AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,49

sur 4666 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
A chaque fois que je lis un nouveau livre de Jack London, je suis ébahie… Comment diable ai-je pu gâcher tant d'années à ignorer l'oeuvre de ce merveilleux auteur, alors que j'aurais dû passer des nuits blanches à béer d'admiration devant chacun de ses romans ? « Martin Eden » ne fait pas exception et je suis un peu honteuse d'avoir tant tardé à l'ouvrir, alors qu'il trainait depuis plus d'une année sur mon bureau. Un plaisir retardé n'en est pas moins intense et, une fois la première page tournée, le roman m'a littéralement fondu entre les mains. Ce bouquin est absolument brillant ! Si brillant, si complexe, si riche que je ne sais par quel bout l'aborder pour faire partager mon enthousiasme. Histoire de ne pas déroger à une routine bien établie, je débuterai donc par la traditionnelle présentation de l'intrigue, parce que c'est facile et que cela me permet de débroussailler mes idées pour la suite.

Alors, « Martin Eden », de quoi ça parle ? Ou plutôt qui est « Martin Eden » ? Eh bien, Martin est un marin de vingt ans, aux épaules larges et aux bras musclés, un petit dur capable de dérouiller n'importe poivrot en quelques crochets bien ajustés, pas stupide – loin s'en faut – mais complètement ignorant comme la majorité des malheureux de sa classe sociale. Après avoir sauvé un jeune homme de bonne famille d'un pugilat, il est invité à dîner dans la famille de celui-ci. L'épreuve est terrible pour ce jeune colosse, terrifié à l'idée de commettre une maladresse et de ne pas savoir que répondre à ces riches bourgeois bien habillés et cultivés. Mais à l'arrivée chez les Morse, Martin voit une apparition, un éblouissement : Ruth Morse, la fille de la maison ! Aussitôt fou amoureux de la jeune femme, Martin désespère d'être jamais digne d'elle, si belle, si pure et si savante.

Afin de devenir son égal et de la conquérir, Martin se lance à coeur perdu dans l'étude. Doté d'une intelligence, d'une sensibilité et d'une force de volonté hors-du-communs, il se passionne pour tous les champs de la culture, de la poésie à la biologie en passant par la politique, et découvre dans les livres un univers plus vaste et plus magnifique que tout ce qu'il avait pu rêver auparavant. de l'apprentissage, il passe naturellement à la création et se lance sur le terrain périlleux de la littérature, confiant dans son génie et dans son imagination fertile. Ce que Martin ne comprend pas et qu'il ne saisira que trop tard, c'est que ces beaux et riches bourgeois ne sont guère différents des matelots ivrognes et des ouvrières aux mains couturées de cicatrices qu'il souhaite si ardemment laisser derrière lui ; qu'ils sont tout aussi obtus, bornés et refermés sur eux-mêmes. de rêves fous en échecs, d'échecs en cruelles désillusions, Martin Eden fera son apprentissage amer du monde dit « civilisé », jusqu'à que, par miracle, ses yeux se dessillent enfin, mais trop tard, bien trop tard pour sauver son âme et son talent...

Considéré à juste titre comme l'un des chefs d'oeuvre de Jack London, « Martin Eden » s'est révélé pour moi la plus belle expérience de lecture de ces derniers mois. L'écriture de London est d'une force rare et rend captivante l'épopée intellectuelle de ce jeune marin affamé de reconnaissance sociale. On suit les épreuves traversées par Martin Eden, ses nuits à trimer sur quelques vers de poésie, ses journées d'étude et de labeur exténuantes avec autant de passion que l'on en mettrait à lire un récit d'aventures maritimes ou polaires – à ceci près qu'ici le voyage est cérébral, ce qui ne le rend pas moins dangereux et désespéré.

L'analyse de la société américaine de l'époque est brillante, subtile et d'une acidité à retourner l'estomac des âmes trop sensibles. Elle reste d'ailleurs d'une actualité féroce malgré le siècle écoulé depuis la mort de Jack London. Quant à l'analyse des caractères, n'en parlons même pas… Il y a du thriller psychologique dans Martin Eden et d'une très grande qualité, qui plus est ! L'ensemble du livre est sublime, mais j'avoue avoir été particulièrement soufflée par la fin. Les tout derniers paragraphes sont parmi les plus puissants que j'ai eu l'occasion de lire et j'en suis encore un peu sonnée. Un roman semi-autobiographique tristement prophétique quand on pense à la fin tragique de London : glaçant mais superbe !
Commenter  J’apprécie          27420
Martin Eden, un solide marin de 20 ans ayant quitté l'école à 11 pour travailler à l'usine, n'a pas les bonnes manières de Nadine de Rotschild et il en a conscience quand il s'assoit à la table des Morse, une famille bourgeoise de San Francisco.

