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Thérapie de groupe tome 3 sur 3
EAN : 9782205203394
56 pages
Dargaud (26/08/2022)
3.95/5   55 notes
Résumé :
Dans ce dernier album l'auteur poursuit toujours sa recherche de l'inspiration. Mais de manière plus apaisée et plus linéaire, il met en scène sa découverte de la contemplation et son retour dans sa famille. Un mélange rare d'humour et de tendresse. Et un final surprenant et plein d'autodérision.
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Ce n'est pas le chemin qui est difficile, mais le difficile qui est le chemin.
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Ce tome fait suite à Thérapie de groupe, tome 2 : Ce qui se conçoit bien (2021). C'est le dernier de la trilogie, et il vaut mieux avoir commencé par le premier, même si le présent tome débute par une page de résumé en forme de bande dessinée. Cette BD a été réalisée par Manu Larcenet pour le scénario, les dessins, les couleurs et le lettrage. Elle compte 54 planches et la première édition date de 2022.

Résumé des épisodes précédents. Jean-Eudes Cageot-Goujon était autrefois connu sous le pseudonyme de Manu Larcenet. Star de la BD, il était alors au sommet du monde. Il s'en souvient comme si c'était hier… Quand le monde allait mal, il lisait ses BD et hop ! C'était reparti pour un tour. Il était comme un phare dans la tempête. Tout ce que la civilisation comptait de sommités politiques, artistiques, scientifiques et philosophiques venait lui demander conseil. Il leur disait : La réponse est en toi. Cherche et tu trouveras. Ça n'a aucun sens mais quand on le dit avec un air mystérieux du type qui a roulé sa bosse, ça passe crème. Ce n'est pas pour se la péter, mais si le monde est dans l'état où il est aujourd'hui, c'est un peu grâce à lui. de rien. Mais tout ça, c'était avant. Aujourd'hui quand le monde va mal, il se débrouille tout seul, avec sa tempête. Il ne brille plus. Plus l'envie. Plus le courage. le burn-out. Il est fini. L'étoile qui danse, indispensable à l'entreprise créatrice, avait désertée la voie lactée de son intellect. Il a donc dû se retirer dans un établissement spécialisé pour les personnes en désaccord profond avec la réalité.

Ach Paris ! Jean-Eudes Cageot de Goujon est de retour dans la capitale pour participer à une émission de télévision où il est l'unique invité de Jean-Jacques le présentateur. Celui-ci l'interroge : après sa longue absence, le bruit court que le bédéiste travaille sur un nouveau projet. Les Français veulent savoir. Larcenet répond : c'est un projet dont l'idée lui est venu après son séjour en psych… vacances. À cette occasion, il a compris que sa vie de star de la bédé n'était qu'une vaste blague et que le temps était venu pour lui de s'investir dans quelque chose de plus productif. La contemplation. Jean-Jacques suppose que l'auteur va faire une bédé de son intention d'entrer dans un musée pour y contempler les chefs d'oeuvre des authentiques génies. Larcenet le détrompe : il ne va faire ni bédé, ni film, ni exposition rétrospective, ni spectacle de stand-up, ni podcast : il ne va rien faire, juste s'adonner à la contemplation. C'est conceptuel. le lendemain le journal titre : Manu Larcenet est toujours aussi fini. Il rentre chez lui et annonce son projet à sa famille qui est dans le canapé, sa femme avec son ordinateur portable sur les genoux qui lui demande s'il a ramené le pain, sa fille en train de surfer sur les réseaux, et son fils également. Il va dans sa chambre et prépare son sac, essentiellement avec des barres chocolatées au beurre de cacahuète, et des médicaments pour la digestion. Son fils Pepito entre et lui demande quelle est cette nouvelle lubie.

