Troisième livre que je lis d'
Akli Tadjer, et troisième découverte "bonheur lecture". Une écriture simple, naturelle, l'écriture du quotidien, celle qui permet de dévoiler simplement ce que l'on peut ressentir, qui permet d'exprimer toutes les nuances des sentiments et des expériences, qu'elles soient heureuses ou malheureuses.
Sans dérision ni apitoiement, mais avec une lucidité certaine, qui n'en reste pas moins terrible et douloureuse,
Akli Tadjer exprime au travers des paroles de Fatima, l'impasse tragique dans laquelle un accident de vie fait basculer une existence dans une vie de dépendance totale. Celle-là même qui vous prive de toute intimité, de toute latitude, de tous mouvements, de toute indépendance ; celle-là même qui vous met entre les mains de tierces personnes avec lesquelles vous pouvez soit vous sentir apaisé, soit vous sentir agressé et en insécurité. Celle là même qui vous coupe du monde, et de ceux qui vous sont proches. Fatima les entends, mais eux ne savent pas si elle peut les comprendre : douloureux moments que ceux de l'incertitude.
Une existence qui n'en n'est plus une, sauf à revivre en pensée les évènements qui ont tissé la toile de votre vie. Ceux qui ont fait de vous ce vous êtes devenus, qui ont façonné votre personnalité. Est-ce ses origines, son douloureux passé au cours duquel elle a dû se battre pour trouver sa place dans ce monde, qui lui impose cette retenue vis à vis de son fils Saïd, en recherche permanente de marque d'amour de la part de sa mère ? Toujours est il que derrière cette apparente dureté, se cache une femme marquée par l'injustice de la vie. Une femme, qui bien involontairement, blesse le seul être au monde qui lui reste : son fils.
Une femme résignée mais qui, dans son malheur à conservé la chance de pouvoir se souvenir : elle ne peut exprimer à voix haute ce qu'elle ressent, mais continue dans sa tête à rechercher les moments clés de sa vie :
"Le corps , ça m'est égal, je n'attends plus rien de lui mais ma mémoire c'est mon unique trésor. C'est à elle que je me raccroche pour me souvenir que je n'ai pas toujours été un paquet de chair exsangue sur un lit d'hôpital mais que j'ai souffert, que j'ai haï, que j'ai aimé, que j'ai ri, que j'ai chanté, dansé, que j'ai été vivante."
L'histoire de Fatima est aussi l'histoire d'une mère et d'un fils qui n'ont pas su trouver comment dialoguer et exprimer leur amour l'un vis à vis de l'autre. Les mots, facilitateurs d'expression, ne sont pas les seuls à permettre le dialogue. Confronté à cette situation douloureuse dans laquelle leur vie a plongé brutalement, Fatima et Saïd arrivent chacun à leur façon à recréer ce fil si ténu, mais si puissant qui les lie.
J'ai été touchée par ce récit émouvant et tragique, dans lequel poésie et humour ont su trouver leur place. Une histoire riche en leçon de vie.