Nous sommes à peu près au début de 20ème siècle. Et les conditions de travail sont difficiles pour les ouvriers, l'alcool les aide souvent à oublier. D'ailleurs avant de faire la connaissance de la délicate Ruth Morse, Martin Eden n'envisageait pas une bonne soirée sans une bonne bagarre pour terminer son parcours éthylique.

Mais cette rencontre va changer sa vie. Quand le lecteur entre dans le carré de lumière que fait la porte ouverte de Martin Eden, il l'aperçoit, allongé sur son lit couvert de livres ouverts, lisant puis prenant des notes.

Un long et riche cheminement s'en suivra, parsemé de livres, de rencontres et d'obstacles jusqu'aux 50 dernières pages avec un dénouement qui laisse pantois. Mais c'est sublime!

Jack London se réfère souvent à la pensée nietzschéenne de surhumain/surhomme et l' illustre de manière très compréhensible avec le parcours de Martin Eden. Pour mieux la contrer finalement et avec, le schéma très américain de la réussite grâce à l'individualisme.

Pour tirer un enseignement sur un point toujours d'actualité qui m'est cher: alors que l'ascenseur social est en panne, comment ne pas s'interroger pour un meilleur système éducatif. Ce point m'a hanté pendant cette lecture et me hantera encore..

Et avec ceci, c'est un livre qui aborde bien d'autres thèmes: une histoire d'amour entre une belle et une bête, le monde éditorial au début du 20ème, le monde ouvrier et le roulis des épaules de Martin Eden qui entre dans un monde bourgeois où il va tenter de briller, mais à sa manière...

Commenter  J’apprécie          1377
Martin Eden a 21 ans, l'âge de toutes les audaces. Il est marin, une vie faite d'embarquements et d'escales. En sauvant Arthur Morse d'une rixe il ne se doutait pas de la tournure qu'allait prendre sa vie.
" Martin Eden" est l'histoire d'une métamorphose, celle d'une chenille qui se transforme en papillon pour les beaux yeux de Ruth, une femme enfant issue de la bourgeoisie californienne.
A force de travail Martin va s'élever intellectuellement, son rêve d'écrire et sa reconnaissance artistique vont être sa raison de vivre au grand désespoir de Ruth et de ses proches.
S'ensuit une vie de misère, la faim, le découragement, les refus des maisons d'éditions, mais Martin s'en moque, il en rit même de cette vie de galère.
" Martin Eden" est un roman dense, je dirais un roman à tiroir, d'abord l'écriture est la pièce maitresse de ce roman, la sociologie évolutionniste du philosophe anglais Herbert Spencer, ce fameux fossé des nantis comme la famille Morse et ces miséreux dont Martin est issu. Jack London décrit Martin comme un individualiste rappelant la pensée Nietzschéenne " le monde appartient aux forts."
La fin du roman est surprenante, mais quelle fin ; une sorte de mantra
" J'étais le même ! c'était à cette époque que j'ai écrit ces ouvrages ! et maintenant vous me gavez quand alors vous m'avez laissé mourir de faim, vous m'avez fermé votre maison, vous m'avez renié, tout ça parce que je ne voulais pas chercher une situation."
Surprenant personnage qu'est Martin Eden tantôt plein d' humanité, tantôt imbu de sa personne.
Un merveilleux roman qui va finir sur mon île déserte.
Commenter  J’apprécie          1119
« Ce que j'ai lu était épatant. C'était lumineux, brillant et ça m'a traversé, ça m'a chauffé comme le soleil et éclairé comme un projecteur. Voilà l'effet que ça m'a fait… Mais il se peut bien que je ne connaisse pas grand-chose. »
Ainsi se présente Martin Eden, marin, à l'âme vagabonde et bagarreuse, sensible à la beauté, au début de son aventure. Une aventure où il va découvrir la joie d'apprendre, de se fondre dans l'art, la poésie, la philosophie.

Au bout de son voyage, Martin Eden, toujours le même, n'est pourtant plus autant émerveillé par le monde qui l'entoure. Il a perdu sa naïveté et sa joie de vivre. Comme s'il s'était encombré d'un savoir trop lourd, d'un regard sur les hommes, bourgeois ou ouvriers, trop appuyé, trop incisif. Moins sauvage, moins insouciant, il en devient plus vulnérable, désabusé. le vernis a craqué sous le poids de la vérité.