Si des fois que le lecteur avait un petit trou de mémoire, ou lu beaucoup d'autres choses entre ce tome et le précédent, l'auteur lui rafraîchit la mémoire d'entrée de jeu avec un gag en une case, placé avant la page de titre. Jean-Jacques et Bruno, tous les deux en costume-cravate, papotent l'un demandant à l'autre si c'est vrai qu'il démissionne. L'autre répondant qu'il est un homme de challenges et qu'il s'ennuie ici : du coup, il a décidé de rejoindre l'état islamique. Humour corrosif et forme très particulière : deux silhouettes sans visage, sans arrière-plan. Par la suite, le lecteur retrouve des échappées dans des esthétiques visuelles différentes du ton général de cette bande dessinée : la planche de résumé montre les personnages de profil dans des tenues de l'Égypte antique, avec des décorations évoquant des hauts reliefs et des hiéroglyphes, en page 9 se trouvent des facsimilés de tableaux d'époque différente. Par la suite, l'artiste réalise un magnifique mandala tibétain en page 13, quatre pages en noir & blanc en mode manga évoquant Katsuhiro Ōtomo. La page 28 évoque une publicité ou une bande dessinée à visée éducative des années 1950. Les dessins de la planche 40 appartiennent au registre de l'autodérision : des croquis pris sur le vif s'apparentant à des gribouillis pour indiquer que le dessinateur est incapable de faire un croquis rapide pour saisir le moment. Pages 42 à 44, Larcenet réalise des illustrations à l'encre avec des formes intriquées, comme une composition élaborée au fil des impulsions de son inconscient. Planche 48, les paysages sont représentés en s'inspirant de la technique de Vincent van Gogh (1853-1890). La page suivante a été réalisée comme celle d'un livre d'heure, avec des enluminures sophistiquées. le lecteur en a pour son argent : l'auteur se montre généreux, inventif, éclectique, très exigeant envers lui-même pour montrer le bouillonnement créatif de son esprit.

L'horizon d'attente du lecteur relève du paradoxe : à la fois très élevé (la suite de la quête de l'idée du siècle, l'évolution de la dépression, les réflexions sur la valeur d'une bédé au regard des chefs d'oeuvre de la peinture), à la fois il est prêt à prendre ce qui vient tellement il accorde une pleine et entière confiance à l'auteur. Il découvre bien la suite de la quête de Jean-Eudes Cageot-Goujon : la décision de se consacrer à la contemplation du monde, puis un retour à la bédé passant par le constat de son obsolescence, comparé à la jeune génération, et ses tentatives de s'essayer à d'autres registres de cet art. Cette quête pour retrouver son étoile qui danse aboutit bien à une résolution de l'intrigue. Tout du long, l'auteur fait preuve d'une autodérision, sans tomber dans l'apitoiement, appliquant la maxime qui veut que l'humour soit la politesse du désespoir. le ton s'avère d'ailleurs plutôt positif, voire optimiste, puisque cette dernière partie aboutit à un renouvellement de la motivation de l'auteur. Jean-Eudes reste l'avatar de Larcenet : un individu en surpoids ayant abandonné le sport depuis longtemps, peu impliqué dans la vie de sa famille, n'accordant que le strict minimum d'attention à ses enfants (avec quand même un peu culpabilité, ce qui l'amène à cette réflexion : Qu'est-ce que c'est fatiguant d'être un père médiocre !), faisant passer son art avant tout et faisant le nécessaire pour le promouvoir car il souhaite retrouver le statut social qui fut le sien lorsqu'il était célèbre.

La première page propose un résumé des deux tomes précédents dans une forme originale, avec une densité d'informations qui ne génère ni une sensation de lourdeur, ni une impression pénible, grâce à des visuels inventifs, et une exagération humoristique à la fois dans les situations, à la fois dans l'expression des émotions ou des sentiments. Impossible de ne pas sourire en voyant la caricature de Jean-Eudes sur la barque de Ra, ou Anubis en train de déposer des gouttes d'un médicament à l'aide d'un compte-goutte dans la bouche de Jean-Eudes qui est embaumé. La séquence suivante se compose de deux pages : essentiellement un plan fixe sur le présentateur Jean-Jacques et Jean-Eudes en train de discuter sur un plateau télé, derrière un bureau. L'exagération des expressions de visage fonctionne à plein pour montrer la suffisance de Jean-Eudes, sa candeur, son assurance, son étonnement, son énervement. L'auteur ne se contente pas de l'humour se dégageant des personnages : le dialogue s'avère savoureux, exprimant bien la personnalité de Jean-Eudes, et la retenue du présentateur Jean-Jacques dans ses questions et observations, ainsi que sa détresse quand il ne comprend pas ce que veut dire son invité et qu'il ne sait pas comment relancer. En plus, Larcenet s'amuse bien avec les messages qui apparaissent sur le petit bandeau en bas de case, comme s'il défilait en bas de l'écran télé. Page 9, l'artiste réalise des facsimilés de tableaux célèbres avec des petits détournements dont il a le secret. le lecteur se rend compte par la suite que celui au milieu (un visage d'homme à la bouche édentée) va évoluer vers une représentation en peinture de celui de Jean-Eudes.

