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3,76

sur 2617 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Autant Andromaque est droite dans ses bottes, autant les autres protagonistes de ce drame racinien pourraient mentionner:"C'est compliqué"sur leur statut FB!
Qu'il est doux de lire des vers quand tout s'agite autour de vous...
Andromaque veuve inconsolable d'Hector est aimée de son geôlier Pyrrhus, roi d'Epire. Pyrrhus se damnerait pour obtenir le coeur d' Andromaque alors que sa promise, Hermione lui est tout acquise. Oreste, dépêché en Epire par l'armée grecque arrive comme un chien dans un jeu de quille, amoureux éperdu d'Hermione, il espère ramener sa belle et ne verrait pas d'un mauvais oeil un rapprochement entre Andromaque et Pyrrhus.
Mais bien entendu tout cela va tourner vinaigre, foin de tragédie.
La seule à manifester avec constance son amour pour son défunt époux Hector est Andromaque. Pyrrhus, pris entre son devoir de prince et ses élans amoureux tergiverse en permanence.
Les vers de Racine sont un pur régal, je crois encore entendre la voix de mon professeur de français, Mme Meunier nous faisant la lecture, comme à de jeunes enfants, bonheur à l'état pur...
L'opuscule s'accompagne de précisions fort intéressante sur la genèse de l'oeuvre. Petite anecdote, le dernier acte a été modifié, Racine ayant supprimé l'intervention d'Andromaque qui ne rajoutait aucun effet dramatique.
Une héroïne très discrète puisqu'elle dit fort peu de vers, au service d'une oeuvre intemporelle sur le tourbillon des sentiments!
Chacun pour soi est reparti dans le tourbillon de la vie.... Enfin presque...
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Je ne vais pas prétendre proposer un avis analytique et érudit du chef d'oeuvre de Racine, je ne le peux pas, je me contenterai de livrer quelques impressions de lecture.

L'argument est connu, « Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort ». Ce qui m'a frappée en premier lieu à la lecture de la pièce c'est la peinture de la passion amoureuse. Les personnages livrent leur ressenti sans fard, sans pudeur et ce qui éclate à la face du lecteur c'est la violence des sentiments. Dans « Andromaque » l'amour, loin de rendre meilleur, rend celui qui l'éprouve cruel et égoïste, même vis-à-vis de l'être aimé. Ainsi peu importe à Pyrrhus qu'Andromaque ne cède à ses désirs que pour sauver son fils. Tout comme les sentiments d'Hermione à l'égard de Pyrrhus oscillent entre amour et haine.

Quand je lis une pièce, j'aime essayer de l'imaginer sur scène. Pour « Andromaque » j'ai imaginé une mise en scène épurée, dépouillée à l'extrême, pas ou peu de décor, pour laisser toute la place au texte. Parce que, bien sûr, il est là le véritable point fort de la pièce. le texte est simplement sublime. Les vers sont d'une beauté étourdissante tout en étant d'une totale fluidité. J'ai été surprise en découvrant combien ça se lisait facilement.

Récemment, j'avais voulu me frotter à du théâtre contemporain et j'avais lu une pièce de Reza. Je n'avais pas aimé ma lecture. J'avais tout particulièrement été gênée par la médiocrité des dialogues. Certes ils sonnaient vrais mais qu'ils étaient déplaisants à lire. Aucune poésie, aucun jeu avec la langue. C'était moche. Je m'étais alors dit que le théâtre contemporain n'était pas pour moi (même si je veux bien croire que certains auteurs proposent des choses intéressantes) et que le théâtre classique correspondait plus à mes attentes. « Andromaque » confirme cette impression. Avec cette langue si belle, j'ai retrouvé ce que j'aime quand je lis du théâtre.

