Une fois de plus, j'ai été attirée vers ce livre par sa couverture où on voit une silhouette minuscule sur une digue, entre ciel et mer, toute petite au milieu des éléments, au bout du bout de la terre. Image de solitude qui m'a hypnotisée.
Le roman s'ouvre sur une scène déchirante qui se grave dans le coeur et sur la rétine du lecteur/trice : Gabi, un enfant de 10 ans, se noie accidentellement sous les yeux de son père. Nous sommes en Bretagne, 11 mois après le drame. Les parents, Thomas et Anna, essayent de survivre. La juge Dominique Bontet doit prononcer la clôture de ce dossier mais elle a du mal à s'y résoudre, sentant qu'elle n'est pas allée au bout. Parallèlement, elle s'est saisie du dépôt de plainte d'Iris contre son mari, Patrice, pour violences conjugales. Tous les personnages vont se retrouver liés les uns aux autres et la vérité éclatera.
Par des retours en arrière qui se mêlent au présent, l'auteur nous fait rentrer dans l'intimité du couple formé par Anna et Thomas depuis 15 ans et nous laisse découvrir les fêlures imperceptibles, bien avant la mort de Gabi, qui vont devenir des fissures qui ébranlent le couple.
Ce roman met en scène deux hommes qui se sentent frustrés, dévalorisés par la société et dans leur couple, qui ne trouvent pas leur place à côté de femmes fortes; ils essayent de maintenir leur domination, au moins dans la sphère familiale, en s'enfonçant l'un dans la violence, l'autre dans le mensonge.
Ce roman nous offre également trois beaux portraits de femme : *Dominique, la juge, d'une profonde humanité, qui refuse de n'être qu'une machine appliquant la loi;
*Iris, la femme battue qui relève la tête et décide que la violence doit s'arrêter le jour où son mari lève la main sur ses enfants;
*Anna qui se détache de son mari, sentant en lui des zones d'ombre qu'elle affrontera courageusement.
Ces trois femmes vont se soutenir et s'entraider dans une sororité active qui leur permettra de se libérer de leurs entraves.
Le thème de la justice est très présent avec deux conceptions qui s'affrontent : l'humain contre l'administratif. le personnage de Dominique m'a rappelé celui d' Alma Revel de "
La décision" de
Karine Tuil; toutes deux se posent des questions sur leur métier de juge, traitent les justiciables comme des personnes avec leurs failles, leurs faiblesses, et non pas comme des dossiers, ne s'arrêtent pas à la surface des choses.
Un bien beau roman tout en subtilité où transparaissent tendresse et admiration de l'auteur pour des femmes qui vont au bout de leur conviction, de leur rôle de mère, de leur quête de vérité et de liberté.