Ainsi chaque séquence s'avère visuellement très riche, servant de support à la narration, et lui apportant des informations supplémentaires. Lors du premier plateau télé, le lecteur peut se dire que le dessinateur ne se fatigue pas trop : juste représenter les personnages en plan fixe. Mais par la suite, il se rend compte que même cette mise en scène statique un peu pauvre car sans arrière-plan apporte de nombreuses informations supplémentaires par rapport au dialogue. Il y a bien sûr les mimiques des interlocuteurs qui viennent indiquer le ton avec lequel ils prononcent leurs phrases, mais aussi l'éventuel décalage avec leurs propos, et la différence de comportement entre eux. C'est flagrant quand Jean-Eudes s'invite sur le même plateau et que se trouvent déjà deux autres bédéistes : Emma Gloogloo (ces femmes qui en ont), et un bédéiste Alexis Duterrier (Des nourrissons et des hommes). Les dessins en racontent beaucoup sur chaque invité, sur le présentateur, avec une qualité de caricaturiste patente. Au-delà des séquences dessinées à la manière de…, l'artiste intègre toute forme d'information visuelle appropriée : une sorte de tatouage de papillon à la gloire de Paris, des fausses coupures de journaux, une représentation naïve d'un tigre en mode hindou, un autre gag avec des silhouettes simplifiées, de magnifiques camaïeux orangés pour une séquence automnale, une représentation schématique de l'hélice d'ADN, un détournement de la Cène (1495-1498) de Léonard de Vinci (1452-1519), avec des auteurs de bédé en lieu et place des apôtres, de fausses affiches d'hommes de foire, un schéma anatomique du coeur, etc. Il met à profit les possibilités du dessin pour servir son propos.

Une fois ce dernier tome refermé, le lecteur reste abasourdi par la richesse de cette oeuvre, et l'élégance de sa narration. Manu Larcenet a réalisé à la fois une bédé comique très drôle, une forme de journal intime évoquant ses doutes de créateur, ses accès de déprime, voire de dépression, un credo évoquant ses aspirations (créer un chef d'oeuvre) et sa conscience de se mesurer au génie et à la postérité des grands peintres classiques dont la postérité se mesure en siècles. Sa narration visuelle foisonne de trouvailles, d'éléments comiques, de diversité, dans un élan vital communicatif, malgré ses angoisses existentielles. Merveilleux.
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Que faut-il encore inventer en bande dessinée ? Manu Larcenet se met en scène en génie pitoyable et mégalomane dans un délire complètement fou et totalement sensé à la fois.
Que dire de cette série hors normes. Dans Thérapie de Groupe, Manu Larcenet englobe tout ce que l'on peut dire sur la création artistique, aussi bien dans sa grandeur que dans sa mesquinerie. Son graphisme explose dans tous les sens, le personnage d'auteur de bande dessinée qui déambule à travers ses pages est à la fois génial et insupportable, égocentrique et torturé. La vie quotidienne et ses préoccupations triviales se bousculent avec les affres de la création et la philosophie de l'art, ça fait un mélange détonnant. Thérapie de Groupe, c'est des milliers de questions sur l'art, avec des milliers de réponses, c'est de la folie créatrice, et en plus, c'est hilarant et c'est sérieux, c'est moche et c'est beau, c'est con et c'est intelligent, c'est juste génial.
Un monument de la bande dessinée.
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Dernier tome de cette série autour du sujet de la peur de la page blanche.
Une nouvelle fois riche en forme d'illustrations (le lecteur passe aussi bien de cases qui évoque l'Egypte, à une forme plus graphique ou encore à des dessins façon mangas), l'auteur conclut ce tryptique par traiter de bouddhisme, de la peinture, de la bande-dessinée contemporaine et de la créativité.