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Voilà un classique du genre théâtral que beaucoup considère comme la meilleure oeuvre du célèbre Racine. le dramaturge du XVIIe siècle n'a pas son pareil pour mettre en scène les plus grandes figures féminines de l'histoire, de Bérénice à Iphigénie en passant par Athalie et bien sûr Andromaque, et comme souvent c'est dans l'Antiquité qu'il va chercher l'inspiration. Quatre protagonistes pour cette pièce : Oreste, fils d'Agamemnon et Clytemnestre, fou amoureux de sa cousine Hermione ; cette dernière, fille de Ménélas et de la belle Hélène, aime pour sa part Pyrrhus, fils d'Achille, qui se consume pour Andromaque, femme du défunt héros troyen Hector et désormais uniquement concernée par la sécurité de son fils, Astyanax (ça va vous suivez?).

L'auteur manie les mots comme personne et nous offre une oeuvre bouleversante dans laquelle l'intensité dramatique ne cesse de croitre au fil des pages jusqu'à son paroxysme. Les héroïnes de Racine sont magnifiques dans leur douleur, qu'il s'agisse d'Andromaque se refusant à faire le deuil de son époux, ou d'Hermione, rongée par la jalousie et son désir de vengeance et que même l'amour d'Oreste ne pourra sauver. Moi qui ne suis pas spécialement amatrice de ceux que l'on considèrent aujourd'hui comme des « auteurs classiques », c'est toujours avec bonheur que je me plonge dans les oeuvres de Racine dont Andromaque est à mon sens la plus aboutie.
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L'humain dont la passion a fait son sujet et son esclave se demande « l'amour peut-il si loin pousser sa barbarie ? » Andromaque, Acte III, scène VIII.
La tragédie Andromaque laisse le pouvoir destructeur à la raison de la passion dans une chaîne d'amour à sens unique où l'amour se transforme en haine, vengeance et sacrifice, un sans retour pour les personnages vécu comme un destin qui les entraîne et contre lequel ils essaient de lutter sans chance de gagner.
Andromaque, veuve de Hector, héros troyen tué par Achille, ne garde de Troye que son fils Astyanax. et porte un amour fidèle à son mari défunt. Pyrrhus, fils d'Achille, roi d'Epire est amoureux d'Andromache, Hermione, aimée par Oreste, est promise à Pyrrhus qui ne l'aime pas. le cercle se ferme et couve la vengeance, la pitié n'a pour elle que les larmes.
Oreste, Hermione et Pyrrhus se livrent à leur passion mais dans la chaîne il y a Andromaque et tous les quatre sont liés les uns aux autres dans un jeu de cartes lourd dangereux et funeste.
Ambassadeur des grecs, Oreste doit réclamer le fils d'Andromaque craignant que Astyanax pourrait, plus tard, venger la mort de son père. le point faible se dessine et l'erreur s'engendre : Oreste vit avec sa passion mais ignore que les autres font pareil, et qu'ils ne peuvent pas avoir un jugement cohérent, ils s'égarent, hésitent, reviennent sur leur décision et tombent dans le piège de la maille faible. La force de la passion cède, et l'inévitable ou le destin se joue de tous, conséquence naturelle.
Pylade plaint cette faiblesse  et dit à son ami Oreste :
«Ainsi n'attendez pas que l'on puisse aujourd'hui
Vous répondre d'un coeur si peu maître de lui :
Il peut, Seigneur, il peut, dans ce désordre extrême,
Épouser ce qu'il hait, et punir ce qu'il aime. » Acte I, scène I

Chaque changement d'attitude d'un personnage entraîne fatalement des réactions en chaîne des autres pris dans ce jeu de domino. Logique absurde et naturelle à la fois de la chaîne tragique ! L'amour-passion-destruction, on n'y peut rien. Chaque action de chacun des 4 personnage ne peut que faire le malheur de l'autre.
La passion s'attaque à des forces aussi puissantes qu'elle et le résultat est malheureux. La profondeur psychologique de l'analyse racinienne nous parle du doute des personnages, dans leurs interrogations :
« L'amour n'est pas un feu qu'on renferme en une âme ;
Tout nous trahit, la voix, le silence, les yeux,
Et les feux mal couverts n'en éclatent que mieux. »  Oreste Acte II, scène II