La beauté qu'il désirait tant écrire devient fange lorsqu'elle ne représente plus qu'un moyen de gagner de l'argent, de devenir célèbre, sans qu'on reconnaisse pour autant sa juste valeur. La beauté « se prostitue ».

Il ne cherchait pas le succès, il vouait juste aimer, comprendre, savoir. La culture lui en donnait les moyens.
Mais il savait déjà tout cela. Il pouvait déjà l'exprimer dans ses mots d'argot qui dessinaient si bien la beauté sauvage, sans la disséquer. Son talent était de s'exprimer avec la puissance qui lui était propre : « d'attraper des papillons à coups de massue ». L'éducation lui a permis d'affirmer son intelligence, d'accomplir ses rêves. Trop tard sans doute.


Il y a tout cela et bien plus encore dans ce roman d'apprentissage. Une satire de la bourgeoisie du début du XXe siècle, une vision accablante de l'état de pauvreté et d'avilissement de la classe ouvrière, l'hypocrisie du monde littéraire qui n'a pas toujours les outils pour découvrir les talents véritables. L'argent qui fait la loi, avilissant la beauté, l'art et les hommes. L'éducation qui n'est pas toujours synonyme d'intelligence. La culture que l'on porte comme une étiquette, sans en être digne.

Vers la fin, j'ai eu l'impression que le personnage se confondait avec celui de Charlie dans : « Des fleurs pour Algernon ». Un peu arrogant, ne trouvant plus sa place parmi les hommes, prônant la loi du plus fort.
Pourtant Martin n'est pas un simple d'esprit, loin s'en faut, et il ne pourra plus faire marche arrière. Il gardera son bagage. Mais, ayant découvert le monde des livres, il a aussi découvert la bêtise, là où il croyait voir des étoiles. Ses pas l'ont emmené vers un autre rivage, fait de solitude et de désolation. Les cordes de sa harpe ne font plus vibrer la mélodie de ses souvenirs simples et heureux. Le vagabond a perdu son étoile.

« Il n'avait plus le cœur assez simple pour vivre pleinement une existence aussi primitive. » .
Commenter  J’apprécie          733
Martin, tu rêvais d'un autre monde.
Avec Ruth tu rêvais réalité, ta réalité.
Une terre moins terre à terre.
Restera-t-elle un mystère ?
Ruth t'as trouvé bien futile.
Tu voulais tout foutre en l'air…
« Téléphone » a mieux résumé ce chef d'oeuvre que je ne l'aurais fait.

Pauvre de moi, qui ne m'étais cantonné qu'à la lecture de « Croc-Blanc » quarante-cinq ans plus tôt croyant à tort qu'à l'instar de Jules Verne, Jack London se lisait à quinze ans ! Grossière erreur mon capitaine ! Ce purgatoire achevé, j'ai pu rejoindre l'Eden (facile).

De basse extraction sociale, Martin, acharné, pugnace devra gravir toutes les marches de la connaissance pour se hisser à un niveau de culture nécessaire et obligatoire pour communiquer sans faillir avec son adorée-du-premier-jour-qu'il-la-rencontra.
« Tu oses aimer une adorable femme qui vit à cent mille lieues de toi, parmi les étoiles. »
Les gouffres sociaux sont plus difficiles à combler par des livres que les failles des montagnes à franchir par la force. Ruth est une bourgeoise.
Cet amour qu'il pense impossible prend tournure ; un bras entoure une épaule, une mèche de cheveux frôle une joue, un baiser. Ruth est amoureuse.
Critique sociale où, Jack London se sert de Martin comme trublion d'une société bourgeoise suffisante de sa position et de ses acquis. En hissant Martin à leur niveau de connaissance, il prouve que la société prolétaire peut-être aussi cultivée et aussi pertinente.
Martin écrit, écrit jour et nuit. Tous les textes qu'il produit sont refusés par les éditeurs et les magazines.
Il reste pauvre parmi les pauvres.
Jack London en profite pour nous livrer une critique sans concession de la presse et de l'édition. Les rédacteurs et les éditeurs ne sont que des écrivains ratés.
Quel talent et quel crédit ont-ils pour juger des écrits qui leur avaient été refusés à eux-mêmes ?!
All change ! Son génie est reconnu. Trop tard, Ruth la bourgeoise a rompu, l'argent afflue, la notoriété…
Martin ne comprend pas, n'accepte pas; il est toujours le même. « Paradoxe ridicule, quand il avait faim, personne ne lui donnait à manger : à présent qu'il pouvait se gaver, les dîners affluaient de toute part. »
Égaré pour les uns, perdu pour les autres : « Il avait voyagé loin, trop loin, au pays de l'intelligence. »
« de même que la bière lui semblait râpeuse, leur société lui semblait grossière. »
Quand on est plus de nulle part… « Trop de livres ouverts les séparaient. »
Et pour moi… Ce livre fermé maintenant, m'a rapproché de vous, Martin et Jack.
Commenter  J’apprécie          689
« Il n'avait jamais cru en Dieu. Il avait toujours été irréligieux et se gaussait joyeusement des bigots et de leur immortalité de l'âme. Il n'y avait pas de vie après la mort, clamait-il. La vie, c'était ici et maintenant ; après c'étaient les ténèbres éternelles. Et pourtant c'était bien une âme qu'il avait vue dans les yeux de cette fille – une âme à jamais immortelle. »