Même si avec son personnage il parle d'une sévère maladie qui l'amène à un séjour en psychiatrie, la bande-dessinée est drôle à lire avec par exemple ce père qui réalise que ces enfants ont grandi et sont devenus des ados pendant qu'il était concentré sur sa carrière internationale ou lorsqu'il se retrouve au début face au journaliste avec en bas de cases ces commentaires décalés.
Il y a aussi l'idée de revenir à l'essentiel dans un temps mort de carrière avec le "simple" plaisir de dessiner, sans visée commerciale et ce final avec cette boucle qui est bouclée.

Une trilogie que j'ai apprécié suivre de bout en bout.
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Retour chez lui après un bref passage auprès des moines tibétains pour apprendre à méditer, Manu Larcenet redécouvre sa femme (véterinaire, surchargée par son quotidien) et que ses enfants ont grandi. Ses grandes interrogations sur la vie persistent et il tente différentes expériences pour retrouver enfin sa créativité...Pas sur que cela fonctionne...
Plus lisible que les précédents tomes, plus linéaire aussi. Manu abandonne ici les grands philosophes pour interroger successivement ses proches pour apprendre à les connaitre enfin.
On aime ou on aime pas, mais le moins qu'on puisse dire c'est que l'expérience est riche, et que cette volonté de se mettre à nu sans se trouver le moindre élément positif est assez remarquable! A prendre au 10eme degré!

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Jean-Eudes de Cageot-Goujon ne va pas mieux !

Et grâce à son désespoir de bédéiste has been bipolaire au bout du rouleau, il continue cette série de BD à la papa d'une créativité folle et hilarante.

