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René de Ceccatty (Autre)
EAN : 9782743655044
128 pages
Payot et Rivages (19/01/2022)
4.25/5   20 notes
Résumé :
Par sa liberté de ton, son engagement politique, son féminisme, son œuvre littéraire et cinématographique, c’est une des figures les plus singulières du monde culturel italien.
Nous proposons une anthologie d’une centaine de ses meilleurs poèmes, qui bien sûr évoquent la Shoah, mais aussi des moments intenses, amoureux, sensuels ou difficiles de sa vie, et une certaine vision du monde dont elle a eu une connaissance si précoce et si tragique, mais sans jamais... >Voir plus
Que lire après Pourquoi aurais-je survécu ?Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
J ‘ai toujours des hésitations à parler et a plus forte raison à écrire sur la poésie, genre littéraire que j'adore pourtant. Elle est composée de mots mais elle ne se prête pas à mes mots…
Je ressens pourtant ici le désir de le faire ici tant ce recueil m'a bouleversé.

Edith Bruck avait treize ans lorsqu'elle fut déportée avec sa famille à Auschwitz, elle a survécu.
Cet épisode tragique, elle l'a décrit dans ses poèmes. Et la poésie donne à ces faits une résonance forte qui m'a ébranlé.
La poésie n'a pas d'égale pour nous faire ressentir l'Amour, j'ai découvert qu'elle pouvait être forte pour nous faire vivre l'indicible.

Elle nous parle de sa mère : « C'était une pauvre inoffensive gazée parce que juive », qu'elle décrit parfois avec crudité « mère-savon », son père, son frère, elle se présente à nous femme amoureuse, femme qui a un devoir de mémoire, femme combattive, luttant pour les migrants, contre le nationalisme « Est-ce qu'un Américain vaut plus qu'un Suédois ou un Français », elle nous fait partager sa peur de voir renaître le fascisme, elle ne se prive pas de critiquer le pays où elle est née :
« Dans mon pays natal
la Hongrie
je ne vais plus depuis presque vingt ans
pour ne pas entendre
des phrases antisémites
d'hier comme d'aujourd'hui »

Tout nous est dit sobrement, pas le moindre pathos que l'on aurait pu attendre au vu de son histoire.
En peu de mots, parfois dans un tout petit poème, tout nous est transmis et tout nous atteint profondément.

J'ai beaucoup aimé !
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" Naître par hasard
naître femme
naître pauvre
naître juive
c'est trop
en une seule vie."

Pourquoi aurais-je survécu ? " est un saisissant recueil de poésie regroupant quelques-uns des textes d'Edith Bruck écrits entre 1975 et 1990. L'auteure, originaire du village Tiszabercel (Hongrie), a 13 ans lorsqu'elle est déportée à Auschwitz avec l'ensemble de sa famille. Survivante des camps de la mort, elle s'installera à la fin des années cinquante en Italie où elle deviendra écrivaine, scénariste et poétesse.

Les vers ci-dessus suffiraient presque à eux seuls à décrire le trouble suscité par la lecture de ce recueil. Il se présente comme une suite de réflexions, de rêveries, de souvenirs, tous d'origine autobiographique.
Dans des textes assez courts pour la plupart, ce qui marque avant tout dans l'écriture d'Edith Bruck, c'est la légèreté narrative, la simplicité des mots dont elle use pour rendre compte du tragique. Chez elle pas d'obscurité allusive, pas d'exercice de formalisme. Pour l'écrivaine, il s'agit avant tout d'isoler un souvenir ou une scène, d'établir autour de lui un cadre poétique, une narration pure qui puisse toucher au plus près, un récit qui puisse créer une dimension qui soit la plus essentielle, la plus déterminante.

" Te nommer
te diminue
même le nom de Dieu
n'a pas tenu
je pourrais t'appeler
d'un nom jamais donné
comme un lieu jamais vu
je pourrais t'appeler
d'un nom encore à inventer."

Il fallut à Edith Bruck pour écrire une langue qui ne soit pas celle de ses origines (hongroise et juive), pas celle de ses tortionnaires, une langue nouvelle qui puisse accueillir ses silences, sa douleur, son espoir aussi. Il lui fallut aussi la poésie, «cette folie des purs, des innocents » pour rendre compte de la barbarie, de l'indicible.
La présence de sa mère disparue revient souvent comme celle de tous les siens, de celui qui fut son compagnon (Nelo Risi) ou encore de son ami Primo Levi. de Dieu aussi, de son silence.

