A travers la description de la vie d'un groupe de jeunes garçons homosexuels livrés à eux-mêmes, qui se retrouvent dans un parc, refuge précaire et toujours remis en cause, l'auteur trace en arrière fond le tableau de la société taïwanaise dans les années 70. Une société marquée par son histoire : de nombreux réfugiés venus du continent, suite aux guerres civiles et à la victoire communiste en Chine continentale, ont fuit à Taïwan. Ces îles considérées comme « arriérées » deviennent tout leur univers. Des ex-militaires vivent dans le souvenirs des combats, et dans la glorification de valeurs traditionnelles et viriles. Ce qui renforce sans doute le rejet impitoyables de fils qui manifestent des tendances homosexuelles. Qui n'ont donc d'autres possibilités que l'errance et la prostitution.
Bai Xianyong trace de beaux portraits de quelques uns de ces garçons, chacun avec son histoire, sa personnalité, ses rêves et spécificités. Aquig, le narrateur, marqué par l'abandon de sa mère, les duretés de son père, et la mort de son jeune frère. Petit Jade, obsédé par l'idée de retrouver son père, qui vit au Japon. Wu Min, sentimental, très attaché à un amant plus âgé qui l'a mis à la porte, et enfin Souriceau kleptomane invétéré, martyrisé par frère. Mais d'autres personnages, d'autres histoires, sont là également. L'auteur trouve un ton d'épopée, de récit mythique, pour conter les destinées des jeunes fréquentant le parc. Avant d'être des homosexuels ou prostitués, ce sont avant tout des jeunes garçons, avec les goûts et les rêves de jeunes garçons, malgré la dureté de leurs vies et leur manque de perspectives.
Nous les suivons un petit moment de leurs vies, quelques péripéties de leurs existences, avant de les quitter. Plus qu'un roman avec une intrigue, un début et une fin, c'est un ensemble de récits, de bouts d'histoires. Quelques instantanés pris sur le vif, mais qui permettent d'imaginer, de se plonger dans une atmosphère, et de vivre en empathie avec les jeunes héros du livre.
Un beau texte, sensible et intelligent.