Martin Eden, jeune homme fruste et entêté mais plein de vie, rencontre Ruth, une étudiante en littérature issue de la bonne bourgeoisie d'Oakland. Coup de foudre. Il pense qu'en se mettant à son niveau ils auront une chance de vivre dans le bonheur. Martin applique toute son intelligence, qui est grande, et tout son temps, pour d'abord lire et découvrir les plus grands poètes, romanciers mais aussi philosophes. Il parvient à acquérir, non sans difficultés, une bonne éducation, qui lui permet de fréquenter la famille de Ruth. Martin est un esprit libre, il l'était déjà lors qu'il lui fallait se faire respecter à coups de poing dans les divers milieux professionnels qu'il avait connus.

Il se découvre une ambition : devenir un écrivain reconnu. Il idéalise le milieu de l'édition, comme, dans une certaine mesure, celui de Ruth et de ses parents, beaucoup plus étroits d'esprit qu'il ne l'imaginait.

Il se donne entièrement à l'écriture, sans avoir même un retour suffisant pour vivre chichement de sa plume. Mais il ne cède pas, malgré les demandes répétées de son entourage de « rentrer dans le rang ».

De Jack London je n'avais lu jusqu'ici que « le vagabond des étoiles », qui m'avait fasciné. de « Martin Eden », reconnu comme un de ses plus grands livres, j'attendais des émotions fortes. Et je les ai bien ressenties. Mais j'ai été choqué par cette vision si noire et dépressive de la vie et de la société. C'est un grand roman car on sent ce dégoût de vivre monter peu à peu au fil du la narration, avec sa fin inéluctable. Il me hantera longtemps.
Commenter  J’apprécie          572
Le jeune marin, brutal, sans éducation, rustre découvre un monde de raffinement et l'amour dans le milieu bourgeois du début du siècle.
Son chemin est tracé: pour en faire partie il doit évoluer au sens Darwinien du terme.
Il a deux armes:
Une energie et une intelligence hors du commun.
Le cheminement intellectuel est pour moi le plus interessant même si le parcours du combatant, physique jusqu'à l'extrême, est formidablement rendu.
Il dévore les livres dans tous les domaines possibles afin d'être digne de son amoureuse bourgeoise dont le monde lui apparaitra rapidement surfait.
Les analyses de la société américaines sont sans compromis et au fond, elles dépassent souvent le cadre de l'époque et de la culture américaine.
Il aura un seul véritable ami, écorché et malade, un poète maudit, les autres personnages, quand ils sont humainement respectables, montreront trop peu de puissance intellectuelle pour qu'il s'y attache.
À la fin, le héros constatera qu'il n'y a rien de pire que de ne pas atteindre son but à part l'atteindre.
Ce livre est entré comme une évidence dans la liste des meilleurs livres que j'ai lus, pour son héros, son histoire et surout pour l'intelligence des analyses de la société et de l'âme humaine.
Chapeau bas Monsieur Jack London.

Commenter  J’apprécie          560
Jack London (1876-1916), c'était pour moi Croc-Blanc et L'appel de la forêt (titre original : The call of the wild). Je ne voyais en lui qu'un auteur de livres pour la jeunesse, un écrivain de la nature et des espaces sauvages. En m'intéressant à Martin Eden, un épais roman d'aventures publié en 1909, je découvre que Jack London était bien plus que cela et que sa propre vie a été un roman d'aventures et d'expériences détonnantes. D'où la question : Martin Eden serait-il un roman autobiographique ? Non, prétendait l'écrivain. Il présentait pourtant de flagrantes similitudes de parcours avec son personnage.

