Le roman débute avec la scène immortalisée par
Robert Capa que tout le monde connaît (et qui figure sur la page de couverture du livre): Simone a été arrêtée car « embochée », en plus d'avoir fauté avec un Allemand, officier, elle a eu un enfant de lui ; il s'en suit une arrestation ; elle est conduite sur la place de la préfecture, rasée, et on lui brûle front avec un tison et on fait défiler toutes les femmes tondues en même temps pour frapper la foule et la faire hurler de plaisir à la vue du spectacle.
Cette photographie, que nous connaissons tous, a donné envie à l'auteure, elle-même native de Chartres, d'essayer de comprendre comment cette jeune femme en est arrivée à épouser les idées nazies. Elle va tenter de revisiter le peu de choses que l'on sait vraiment d'elle, pour lui construire une personnalité, et démontrer comment on peut être emporté par un tel courant d'idée.
Là s'arrête l'histoire de Simone Touseau, place à Simone Grivise, née dans une famille bancale, le père a fait la première guerre mondiale et en est revenu traumatisé, la mère, assoiffée de reconnaissance après s'être lancée dans le commerce de la crémerie (et vu son caractère revêche fait fuir les clients) s'est mise à en vouloir à la terre entière : la société française est pourrie, laxiste alors vive l'homme fort du IIIe Reich qui vocifère. Au milieu, la soeur aînée qui a des sympathies nettement différentes.
Pour se sortir du milieu familial toxique, Simone s'investit à fond dans les études, apprend l'allemand, la langue lui plaît énormément, les auteurs allemands aussi, et une déception amoureuse la fera pencher du mauvais côté.
L'amour qu'elle éprouve pour Otto Weiss qui, lui, est beaucoup plus critique sur les nazis, va ancrer encore davantage son engagement, son aveuglement même. Elle est incapable de la moindre analyse critique sur ce qu'elle voit durant l'Occupation, même quand les choses commencent à devenir évidentes, elle s'installe dans le déni.
J'ai aimé cette idée de créer un personnage fictif à partir d'une photographie pour tenter de comprendre les raisons pour lesquelles on peut être aveuglé par une idéologie, l'aspect psychologique ne pouvait que m'attirer.
Ce qui est réussi dans ce roman, c'est le fait qu'on ne trouve jamais Simone sympathique : j'ai aimé et compris son histoire, son opiniâtreté pour échapper à son milieu social et s'affirmer, mais jamais éprouvé vraiment d'empathie pour elle. J'ai davantage apprécié sa soeur.
Julie Héraclès ne tente pas de réhabiliter « la tondue de Chartres », contrairement à ce que certains médias ont pu lui reprocher.
Une chose, cependant, m'a un peu gênée : Simone s'exprime à la première personne, mais dans un vocabulaire un peu réduit, presque enfantin parfois, alors qu'elle a fait des études, puisque bachelière…
J'allais oublier :
Julie Héraclès nous offre une très belle citation de
Philippe Claudel tirée des âmes grises :
« Les salauds, les saints, j'en ai jamais vu. Rien n'est ni tout noir, si tout blanc, c'est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c'est pareil… »
Pour un premier roman, c'est réussi car, une fois la lecture entamée, je n'ai pas pu m'arrêter, et l'alternance entre la journée du 16/08/44 et son histoire de Simone depuis naissance le 19 août 1921 ajoute du piment au récit.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions
J.C. Lattès qui m'ont permis de découvrir ce roman et la plume prometteuse de son auteure.
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