« Il n'y a pas de guerre sans crimes de guerre » montre le premier thriller d'Éric Emeraux. Au moment où la Russie envahit l'Ukraine, le colonel Michel Granier-Rinocci dit Rhino découvre un charnier en Bosnie-Herzégovine. II est directeur de l'Office Central de Lutte contre les Crimes contre l'Humanité et les crimes de haine, en fait l'acronyme OCLCH.
À 55 ans, son héros porte des rides d'amertume, qui saillent de plus en plus, tant il devient difficile pour lui de côtoyer les horreurs des crimes les plus graves. Heureusement, il revient de trois semaines de vacances. Mais déjà ses supérieurs le mettent sur la touche pour sa trop grande liberté d'action.
Éric Emeraux entraîne son lecteur dans un domaine souvent secret et méconnu, celui de la section de gendarmerie s'occupant des crimes de guerre, notamment ceux des Balkans, qualifiés de crimes contre l'humain. Il crée un personnage, Rhino. « Comme le rhinocéros, il vit en solitaire la nuit et adore la boue, qui est sa plus grande protection contre les nuisibles. »
À partir d'un braquage, Rhino et son équipe remontent la piste d'un dangereux criminel de guerre et trafiquant notoire, Mirko Nikolić, dit Vuk, qu'il croyait pourtant mort. La poursuite s'avère difficile et contraint le gendarme à revoir ses certitudes. Il n'en réchappera pas sans dommages intimes importants.
Les crimes de guerre, notre actualité !
Avec les retours en arrière durant la guerre des Balkans, le lecteur est impressionné de confondre Bosnie et Ukraine, Serbes et Russes. Ainsi ce roman policier atypique s'inscrit dans une actualité de façon déstabilisante. La fiction a des accents de vérité. Surtout, dans la seconde partie, où s'emmêle encore l'action de Moscou, la salle du Bataclan avec une maladie congénitale, devenue signifiante.
Le style accumule les faits, les détails et les personnages comme s'il voulait être exhaustif. L'écrit se veut aussi pédagogique. Il explique les différents services, leurs procédures, leurs avancées techniques et les conséquences géopolitiques.
Cette accumulation peut en lasser certains et pourtant la quête des origines du fils de Rhino, aidée de la jeune Julie, devient rapidement le fil conducteur qui permet de suivre les nombreux rebondissements.
Une traque plutôt qu'une enquête,
Éric Emeraux ne propose pas une enquête. La découverte des éléments du braquage avec la recherche des origines induit une traque aux ramifications nombreuses et complexes.
En plaçant adroitement des extraits des journaux tenus par Rhino, il laisse entrevoir la figure humaine d'un héros, cadenassé dans l'étroitesse des ordres à suivre, des enquêtes à mener et des résultats à trouver.
Car, Éric Emeraux poursuit plusieurs objectifs. Témoigner de la bravoure et du courage de ses compagnons comme un hommage à des hommes qui s'oublient au service de la justice et de la France, mais surtout pour le respect de l'humain.
Rendre compte des exactions. La lecture en est éprouvante et incite à abandonner notre naïveté. Pendant les périodes de conflit, il semble que la violence ne connaisse aucune limite. Alors, dans ce dédale de détails, les personnages de David, et son amie Julie, apportent une fraîcheur qui sauve de la noirceur ambiante.
De façon plus concise
Ancrée dans une réflexion plus vaste sur la nature humaine et ses pires dérives, la narration d‘Éric Emeraux se concentre sur la traque d'un criminel de guerre impuni des Balkans, auquel il est intimement mêlé.
Ce roman policier inclut des citations de Rimbaud par David, la danse des prisonniers de van Gogh et fait référence au roman d'Ivo Andrić, le Pont sur la Drina.
Malgré tout,
Quand l'abîme te regarde, « alors tourne-toi vers la lumière », susurre Rhino à notre oreille parodiant une citation de Nietzche. Alors, comme le rappelle
Raymond Aron, cité par Éric Emeraux :« Peut-être la suprême vertu, en notre siècle, serait-elle de regarder en face l'inhumanité sans perdre la foi dans les hommes. » Sous le mode ludique, ce thriller nous y invite parfaitement !
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