Un album où chaque page est une pépite tourmentée de la sève du grand canal de la folie inventive brillant de mille éclats (j'exagère un peu, mais cette Thérapie de groupe vaut bien ça)
Lien : https://www.noid.ch/la-trist..
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critiques presse (5)
LeMonde
24 avril 2023
Une série pleine d’autodérision qui met en scène un auteur de BD à la recherche de l’inspiration.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
24 avril 2023
Le bédéaste a été couronné pour le troisième et dernier tome de sa série « Thérapie de groupe », « La tristesse durera toujours » (Dargaud). Le prix, selon les organisateurs, récompense l’impertinence de l’œuvre.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
SudOuestPresse
20 mars 2023
Un trip parfaitement maîtrisé au cours duquel il laisse exploser son talent, offre à voir ses expérimentations, puisant dans une bibliographie plurielle, et prouve que l’autodérision est un art (de vivre) à part entière.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Sceneario
12 décembre 2022
Larcenet dessinateur est un grand. En fait, il est un grand de la BD et c'est pas ce Jean-Eudes qui va nous dire le contraire. Son trait percute. Son trait frappe. Son trait martèle. Son trait enchante. Son trait est drôle.
Lire la critique sur le site : Sceneario
BDGest
13 septembre 2022
Si l'humour désamorce la mélancolie, se mettre en scène flirter avec le bord du gouffre ne peut être totalement gratuit.
Lire la critique sur le site : BDGest
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Selon un récent sondage, 98,7% des gens pensent qu’il est facile de bien contempler. Rien n’est plus faux. Perso, j’ai voulu apprendre auprès des meilleurs. Il existe, cachée sur les plus hauts contreforts de l’Himalaya, une mystérieuse peuplade qui voue carrément sa vie à la contemplation du monde plutôt qu’à celle de al télé. Du cup, ils sont super forts en monde. En revanche, ils ne savent absolument pas qui sont Cyril Hanouna et maître Gims. La honte ! le problème avec les indigènes du coin, c’est qu’ils ne connaissent pas Instagroom, ni Youtoob. Il est donc nécessaire de se déplacer pour voir leurs tutoriels. Comme un live streaming mais en haute altitude plutôt qu’en haut débit, si vous préférez. C’est plus fatiguant bien sûr. Mais que celui qui n’a jamais parcouru des milliers de kilomètres à pied dans le froid, la neige et le manque d’oxygène pour apprendre à contempler le monde me jette la première pierre. Aïeuh ! […] Ce que j’ignorais, c’est que niveau contemplation, ces gens ne plaisantent pas. Ils hardcore. Limite intégristes. On m’a bien fait comprendre qu’avant même de songer à contempler quoi que ce soit, il fallait d’abord s’entraîner à mort à la méditation. Par exemple, il faut aligner son esprit avec les chakras pulsatiles des quatre nobles vérités. Se rendre disponible aux forces universelles impermanentes du cycle des renaissances. Devenir l’émanation de al parole spirituelle, jonction des canaux énergétiques. Dénouer les blocages des sept racines de l’instance du château de l’âme. Accepter le grand véhicule de diamant et se fondre dans l’autorité temporelle de la complète réalisation. S’affranchir des schémas vibratoires par la voie des gongs. Comprendre tout ce charabia new-age. Et ce n’était pas la seule surprise, j’étais loin de m’imaginer qu’il faudrait faire tout plein de sport. Berk, berk, berk ! D’après ce que j’ai compris, il faut avoir le corps affuté comme un rasoir pour accéder à la contemplation. En somme, si notre corps est gras et flasque, eh bin, notre esprit n’accédera pas à la lumière du lotus définitif et sera, lui aussi, gras et flasque (en gros). Person, je m’en fous un peu, d’être gras et flasque (je suis habitué). Mais apparemment, c’est mal (bonjour le fat-shaming). Et aussi, j’ai dû faire la paix avec les éléments (je ne savais même pas qu’on était en guerre, eux et moi). Il m’a fallu affronter le Makamadhyam (eau) en plongeant dans un torrent glacé. Puis montrer mon attachement à Harika-Ekavayã (terre) en plongeant dans un torrent glacé. Et aussi lutter contre le Nãgãyamuni (feu) en plongeant dans un torrent glacé. Puis, à la fin de la journée, prendre une douche dans un torrent glacé. Bref, si on veut contempler dans les règles de l’art, il faut avoir une vie simple, saine et équilibrée (ça tombe bien, c’est tout moi). Finalement lorsque son corps est d’acier et son esprit éveillé, le novice est alors prêt pour être initié à la contemplation. On dit qu’il atteint alors l’état de Suddhbodgãyã, que l’on peut traduire par Joie et courbatures. Pour ma part, j’ai eu la chance d’être initié à la contemplation totale lors de la cérémonie de création d’un Dul-tson-kyil-khor. Comment vous dire ? En bref, il s’agit d’honorer la Terre en lui dessinant dessus avec des sables colorés. Ouais, je sais, c’est bizarre comme manière de faire de la BD. Mais