à peine conscients qui mènent Alba à sa « décision », un mot bien trop sec, trop fermé, trop définitif pour refléter ce qui en réalité s’apparente davantage à un processus erratique, à une pulsion qu’à une décision mûrement réfléchie.

À l’origine de ce choix existentiel, il y eut un rêve. Alors qu’elle survole l’océan de retour d’un colloque sur les langues minoritaires, Alba rêve qu’elle vole au ras du sol. Sous ses yeux s’étend une terre rocailleuse et désolée où elle se prend à songer qu’elle pourrait s’installer pour y cultiver des pommes de terre.

« Que le monde serait merveilleux si chaque être humain cultivait son lopin de terre! »

Il y eut aussi une forme de prise de conscience découlant d’un paradoxe cruellement ironique : pour mener à bien sa mission, celle d’endiguer l’extinction des langues minoritaires, la linguiste Alba sillonne la planète en avion, contribuant ainsi à dégrader un peu plus chaque année notre bien le plus précieux, l’air que nous respirons. Afin de compenser son empreinte carbone annuelle, elle calcule qu’il lui faudrait planter 5.600 arbres. Infime au regard de la planète, c’est une tâche immense à son échelle, tâche à laquelle elle ne va pas tarder à s’atteler avec patience et rigueur.

Il y eut encore d’autres raisons à ce choix, plus ou moins conscientes, plus ou moins avouables, mais toutes convergeant vers la petite maison délabrée blottie sur ce bout de terre sauvage, aride et dénudé, peuplé de rochers.

« La maison est nichée dans une cuvette verdoyante et malgré le paysage désolé, cette parcelle tapissée d’herbe et les poteaux de clôture témoignent du désir de cultiver la terre. »



Quand on plante des arbres, qui plus est sur une terre ingrate et sous un climat rude, il faut être soit un peu timbré, soit animé par la foi. Pas la foi en un au-delà éthéré et évanescent, mais la foi en la vie sensorielle et organique. Quand chaque coup de bêche ramène à la surface plus de pierres que de terre meuble, il faut savoir puiser au fond de soi des ressources dont on ne soupçonnait même pas l’existence. Il faut y croire. Croire que ce minuscule plant mesurant pas plus de trois centimètres va grandir, même dans une terre dure et caillouteuse aussi ouvertement hostile à la vie. Le croire à nouveau pour le plan suivant, y croire encore et toujours des milliers de fois.

« Penchée sur ma bêche, je regarde ces mini-arbres en me demandant s’ils survivront aux tempêtes de l’hiver, de l’automne, de l’été et du printemps, seront-ils assez forts ou vont-ils se briser? J’entends presque la voix de mon père : Petite brindille deviendra grande, ma chère Alba. »

Je me suis sentie très proche d’Alba, une citadine parvenue au mitan de son existence qui progressivement tourne le dos à tout ce qu’elle a connu pour opérer un choix essentiel engageant le reste de sa vie. Je me suis posé les mêmes questions qu’elle, je suis passée par les mêmes angoisses. Aujourd’hui, je ne me pose plus autant de questions. J’ai appris que petites brindilles deviennent grandes et oublié d’être anxieuse et impatiente. J’ai appris à économiser mon énergie et mes gestes, et surtout à faire confiance.



« Après la tonte, j’enlève mes baskets, je m’allonge pieds nus sur la terre et je lève les yeux vers le ciel.

Aucune phrase, aucun mot ne viennent à l’esprit.

Le silence a conquis le monde.

C’est le monde avant que le langage n’apparaisse. »
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Éden

Avec Eden, nous plongeons au coeur de la culture islandaise avec ce souci du personnage principale, linguiste de son Etat de sauver à la fois sa langue et son île en le reboisant et en passant un jeune réfugié.



Dis comme cela on peut avoir un peu l'impression d'un bric à brac, mais le livre est teinté de poésie, d'une attention aux détails de la vie et sur l'usage des mots.



Les islandais ont longtemps été férus de littérature avec l'âge d'Or de"s sagas : miracles littéraire de l'Islande médiévale et L'auteur nous livre pour le coup une petite saga à sa manière avec ce retour à la campagne en guise de chemin d'introspection.



La campagne en Islande, ce n'est cependant pas la terre de nos vastes prairies ou de notre bocage ensoleillé. Sur l'île de glace, c'est la confrontation aux éléments et la lutte pour le maintien de la vie.



Le tout est très bien traité dans un beau roman.
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