Léon Lescoeur a réellement existé. Cette chronique du siège de Paris de 1870 est basée sur les lettres qu'il a écrites à sa famille.
Le livre est une étude historique, mais en même temps un livre grand public, car le texte est accessible et nous fait découvrir un récit à hauteur d'homme.
Léon avait 49 ans lorsqu'il a subi le terrible siège. Issu d'une famille de notables de l'Ain, il monte à Paris pour entrer à l'Ecole normale.
Diplôme en poche, il connaît avec les siens huit déménagements en vingt ans, en travaillant comme inspecteur de l'instruction publique : Grenoble, Avignon, Dijon, Niort ... En 68, dernière mutation, Paris.
Il ne peut pas quitter la capitale, comme un certain nombre de notables, car il est au service de l'Etat : il reste par sens du devoir, et aussi parce que son départ serait synonyme d'infidélité et entraînerait son renvoi.
A la fin du XIXème siècle, la guerre est entrée dans « l'âge industriel ». Un des éléments de la modernité : les journaux, dont l'essor s'appuie sur le télégraphe électrique et les chemins de fer. Autre aspect de l'âge industriel, « la puissance du feu finit par supplanter définitivement la puissance du choc. Les malheureuses charges de cavalerie [ ] rappellent comment elles étaient devenues obsolètes à l'ère du fusil et de l'obus ». P78
Sedan, 2 septembre, la capitulation. Deux jours plus tard, l'empereur est déchu, la République est proclamée – un régime que notre témoin Léon ne porte pas en haute estime.
Deux extraits de ses lettres :
« Une des choses les plus tristes à voir c'est la joie générale qui se montre sur les visages. On est enchanté d'être débarrassé de l'Empereur, et on oublie les malheurs de la défaite et la présence de l'ennemi ». P75
« Qui nous l'eût dit, il y a deux ans, quand l'Empire était dans toute sa splendeur, au milieu de l'Exposition universelle, que nous serions tombés et qu'il serait tombé si bas ? » P107
Au fil des pages, les extraits des lettres et les commentaires de l'auteur situent l'identité de l'épistolier, sans toutefois s'appesantir : c'est « la vieille famille chrétienne et bourgeoise de province ». [ ] « Rusticité, rudesse, immobilisme, mais aussi moralité et honnêteté. » P16
En minimisant les difficultés pour ne pas inquiéter sa femme et ses enfants, Léon rend compte de ce qu'il vit au quotidien : le fait d'être coupé de l'extérieur, de n'apprendre qu'avec un certain retard ce qui se passe au front, de ne pas savoir si l'armistice est proche ou non. Ensuite le rationnement et la disette. Sans oublier les bombardements, en janvier, quatrième mois de siège : les batteries prussiennes sont équipées de canons Krupp.
« Enrégimenté fin septembre dans la Garde nationale, comme l'immense majorité des Parisiens », il écrit : « Je suis de garde tous les quatre jours, et tous les matins, j'ai trois heures d'exercice obligatoire, de six à neuf heures. Je manoeuvre comme un vieux troupier ». P137
Les lettres partent en ballon vers la province, mais en sens contraire, rien.
Pour permettre une comparaison, l'historien évoque aussi brièvement d'autres témoignages rédigés par les Parisiens assiégés, dont
Edmond de Goncourt.
Enfin, l'armistice est signé le 28 janvier. Léon retrouve les siens à Pierreclos, après cinq jours de voyage, dont une partie à pied.
Le dernier chapitre présente les mémoires de Léon Lescoeur. Il les a dictées à sa belle-fille au tournant des années 1904-1905, à l'âge de 84 ans. Pour lui, 1870 c'était « le début d'une décadence et d'un drame français » P193
Dans l'introduction, l'auteur mentionne sa parenté avec Léon, sans donner plus de détails ; les lettres sont des documents de l'archive familiale.
En page 194 nous découvrons quatre portraits, à l'âge de 47 ans et puis à des intervalles d'une dizaine d'années. Il est un sage, et, peut-être, avec le temps, il est devenu un peu amer.
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Pour finir, un extrait du Figaro du 20 août 1870 : « Gravelotte, 16 août, 5h du matin. Tandis que je revenais de Metz, je rencontrais des paysans qui fuyaient du côté d'Ars. Ne passez pas ! me crièrent-ils ; les boulets pleuvent sur la route ». P64
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Ci-dessous un lien vers un article de T Montbazet sur le siège de 1870.
https://legrandcontinent.eu/fr/2023/08/21/paris-1870-la-bataille-impossible/