apparemment pour les indigènes, c’est super sérieux. D’abord on prie. Puis on médite. Puis on remédite (au cas où). Puis on demande à la Terre si ça la dérange pas qu’on la barbouille de sables. Si elle est d’accord, c’est là que commence la magie colorée. Il faut avouer que le prof de dessin est assez impressionnant (je comprends mieux qu’ils fassent tant de sport). Tout est dans la maîtrise du geste. La finesse et l’exigence des tracés. L’élégance des motifs. Dans cette chorégraphie millénaire, tout est lié. Le sable et le vent, l’univers. Le sol s’anime vibrant sous les accords de couleurs. Le sable danse dans l’air sec et froid. Le temps s’arrête devant tant de virtuosité. Les oiseaux ferment leur gueule. Seul persiste l’instant.
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Résumé des épisodes précédents. Bonjour, je m’appelle Jean-Eudes Cageot-Goujon. Autrefois connu sous le pseudonyme de Manu Larcenet0. Star de la BD, j’étais alors au sommet du monde. Je m’en souviens comme si c’était hier… Quand le monde allait mal, il lisait mes BD et hop ! C’était reparti pour un tour. J’étais comme un phare dans la tempête si vous voulez. Tout ce que la civilisation comptait de sommités politiques, artistiques, scientifiques et philosophiques venait me demander conseil. Je leur disais : La réponse est en toi. Cherche et tu trouveras. Ça n’a aucun sens mais quand on le dit avec un air mystérieux du type qui a roulé sa bosse, ça passe crème. Ce n’est pas pour me la péter, mais si le monde est dans l’état où il est aujourd’hui, c’est un peu grâce à moi. De rien. Mais tout ça, c’était avant. Aujourd’hui quand le monde va mal, il se débrouille tout seul, avec sa tempête. Je ne brille plus. Plus l’envie. Plus le courage. Le burn-out. Je suis fini. Ça m’est tombé dessus par surprise. J’ai rien vu venir. L’étoile qui danse, indispensable à l’entreprise créatrice, avait désertée la voie lactée de mon intellect. Tiens, c’est joli, ça… Si seulement j’écrivais des chansons. Incapable de trouver la moindre idée du siècle pour faire mon come-back, j’ai dû me retirer dans un établissement spécialisé pour les personnes en désaccord profond avec la réalité. Drogues et introspection à volonté, loin de ma famille. Des vacances en somme. Vous devriez essayer. C’est là qu’entre deux décompensations psychotiques, j’eus une épiphanie considérable ! Non, c’est pas une maladie vénérienne… C’est plus comme une révélation. C’est ironique, mais il m’a fallu être au contact de gros tarés pour comprendre. Il n’est pas nécessaire d’être un artiste pour se laisser emporter par le tourbillon exaltant de l’œuvre d’art. c’est simple comme chou ! Il suffit de s’adonner à la contemplation. Si j’avais su ça plus tôt, j’aime autant vous dire que ça m’aurait épargné pas mal de contrariétés.
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Le dessin de terrain est une discipline de tous les instants qui use le corps et l’âme. Déjà, on est obligé de côtoyer la populace… Berk ! En plus, on est tout le temps debout. C’est super fatiguant. Les gens n’imaginent pas ce qu’est la vie d’un dessinateur de bédé reportage. Il faut travailler, travailler encore, travailler sans cesse. Il faut être tout le temps sur le terrain, même s’il pleut, et que c’est tout bouillasseux. C’est beaucoup d’abnégation et de sacrifices. Il est nécessaire d’être constamment en mouvement. Être réactif, prévoyant, disponible, persévérant. Il faut faire vite et efficace. Pas de temps pour les détails superflu, les chichis, pompons ou les fanfreluches : on va à l’essentiel ! Le dessinateur de terrain se doit d’être courageux, persistant et en excellente forme physique (c’est tout moi). Pas de repos, de vacances, ni de week-ends. Tel le zouave de l’Alma, il faut être à toute heure sur le pont. En toute circonstance, il doit délaisser la beauté pour la vérité. C’est un sacerdoce. Le dévouement pour ses lecteurs devra être absolu, authentique et désintéressé. Peu importe la lassitude, la fatigue et le mal de dos, le dessinateur de bédé reportage de terrain se doit être vigilant pour ne jamais rater un seul instant. Ça peut rapidement devenir pénible comme métier.
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Cette fois, c’est le bout de la route qui mène au fond du trou. C’est l’automne sur la Terre comme sur ma vie. La feuille rouge et l’homme vieilli partagent semblable sort. Ils errent engourdis, suppliciés par le vent du nord. Aujourd’hui à terre, demain dessous, ils se partagent l’ornière dernière qui est la condition de tout. Les mouettes se la pètent, les champignons sont des gros cons. Ahah ! décidément, la poésie, c’est trop facile !
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Si le ninja entretient scrupuleusement le balai millénaire des gestes de l’art militaire, il ne se couvrira jamais de honte, même si aucune guerre ne survient.
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