« Que sais-je ? de moi-même étais-je alors le maître ?
La fureur m'emportait, et je venais peut-être
Menacer l'ingrate et son amant. » Oreste, Acte III, scène I

La construction rigoureuse, le crescendo de la passion folle et funeste qui sert l'unité de temps et augmente son côté dramatique sont d'une efficacité digne d'un grand maître.
Les vers alexandrins de Racine sont à lire à haute voix pour écouter leur grande musicalité et pour les sentir pénétrer, fluides, dans les consciences torturées des personnages, les mots se répondent, les rythmes s'harmonisent, beauté qui enchante et profondeur qui bouleverse.
Les personnages vivent intensément, mordent dans leur chair et combattent au-delà de leur vie croyant à chaque instant en la réussite de leur action. Aveuglés par le déchaînement de leur passions ils se jettent à corps perdu dans cette folie qui les engloutit sans espoir.
On se demande, comme Pyrrhus : « Peut-on haïr sans cesse ? et punit-on toujours ? » Acte I, scène IV.
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Andromaque est sans conteste ma pièce de Racine préférée et je ne me lasse pas de la relire, toujours fascinée par la beauté et la force de ses vers.
C'est pour moi la tragédie par excellence.
Les personnages sont guidés par des passions fatales jusqu'au dénouement où deux meurent et un sombre dans la folie, seule Andromaque, épouse et mère exemplaire, s'en sortant finalement par le haut.
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● Il est difficile, pour moi, de résister à une bonne tragédie racinienne… A quelques rares exceptions près, j'ai d'ailleurs beaucoup aimé toutes les tragédies de Jean Racine, et "Andromaque" est l'une des meilleures.
C'est une tragédie simple, poétique, faite de feu, de sang et de larmes, admirable dans sa construction et admirable dans la psychologie des personnages.
Il est prouvé dans "Andromaque" que les passions humaines suffisent, à elles seules, à faire un chef-d'oeuvre.
Et puis, il y a le vers. Beau, poétique, lyrique, simple et complexe à la fois, il soulève ma poitrine d'émotion.
Cette troisième ( quatrième, en comptant "Amasie" ) tragédie de Racine est une pièce magnifique, alliant la linéarité et la construction rigoureuse d'une tragédie antique à la magie du vers et à la psychologie, la fine psychologie, qui est propre à Racine.
Les personnages sont toujours complexes, ambigus, ambivalents, et la peinture de leurs passions témoigne de la finesse de Racine, qui peint la passion dans ce qu'elle a de plus terrible, de plus atroce et de plus tendre, pourtant, de plus passionné, en fait.
Une grande pièce, incontestablement.

● C'est avec Andromaque, que j'ai découvert Racine.
Dans cette pièce, pas question d'intrigues complexes, d'histoires de familles et d'amour raffinées : non, c'est l'expression poétique de la passion et du tragique des événements qui est privilégiée. Dans un vers sublime, comme toujours, Racine s'y montre pour la première fois le grand peintre des passions dont on verra les autres réussites plus tard.
Que de vérité humaine, que d'intelligence, que de sens de la dramaturgie, que de beautés !...
Cette troisième pièce de Jean Racine est l'une des plus fortes et des plus poétiques de l'oeuvre de ce grand écrivain.