San Francisco, début du vingtième siècle. Né dans la misère et très tôt livré à lui-même pour survivre, Martin Eden, vingt ans, a bourlingué comme matelot sur la plupart des mers et des océans du globe. Son physique musculeux, son ouverture d'esprit et son caractère bonhomme lui valent un certain succès auprès des femmes et des hommes de son milieu social. Dur à la peine, amateur de bagarres et de beuveries jusqu'à plus soif, il se montre un compagnon joyeux, toujours prêt à faire la fête dans les bars des bas-fonds de San Francisco, comme dans les bouges des ports d'escale.

Inopinément introduit dans une famille de grands bourgeois, il tombe raide dingue de leur fille, Ruth, une étudiante en littérature dont la beauté éthérée, les manières élégantes et la culture raffinée le fascinent. Ruth n'est pas indifférente au physique viril de Martin, mais elle est choquée par ses frusques minables, ses manières gauches et sa façon grossière de s'exprimer. Tous deux prennent conscience du fossé social et culturel qui les sépare.

Qu'à cela ne tienne ! Martin dispose d'une incroyable confiance en ses capacités : rien ne lui paraît impossible. Résolu à conquérir Ruth, il décide d'apprendre les bonnes manières et d'atteindre un niveau de connaissances qui lui permettra de se fondre dans le monde de sa bien-aimée. Pendant des mois, il travaille d'arrache-pied, ratissant les bibliothèques, ingurgitant encyclopédies, dictionnaires, grammaires, dévorant tous types d'ouvrages, poésie, philosophie, économie, mathématique, sciences… Ruth est épatée par ses progrès, mais cela suffit-il ?

Prenant conscience de l'originalité de son vécu de bourlingueur, Martin se propose de le raconter par écrit. Voilà ! Son avenir est tout trouvé, il sera écrivain, une manière comme une autre de gagner sa vie. Mais pour l'heure, il loge dans une chambre insalubre et ne mange pas à sa faim.

Martin ne rencontre pas le succès naïvement escompté, ni auprès des revues littéraires auxquelles il soumet ses textes, ni auprès de Ruth qui lui suggère de trouver plutôt un métier lui permettant de fonder une famille. Il en faudrait plus pour décourager le jeune homme qui décide alors de s'investir totalement dans l'écriture, travaillant jour et nuit à la production de nouvelles, de romans, de contes, de poèmes, d'essais… Il vit dans la misère, mais comme un joueur croyant à son va-tout, il reste persuadé que le prochain ouvrage sera le bon.

Las, aucun résultat !... Toutes et tous finissent par se détourner de lui, d'autant plus que Martin, parvenu à un niveau de savoir et de culture hors du commun, constate l'insignifiance intellectuelle des notables proches de Ruth et n'hésite pas à leur clouer le bec.

Un jour, alors que lui-même n'y croit plus, l'un de ses textes est publié dans une revue. Les lecteurs sont enthousiastes, la revue en redemande, d'autres se manifestent, les éditeurs se précipitent. C'est le succès, immense. Gloire et fortune. Toutes et tous reviennent précipitamment vers lui…

Mais quelque chose est cassé chez Martin. Pourquoi toutes ces invitations, à quoi riment ces témoignages d'estime et d'admiration, que signifient ces déclarations d'amitié et d'amour ? « Il y a quelques semaines, j'avais faim et j'étais en haillons… et pourtant, j'étais le même ! » ne cesse-t-il de ressasser… C'est trop tard, tout cela ne l'intéresse plus…

La lecture de Martin Eden est très agréable. La personnalité du héros est attachante, son idylle avec Ruth est mignonnette. Sa critique du monde de l'édition et celle de la haute société citadine sont savoureuses. Un siècle plus tard, elles ne paraissent pas démodées.

