A l'occasion du 25ème "Rendez-vous de l'Histoire" à Blois, Cyril Azouvi et Julien Peltier vous présentent leur ouvrage "1942" aux éditions Passés Composés.
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On dit toutefois que les histoires d'amour finissent mal. Il fallait bien qu'un jour, comme en ce matin d'octobre 1600 dans la plaine de Sekigahara, les brumes se dissipent. Car à mesure que j'en apprenais plus long sur mes idoles bardées de fer, je quittais sans m'en apercevoir la large avenue illuminée du récit légendaire pour la venelle sombre et tortueuse de la vérité crue. J'abandonnais les ornements baroques du conte pour l'aridité des ouvrages universitaires. Au fil de mes recherches, les nobles exhortations des penseurs de la période Edo cédaient ainsi la place aux félonies, aux traîtrises et aux carnages épouvantables du Sengoku Jidai, « l'âge des provinces en guerre ». Sous le masque terrible du Bushidô, je découvrais soudain le visage moins reluisant d'un soudard opportuniste ou d'un boucher sans remords. Et une évidence bien triviale se fit jour fidèle en cela à la loi universelle, « celui qui sert » — étymologie du mot samouraï – était d'abord au service de son propre intérêt.
A l’orée de la décennie 1460, l’empire du Japon s’apprête à connaître l’un des épisodes les plus tourmentés de son histoire : la terrible guerre d’Ônin, qui débouchera sur plus d’un siècle de chaos politique. Car l’effroyable conflit qui met à feu et à sang l’auguste capitale impériale n’est autre que le premier acte de l’époque Sengoku, celles des provinces en guerre, ou encore des « Royaumes combattants », période ainsi nommée en référence à la turbulente antiquité chinoise.
Il n’est rien de plus simple que de faire parler les morts…
Sûr de sa force, convaincu de sa supériorité. le guerrier toise les badauds d'un oeil farouche, une main ferme reposant sur la poignee de son katana glissé dans la ceinture de soie au côté du sabre court. Le hakama, jupe-pantalon, est soigneusement empesé, le chignon huilé effleure une tonsure impeccable, tandis que la veste d'étoffe légère arbore de part et d'autre d'une large poitrine le kamon - blason clanique -, valant allégeance au seigneur du château voisin. Voilà l'image, irriguée par les fresques historiques des maitres du cinéma japonais, qui vient spontanément à l'esprit lorsqu'on songe au samourai. Or, si cette représentation n'est pas dénuée de fondement, elle ne saurait refléter la foule des visages adoptés par le samourai au fil des âges.
Quant aux Shimazu, ils demeurent inébranlable, ignorant les appels réitérés de Mitsunari à engager leurs forces en ce moment où le sort peut basculer en faveur de l'armée de l'Ouest. Pis : Shimazu Yoshihiro manque de faire exécuter une enième estafette qui n'avait pas trouvé la force de descendre de cheval pour mettre un genou en terre avant de délivrer son message. Pour toute réponse, l’orgueilleux daimyô du clan Shimazu, toujours vexé d'avoir été humilié la veille lors du conseil de guerre à Ogaki, fait dire à Mitsunari que chacun doit se mêler de ses propres affaires et qu'il n'a "pas de temps à perdre à s'occuper de celles des autres, que ceux-ci se trouvent devant, derrière ou sur ses flancs".
Au-delà d’un fortin en nid d’aigle, une section de rempart non restaurée s’accroche à la falaise en grimpant au sommet de la montagne. Combien d’hommes sont morts pour bâtir ce mur-là, au pied duquel seule une chèvre oserait s’aventurer ? A ces altitudes improbables, la muraille quitte le domaine de l’architecture militaire pour celui de la déraison. Elle devient obsession compulsive de tracer des limites illusoires.