● Ce livre est magnifique, sublime, passionné ! C'est un chef-d'oeuvre de la tragédie, la première des grandes pièces de théâtre française à en être une ( Corneille n'a pas témoigner une grande tendance tragique ) ! Cet ouvrage a une fin magnifique, et les vers en sont sublimes ! Ceux de Britannicus ont quelque chose de moins passionné que ceux-ci. C'est un magnifique chef-d'oeuvre, merveilleusement agencé.
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Andromaque a été un triomphe dès sa création mais c'est une pièce difficile à lire. Elle oppose deux femmes, la Troyenne Andromaque et la Grecque Hermione, et deux hommes du clan des Grecs, Oreste et Pyrrhus, auxquels Ménélas a successivement promis Hermione. En arrière-plan le petit Astyanax, fils d'Andromaque et d'Hector, survit chez Racine au sac de Troie (dans la légende homérique, il est tué par Pyrrhus) et fait l'objet d'un chantage. Ce prérequis est exposé à l'acte I — laborieusement à mon gout — dans de longs monologues d'Oreste et de Pyrrhus. Puis vient l'acte II où se développe l'extraordinaire intrigue de Racine. Oreste, ambassadeur des Grecs auprès de Pyrrhus, vient se faire livrer Astyanax qui pourrait, adulte, se venger des Troyens. Pyrrhus protège Astyanax pour séduire Andromaque, sa captive, laquelle le hait, car son père Achille a tué Hector son époux. Oreste trahit les Grecs et son hôte pour accomplir son dessin secret, enlever Hermione. Animée par la jalousie — se voir préférer par Pyrrhus une esclave troyenne — et portée par le dépit d'être vue par les Grecs comme une monnaie d'échange, Hermione manipule Oreste avec une extraordinaire maitrise pour qu'il tue Pyrrhus. L'affaire se conclut par un meurtre et deux suicides.

J'en reste là : le théâtre n'est pas fait pour être lu, mais vu et entendu. Or cette pièce est un joyau. Les femmes dominent. Non pas Andromaque (étymologiquement « celle qui combat les hommes ») qui nous émeut par son éloquence (voir citation) et ses vertus de mère et de victime. Mais Hermione. Cette femme délaissée mène deux hommes à leur perte, sans utiliser la séduction comme sa mère Hélène, ni la magie comme Circé contre Ulysse, mais l'art cruel de dresser entre eux des hommes violents, aveuglés par la passion. Pour les Parisiens : ne le lisez pas la critique du Monde, voyez à l'Odéon des acteurs impeccables et l'excellente mise en scène de Braunschweig.
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ISBN : 9782035868091

A Louis XIV, qui lui demandait quel était le plus grand auteur de son règne, Boileau répondit sans hésiter : "Molière, Sire." le Roi-Soleil, dit-on, parut surpris mais n'insista pas, estimant sans doute qu'à chacun sa partie et que Boileau s'y connaissait mieux que lui en cette matière. Mais si le monarque, lisant dans l'avenir le surnom qui resterait au siècle qu'il avait marqué de son éclat, lui avait demandé qui en était l'auteur "le plus Grand Siècle", nul doute que le célèbre critique et théoricien de la littérature ne lui eût répliqué : "Racine, Sire."

Car autant le génie de Molière demeure aisément accessible et naturel - même dans ses pièces les plus complexes, celles qui, finalement, sont plus des tragédies que des comédies, comme "L'Avare" pour ne citer que lui - s'il se révèle aussi efficace en prose qu'en vers et surtout s'il ne dédaigne ni l'ironie, ni le comique, celui de Racine s'avance sur scène avec toute la dignité, toute la majesté, toute la grandeur terrible de la Tragédie - et de la Tragédie seule car l'unique pièce comique de l'auteur, "Les Plaideurs", fut un véritable "four." Avec sa rectitude, son assurance tranquille et, on peut l'écrire, sa perfection achevée, l'univers racinien reprend avec panache le flambeau des meilleures tragédies antiques. Certains lui reprocheront un sérieux que ne trouble jamais l'ombre d'un sourire, une soumission systématique de la Passion aux lois si peu excitantes de la Raison et même une certaine rigidité des personnages, tant dans leurs vertus que dans leurs vices. Mais qu'importe : on lit deux vers de Racine et c'en est fini des a priori : l'enchantement se fait.

