Cézanne : Des toits rouges sur la mer bleue

Je me suis emparée de cet ouvrage de Marie-Hélène Lafon avec enthousiasme en me disant que cette écrivaine talentueuse allait faire des merveilles avec un tel sujet. Elle nous entraîne donc dans la vie et l'oeuvre de Cezanne, en nous livrant ses impressions qui alternent avec quelques lettres de ce dernier et des épisodes romancés où elle prête sa voix au docteur Gachet, à Madame Cezanne mère, à la femme du peintre, au jardinier…
Hélas, la plume de Marie-Hélène Lafon s'alourdit sous le poids de son admiration. Les scènes où elle campe les proches de Cezanne sont pesantes tant elle s'applique à les faire poser dans le rôle que la chronique a retenu d'eux : la mère aimante, engluée dans une vie bourgeoise monotone, l'épouse un peu frustre, un peu obtuse face au talent de son mari et dépensière de son argent, le docteur Gachet artiste dans l'âme, mais peintre raté, etc. Où sont l'élan, la subtilité dont a su faire preuve l'auteure dans ses romans et qui font défaut ici à force de nous décrire seulement un entourage médiocre ?
J'ai retrouvé ce manque d'élan et de vision lorsque Marie-Hélène Lafon nous livre son cheminement dans et vers l'oeuvre de Cezanne, : « je me dis que cézanner ferait un robuste verbe du premier groupe ; je cézannerai donc en juillet et en août ». On dirait qu'elle part faire les moissons dans son Cantal natal. Tandis qu'elle reprend agenda et notes pour nous conter l'éblouissement ressenti à la contemplation des toiles de Cezanne, au ton juste et incisif de certaines remarques succèdent des phrases très ampoulées, voire surchargées, qui nous ramènent à un exercice d'admiration trop appuyé et parfois maladroit. Ainsi, elle surligne chez Cezanne le sou compté et le petit calcul (la dispute avec un cocher pour le prix d'un transport trop élevé, le regret des trente francs versés autrefois). Une pingrerie qui nous fait frôler l'anecdote de peu d'intérêt.
Je reconnais qu'il est difficile d'évoquer le travail d'un artiste, plus encore sans l'aide d'un support iconographique, mais il manque à ce livre la fantaisie et le pas de côté qui nous auraient fait oublier son auteure au profit de son peintre vénéré.