Dans des textes tous remarquables, avec une infinie pudeur, Edith Bruck parle du temps et des êtres disparus, de ce qui ne reviendra plus, de ses doutes sur ses contemporains prompts à vivre le seul présent, sans jeter un seul regard sur le passé, de cette solitude qui au fond n'épargne personne.

" Il semble que j'existe
les gens me sourient
m'appellent d'un nom
qui n'est pas le mien
on me regarde
on comprend quand j'ouvre la bouche
dans une langue
qui n'est pas la mienne
on me parle
on dit des choses
sur moi
et on me connaît pas
sur mon passeport
je suis mariée
mais je vis seule
j'ai une adresse
et j'aurai une sépulture
dans un endroit où il n'y a pas de tombe
sur laquelle pleurer
il semble que j'existe
je travaille je respire
j'entends que le concierge
me dit bonjour. "
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Ce recueil est construit comme une autobiographie poétique, les mots, les vers, les poèmes accompagnant l'autrice telle une chaîne mélancolique douloureuse. Tel un journal intime, elle construit de petits portraits empreint de nostalgie ou résonne
une lancinante mélodie triste d'Europe centrale.
La poésie d'Edith Bruck est marquée du fer rouge de la tragédie, de l'innommable, poison indélébile emportant ceux qu'elle aime, traumatisant ceux qui ont survécu à l'enfer des camps nazis.
Mais l'autrice dans une seconde vie, veut revivre nous gratifiant de vers d'espoir sur l'existence et l'humanité. Cependant, elle met inlassablement en garde contre tous les patriotes et les amoureux de leur patrie, se méfiant avec force du bonheur aux accents trop patriotique.
Cela pourra paraître étrange à certains, car aimer son pays n'inaugure pas à priori une source de malheur. Pourtant, l'autrice persiste et signe allant même jusqu'à rejeter la possibilité de vivre en Israël ou elle ne se sent pas bien et n'aime pas le nationalisme ambiant du jeune état qui vient de naître.
Édith Bruck est incontestablement une universaliste cosmopolite humaniste voulant vivre là où elle ressent les choses, les gens, les paysages, les ambiances, c'est pour ça qu'elle choisira après maints pays différents, l'Italie et sa culture richissime et millénaire.

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Dans une introduction d'une trentaine de pages, René de Ceccaty nous présente la vie et les grands thèmes de l'oeuvre d'Edith Bruck. Puis il nous traduit une sélection de 63 poèmes parus entre 1975 et 2021, qui sont comme une autobiographie poétique de cette rescapée des camps nazis.
Comment survivre et continuer à vivre après les camps ? Cette question remplit l'oeuvre d'Edith Bruck, et toute sa vie également. En 1945, elle a essayé de retourner en Hongrie, puis de partir en Israël, et c'est finalement en Italie qu'elle s'est sentie dans un pays ami dont elle a adopté la langue.
Ses textes sont brefs et ses phrases courtes sont percutantes, parfois teintées d'ironie ou d'humour, parfois aussi un peu obscures. Et elles posent souvent des questions auxquelles il est bien difficile de répondre !
Parmi les thèmes des poèmes d'Edith Bruck, je citerai d'abord les souvenirs de ses parents et de la vie misérable d'une famille juive pauvre en Europe de l'Est, "toujours coupable parce que pauvre." Edith Bruck évoque aussi à plusieurs ses frères, pas particulièrement tendres à son égard. J'ai aussi été frappé par la force de la vie, dont elle témoigne dans des gestes de la vie quotidienne. Et bien entendu revient souvent la question du devoir de mémoire, du témoignage à rappeler surtout quand on sent revenir l'antisémitisme.
"Le tribut, on le paie en vivant", dit Edith Bruck dans l'un de ses poèmes. C'est une partie de la réponse à la question posée par le titre du poème qui ouvre ce recueil et lui donne son nom.
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La poésie d'Edith Bruck est une autobiographie en vers. Elle y raconte sa déportation à Auschwitz à l'âge de 13 ans - où elle y perdra ses parents - et son rôle de survivante des camps de la mort : celui de témoin et de victime avec un devoir de mémoire.
Comme la plupart des déportés, Edith Bruck ressent un besoin inaltérable de faire revivre - à travers ses écrits - ce qui ne doit pas sombrer dans l'oubli.