Représenté pour la première fois en 1667, "Andromaque" fut un véritable triomphe. Pourtant - et cela lui fut reproché - Racine y prend des libertés avec le mythe. "Andromaque", nul ne l'ignore, célèbre le rôle-titre comme le modèle des veuves et des mères héroïques. La veuve d'Hector, le chef troyen qui, ayant tué Patrocle en combat singulier, déchaîna contre lui l'ire du grand Achille, y est présentée acceptant d'épouser le vainqueur qui la retient captive - Pyrrhus-Neoptolème, fils justement d'Achille - afin de préserver la vie du seul enfant qu'elle a eu d'Hector : Astyanax. de son côté, en préférant Andromaque à Hermione, fille de Ménélas et de son épouse volage, Hélène, Pyrrhus inflige aux Grecs un affront tel que leur ambassadeur, Oreste - fils d'Agamemnon et de Clytemnestre, qui vient d'ailleurs, en accord avec sa soeur Electre, d'assassiner leur mère parce que celle-ci avait mis à profit une Guerre de Troie qui n'en finissait plus pour batifoler avec son beau-frère Egisthe - se voit contraint d'abattre le roi d'Epire. Si l'on ajoute à cela qu'Oreste est amoureux depuis toujours de sa cousine Hermione - leurs mères étaient demi-soeurs - on comprendra que cette exécution ne lui coûte guère. le piège racinien est en place car, comme de juste, à peine Oreste a-t-il tué Pyrrhus que Hermione se retourne contre lui et lui crache au visage qu'elle ne l'aime pas et qu'elle n'a jamais aimé que Pyrrhus. le malheureux Oreste sombre alors dans une crise de démence et son ami Pylade est obligé de l'emmener au plus vite afin d'éviter la vengeance du peuple d'Epire.

Mais à la vérité, Pyrrus avait jeté Astyanax du haut des remparts de Troie et c'est veuve, certes, mais sans enfant, qu'Andromaque était devenue sa captive, puis sa concubine. Elle lui donna d'ailleurs trois enfants dont l'un mourut très jeune, victime de la malédiction d'Apollon. On suppose donc que ce fut pour défendre les fils qu'elle avait eus de Pyrrhus qu'Andromaque se dressa contre Hermione. Astyanax, comme on le voit, n'a rien à voir en l'affaire. Andromaque devait même se marier une troisième fois avec Helenos, un jeune frère de son premier mari qui, comme elle, avait été emmené en captivité en Epire. Quant à la mort de Pyrrhus, si Racine choisit l'assassinat par Oreste, une deuxième version veut que Néoptolème ait été tué par les habitants de Delphes, après qu'il eût cherché à piller le temple de l'Oracle.

Evidemment, on comprend que la pensée racinienne ait à tous prix exigé la survie d'Astyanax : cela simplifiait pas mal l'intrigue et unifiait le thème, l'exemplarité d'une mère qui sacrifie la douleur d'avoir perdu un époux bien-aimé pour préserver la vie de l'enfant qu'il lui a laissé. Voilà qui, sans conteste, est racinien. Alors qu'une Andromaque entrant en conflit avec Hermione pour défendre les trois enfants qu'elle a eus de son remariage avec le meurtrier de son premier époux et de son fils, est nettement moins glorieux.

Or, qu'ils soient bons ou mauvais, les personnages de Racine, à l'image du Roi-Soleil, se doivent de sacrifier à la gloire plus qu'à n'importe quelle autre vertu.

Ces détails exposés, il faut admettre qu'"Andromaque" est une pièce somptueuse, à l'intrigue solide et somme toute très freudienne (surtout du côté d'Oreste le Matricide et de sa relation avec Hermione), avec des personnages forts et qui ne lésinent pas sur la puissance des coups portés. La fureur, les flammes et les innombrables frustrations dues à la Guerre de Troie sont encore bien présentes et le spectateur, pourvu qu'il ait un minimum de culture antique et qu'il ait lu Homère, ne peut manquer de percevoir leurs spectres. La tension atteint à son sommet - en tous cas à notre avis - dans la scène qui voit Oreste, rejeté par Hermione, sombrer dans la folie et halluciner sur les Erinyes (les Furies). Ici encore, Racine arrange les faits car, en bonne logique, les Furies poursuivent Oreste depuis qu'il a tué sa mère et il faudra que le Conseil d'Athènes l'absolve de ce crime pour qu'il soit enfin délivré. Ce n'est qu'après cette délivrance que, selon certaines versions grecques, il s'en serait pris à Néoptolème. Mais dans la pièce de Racine, c'est bien le meurtre de Pyrrhus qui déclenche les horribles visions d'Oreste.