Jack London fut l'un des premiers écrivains américains à faire fortune grâce à son oeuvre. Mais déçu par la vanité et l'inconsistance des cénacles bourgeois qui prétendaient l'adouber, il resta fidèle aux combats politiques de sa classe sociale d'origine. Il est même devenu une icône du socialisme. Dans Martin Eden, Jack London voulait dénoncer l'individualisme forcené du self-made-man américain, dont il est pourtant lui-même une illustration. Des contradictions douloureuses qui ne seront pas sans incidence sur son alcoolisme, ses dépressions et une mort mystérieuse à l'âge de quarante ans.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
Commenter  J’apprécie          534
Qu'aurait été la vie de Martin Eden s'il n'avait pas défendu Arthur de ces ivrognes sur le ferry ? Il n'aurait jamais pénétré dans cette maison bourgeoise et n'aurait pas eu cette furieuse envie de conquête, ni de la fille ni de ce monde qu'il venait d'effleurer du bout de ses doigts maladroits, les yeux pleins d'étoiles. Il n'aurait pas connu la joie et le désespoir de l'écriture, ni le revers de la gloire et de la richesse, et il ne se serait finalement pas perdu.
Une âme errante, pataugeant dans la fange de la société, s'abreuvant avec sa bande après des journées interminables et épuisantes de travail pour gagner de quoi subsister dans sa vie de misère : voilà ce qu'il serait resté, peut-être...

Ce livre est magnifique, l'histoire est tragique, l'écriture est sublime.
C'est beau, c'est fort, c'est émouvant.
Commenter  J’apprécie          5223
Elles peuvent jaillir d'un coup, d'un seul ! N'importe où. Dans un ascenseur, dès que les portes se referment et que l'affreux cliquetis de la courroie s'enclenche. Sur le trottoir, quand je croise une foule de passants et que l'un d'eux me paraît étrangement familier. À l'intérieur d'un bar, où l'odeur du café imprègne mes narines et me conte mille et une histoires. Elles apparaissent comme ça, de manière improvisée.

“Elles”, ce sont ces pensées décousues qui débrident l'imaginaire en une fraction de seconde. Il suffit d'un battement de cil et je me retrouve jeté à la barre d'un bateau en pleine tempête, luttant contre les éléments déchaînés, avec pour seul horizon : la mer. L'inépuisable mer ! Les trombes d'eau me fouettent le visage tandis que les vagues s'abattent sur le pont. Mon trois-mâts est sur le point de se retourner. Et quand tout est sur le point de couler, mon esprit divague et me dépose en pleine Sibérie, les pieds enfoncés dans la dernière neige de l'hiver. Cela sent le printemps à plein nez et je reste là. Je contemple l'éclosion de la vie, au rythme des fleurs déployant leurs pétales pour les nuées d'insectes gourmands. Un ours sort des fougères, je suis sur son territoire. Il ne me reste plus qu'à prendre la fuite à la verticale, vers la cime d'un pin … ou à me pincer pour revenir à la réalité. 😉

Ce qui me sert d'imagination, d'autres l'ont vécu dans leur chair, et plutôt deux fois qu'une ! Ce fut le cas de l'écrivain Jack London qui eut une vie d'une incroyable intensité en à peine quarante ans d'existence. Une de ses oeuvres est, ni plus ni moins, un des joyaux de la littérature américaine. Il s'agit du roman Martin Eden dont voici la petite analyse.

Martin Eden est une jeune homme des bas-fonds d'Oakland qui est présenté à une famille bourgeoise. Dès la première rencontre avec ces aristocrates, il tombe sous le charme de la fille, Ruth, et se met en quête de se cultiver en lisant les grands auteurs de l'époque afin d'impressionner la jeune bourgeoise. Les deux jeunes gens se fréquentent, se découvrent, s'apprivoisent, au rythme des lectures toujours plus poussées de Martin Eden.

L'ancien baroudeur, qu'il était, a alors une révélation : il est fait pour l'écriture ! Il est persuadé que son talent lui permettra, un jour, d'en vivre et de s'installer avec Ruth. Il travaille jour et nuit à la rédaction de ses manuscrits qu'il envoie aux quatre coins des États-Unis, sans succès.

La vie de Martin Eden enchaîne alors les désillusions du monde de l'édition et accumule les dettes. Sa famille, ses amis, son amour, le lâche un à un sauf un intellectuel socialiste du nom de Brissenden qui l'invite à des assemblées auxquelles le jeune Martin fera autant sensation que scandale. Soudain, la machine éditoriale s'emballe et ses manuscrits sont publiés à tour de bras. Ses livres s'arrachent partout mais Martin Eden n'est déjà plus le même, quelque-chose s'est fissuré en lui et cette faille ne se refermera jamais ...

La suite est à lire ici
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
Commenter  J’apprécie          512




Lecteurs (12380) Voir plus



Quiz Voir plus

l'appel de la foret

comment s'appelle le chien ?

holly
Buck
Billy
Rachid

3 questions
233 lecteurs ont répondu
Thème : L'appel de la forêt (L'appel sauvage) de Jack LondonCréer un quiz sur ce livre

{* *}