-
« Quand viendra mon heure
Je laisserai en héritage
Peut-être un écho à l'homme
Qui oublie et continue et recommence … »
-

Dans « Pourquoi aurais-je survécu ? », chaque poème est un fragment de sa mémoire. Ils montrent combien toutes ses pensées sont habitées par son passée et répondent à l'exigence d'un témoignage, besoin vital pour elle.
Les saynètes qu'elle y construit - d'une plume sobre et incisive pour décrire l'indicible - ne cèdent pourtant jamais place au besoin d'une narration mélodramatique.

Ici, Edith Bruck nous rappelle que la poésie peut être un moyen de guérison, de résilience, et un puissant instrument de mémoire.
Ses vers sont une invitation à nous souvenir, à réfléchir et à ne jamais oublier.
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
à Nelo Risi 

ne pas te voir ne compte pas
combien de choses sont invisibles
que nous sentons,
elles existent
dans notre être
le plus profond

"Rencontre 1957", extrait, dans le Recueil "Tempi", 2021.
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Père

Petite
je n’ai vu que tes pieds nus
que je lavais heureuse
ton torse d’adolescent
que je caressais avec le savon
fait par maman.
Entièrement dénudé,
je ne t’ai pas reconnu
dans le lieu où les yeux
étaient aveuglés par l’horreur
des non-hommes en uniformes
qui aboyaient
comme leurs chiens féroces
et au milieu des bousculades violentes
l’une à droite
l’autre à gauche
inconscients de la différence
moi avec maman
à gauche dans le feu
toi à droite
avec ton fils aîné
vous avez disparu en un instant
alors qu’un sélectionneur
avec force coups de pied
m’a poussée
parmi les femmes destinées
aux travaux forcés, comme toi, père.
Et avais-tu enduré presque jusqu’à la fin
les immenses souffrances
pour être traîné
par ton fils
au sommet de la tente de la mort ?
Ton existence
a toujours été dure
la vie te devait la vie !
Elle est toujours restée ta débitrice.
Ni maman ni toi
ne m’avez offert la possibilité
de vous donner ce
que vous aimiez tant
à toi papa une mer de poissons,
à toi maman un jardin d’oranges !
Que moi, par deuil éternel,
pendant un demi-siècle,
je n’ai pas mangées
et aujourd’hui encore
elles me restent en travers de la gorge.
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Vœu

Je voudrais que pour une fois
au lieu des camps de concentration
on me demande
si je préfère
les pommes de terre ou le riz.
Pourquoi j’aime tant les fleurs,
les vieux, les enfants,
les animaux.
Si j’aime faire l’amour,
si je suis fidèle.
Peut-être que ce jour
je me sentirais
une femme ordinaire
et que j’aurais les réponses
légères, brèves, simples.
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Je suis fragile
comme le dernier souffle
ne me regardez pas comme ça
dans vos yeux
même quand ils sont bons
il y a quelque chose d’assassin
je n’ai plus confiance
je me tiens sur mes gardes
je ne fais qu’un pas en avant
et deux en arrière
comme si j’étais dans une cage
dont on a enlevé
les barreaux de sécurité
prématurément
avant que l’homme
ne se soit civilisé.
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Une promenade avec Primo Levi
(...)
La normalité désirée
ne nous est plus possible
dans la maison, dans la rue, avec les amis
les épouses, les maris, les amants -
une existence a été marquée
qui peut finir aussi au pied de l'escalier
comme la tienne, quand tu as cédé
au clin d’œil du vieux malin
nous appauvrissant nous et tes innombrables,
Pourquoi Primo ?

Ta figure tutélaire nous manque,
nécessaire comme l'eau à l'assoiffé,
la prière au croyant,
la lumière au non-voyant.
Notre devoir est
de vivre et jamais de mourir !
Pourquoi Primo ?
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Connaissez cette vieille dame italienne que les enfants des collèges et des lycées ont surnommée « Signora Auschwitz » ?
« le Pain perdu », d'Edith Bruck, c'est à lire aux éditions du Seuil.
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