Que dire d'autre ? Sinon : lisez "Andromaque" et même, faites-vous plaisir et lisez-le à haute voix. Rien que pour la beauté des vers : il est rare d'atteindre à une telle perfection. ;o)
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Ce fut un plaisir de se plonger dans cette pièce de Jean Racine à la lecture aussi exigeante que plaisante. Je ne rappellerai pas son intrigue mais je vais seulement vous donner les raisons qui m'ont fait aimer cette lecture et vous la conseiller.

Il y a tout d'abord la langue de Racine. Une langue magnifique avec ses sonorités, ses vers, ses rimes qui donnent envie de lire la pièce à voix haute ou tout simplement d'avoir la chance de la voir sur scène interprétée par des comédiens.

Il y a également le contexte de la pièce. Quel plaisir de retrouver des personnages issus des tragédies grecques et de se replonger par la même occasion dans leur histoire ! Cet épisode fait suite à la guerre de Troie et m'a rappelé les plus grands passages de l'Iliade, notamment la mort d'Hector (me donnant par la même occasion l'envie de relire le chef d'oeuvre d'Homère).

Il y a ensuite l'ambiance tragique créée par Racine qui monte crescendo tout au long des actes jusqu'à son aboutissement final. Les personnages sont habités par leurs passions qui les conduisent inexorablement au drame.

Il y a enfin la psychologie des quatre personnages principaux qui tissent eux-même la toile de leur malheur. Andromaque, veuve éplorée, est indifférente à tout sauf à son fils et à sa fidélité à Hector. Hermione est folle de jalousie face à l'indifférence de Pyrrhus et capable des pires extrémités à cause de son amour éconduit. Pyrrhus quant à lui s'illusionne sur les sentiments de ces deux femmes. Et enfin Oreste éperdument amoureux d'Hermione est prêt à tout pour la conquérir.
La douleur habite tous ces personnages et nous fait prendre part à leur destin tragique grâce à la beauté de la langue de Racine. La boucle est bouclée...
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Andromaque semble de prime abord être une tragédie en mode mineur, tant elle est tempérée par l'élégiaque plainte d'une mère craignant pour son enfant, le thrène endeuillé d'une veuve pleurant son irremplaçable époux. La "plaintive Andromaque" comme la nomme, agacée, la bouillante Hermione, marque de ses pleurs perpétuels la tonalité de cette tragédie.

Que de passions pourtant! Jamais l'équation A aime B qui aime C qui aime D, n'a été aussi vraie:Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime...Hector, mort et le fils qu'elle a eu de lui.

En revanche, si l'on parcourt la chaîne à rebrousse-poil, Andromaque est révulsée par Pyrrhus, fils d'Achille, meurtrier d'Hector, saccageur de Troie, Pyrrhus n'a qu'indifférence pour cette Hermione au coeur violent qui lui ressemble trop, et Hermione, enfin méprise cordialement le trop fragile Oreste, guetté par la folie des Erynnies, et vraiment trop border-line...

Le maillon faible - le seul lien affectif où réside la réciprocité-- est donc l'amour fusionnel qui lie Andromaque et son enfant. Cruellement, cet enfant aimé et aimant deviendra le pivot de la tragédie et l'instrument de chantage idéal..Qu'Andromaque cède à Pyrrhus et son fils est sauvé, sinon...

Une fois encore, les caractères forts ébranlent l'espace tragique de leur emportement superbe et la forme parfaite du vers racinien sertit leur violence comme l'or le diamant brut...Mais on découvre avec les pleurs d'Andromaque la résistance obstinée du chagrin et sa force passive d'opposition...qui met à mal la violence brutale des prédateurs..

Racine est le seul poète capable de faire entendre et de mêler symphoniquement ces deux musiques-là: le grondement d'orage de la violence brutale et la petite musique frémissante des larmes ..

Dans "Andromaque" ces deux modes s'entremêlent jusqu'à la perfection...
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