Une première pierre à l'édifice de la recherche sur les créatrices dans la bande dessinée. L'ouvrage offre un panorama varié de la création au féminin dans la BD, à travers les pays et les époques, ce qui permet de traiter de sujets vastes, des suffragettes anglaises à l'essor de la BD queer aux États-Unis ; la jeune création brésilienne à la naissance de la BD féministe en Allemagne, etc. Une lecture passionnante, qui permet de découvrir de nombreuses créatrices, comme d'en savoir un peu plus sur les métiers dans la BD, comme celui de coloriste.
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Le matrimoine tel que nous l’explorons ici analyse d’un côté l’héritage, de l’autre, un ensemble de biens et, en filigrane, la dimension sociopolitique du monde de la BD au travers de ses créatrices. Ces différents axes permettent d’appréhender à la fois ce que nous devons à des créateurices oublié·es, de définir un commun de biens culturels que sont leurs oeuvres et de comprendre le récit historique à partir de nouvelles données, d’un nouveau contexte. Sans réécrire une histoire de la bande dessinée qui ne serait qu’un catalogue ou une généalogie par les femmes, nous souhaitons par cet ouvrage inviter à reconsidérer de manière radicale l’apport des femmes dans la bande dessinée, mésestimé, sous-évalué, méconnu. Cela passe, d’abord, par retracer les constellations graphiques, scripturales et collaboratrices des femmes ayant réalisé des bandes dessinées depuis le XIXe siècle principalement en France, mais aussi dans d’autres contrées comme en Allemagne, au Brésil, au Canada, en Espagne, aux États-Unis, ainsi qu’au Mexique.
Les femmes sont de plus en plus visibles dans le champ de la bande dessinée, en France et à l’international, mais la parité dans ce secteur n’est pas encore acquise. La sous-représentation de cette population est l’un des principaux arguments venant justifier la construction d’une histoire érigée uniquement sous le canon masculin de la BD et de son patrimoine. Preuve en est la difficulté de donner un nom d’autrice antérieure à Claire Bretécher (1940-2020), alors que chez les auteurs, Walt Disney, Hergé, George Herriman, Winsor McCay, Rodolphe Töpffer, etc., sont des noms qui surgissent sans trop de peine. Or, on retrouve des traces de la production bédéiste des femmes ayant investi ce champ depuis le XIXe siècle ; ces autrices existaient donc, elles ont « seulement » été oubliées, invisibilisées. Leur faire place est donc essentiel pour saisir plus largement ce qui a été en jeu dans ce secteur, et dessiner la complexité de la mémoire de la bande dessinée.