J'ai trouvé que cet opuscule (112 pages ce n'est il est vrai pas vraiment un pavé) provoque pas mal de "gênance" comme dirait un ado.
Hélène Carrère d'Encausse livre en quelque sorte ici son testament historique mais à la différence de
René Rémond ou
Alfred Grosser ( autres spécialistes d'histoire contemporaine médiatiques en leur temps) on n'est pas sidéré par la clairvoyance de cette éminente soviétologue décédée depuis.
Autant on peut comprendre qu'un spécialiste fasse le pont entre deux pays qu'il connait intimement et parfaitement comme ce fut le cas d'
Alfred Grosser qui contribua à faire mieux connaitre et accepter la RFA puis l'
Allemagne démocratique autant là il y a un hic. Mme Carrère d'Encausse n'avait pas cessé de relativiser la rudesse du régime de Poutine, elle confesse elle-même qu'elle ne croyait pas à une agression en Ukraine. Or par son poids et la considération dont elle jouissait, Mme Carrère d'Encausse a contribué à un aveuglement en particulier au sein de son camp politique (mais il est vrai répandu en dehors également) et donc a fragilisé notre diplomatie et sans doute au-delà. On pense à Fillon,
Sarkozy et d'autres qu'elle a pu influencer. Pas grand chose de passionnant par ailleurs dans ce livre qui n'apprendra pas grand-chose à ceux qui ont déjà lu des choses sur la question. Toutefois éventuellement cela pourra faire chic dans sa bibliothèque, sans d'ailleurs prendre trop de place.
le problème est que ce manque de clairvoyance (pour une femme qui était présentée comme étant celle qui avait prophétisé avec d'autres la mort de l'URSS) rejaillit hélas inévitablement sur son oeuvre antérieure et l'on est un peu en droit de se demander si son expertise si fragile sur le présent est meilleure pour le passé ? Pour ma part j'ai une biographie de
Nicolas II par elle que je n'ai jamais ouverte mais un tel livre ne me pousse guère à le faire.
Enfin il y a une sorte de scandale éditorial. 112 pages écrites très gros, pourquoi sortir un livre quand un article dans
L Express aurait suffi ? J'imagine que ce n'est pas pour l'académicienne qui avait quand même une biographie pléthorique, mais davantage pour le journaliste qui l'interviewe.
Bref un petit peu de verni culturel pour un journaliste de chaine d'info continue avec tout ce que cela implique. On va au rapide, au buzz, si possible en se plaçant d'un certain côté de l'échiquier politique et sans guère de volonté d'équilibre.
Ce petit livre rapide constitue ainsi le testament à mon avis raté d'une experte de la Russie qui sera finalement passé en partie à côté de son objet d'étude. C'est triste. Mais tout le monde n'est pas
René Rémond.