Troisième volet sur les déboires de Bruno Fante. Après «
La tête hors de l'eau » et «
Rien dans les poches ».
Dan Fante (pulse/13E Note 2013)
Spitting of tall buildings
(Canongate US, Harper Perennial; Première édition : 2002/Reprint Édition 2009)
Bruno a quitté L.A., sans Jimmy, pour NY, où l'enchainement des petits boulots se répète, la dépression et l'alcoolisme persistent et signe entraînant le malheureux au bord de la folie. Il n'empêche qu'il continue d'écrire en parallèle une pièce de théâtre et une nouvelle (je suppute que la pièce devrait apparaître dans le recueil de 13E Note qui sera publié en mai 2014 : « Don Giovanni » suivi de « Les initiés ». Va savoir laquelle est-ce. Pour la nouvelle, ce serait une des 8 qui apparaît dans «
Régime sec » publié en avril 2009, ça se tient, car dans ce recueil, le fil conducteur est le métier de chauffeur de taxi, celui qu'exerce Bruno dans «
En crachant du haut des buildings ». Encore une fois, va savoir laquelle ? Et tout cela, sans tenir compte des autres ouvrages publiés).
William Tennessee et
Hubert Selby Jr. sont les spectres littéraires influant qui soutiennent Bruno dans cette galère.
Humilié, déçu, provocateur et provoqué, il réagit à l'extrême ou justement. Il découvre que la boisson est devenue une maladie bien réelle avec des conséquences psychiques qui expliquent ses sauts d'humeur. Ces accès de folie, ces voix qui l'incitent à agir au quart de tour, le déstabilisent et il décide de suivre un traitement - qui en plus de ses activités professionnelles diverses - pour lui permettre de rester droit. Une soupe qui lui apporte un équilibre momentané.
Tout est d'un réalisme non défiguré, une approche honnête qui touche une multitude qui ne sort pas de sa prison d'addiction en tout genre. Les rencontres de Bruno sont parfois belles et hautes en couleurs, parfois sujettes à une explosion de nerfs incontrôlable.
C'est lisse, froid, touchant, éblouissant de vérité. Pas de relation amoureuse, des habitudes sexuelles brèves ou constantes, on ressent toujours son amitié sincère quand il la donne - souvent vite reprise pour cause de non-compatibilité et de trahison.
Ce livre appartient à un ensemble qui est tout simplement une démonstration brillante d'une détermination à ne pas sombrer et de réussir là où tout semblait innaccessible.
Une boucle en partie bouclée. L'individu qui ne croit pas en lui, désespéré devient celui qui prône un conseil d'écriture qui commence comme ceci :
« le pire ennemi du romancier débutant, c'est le défaitisme. Une torture sans pareille qui vous entrave jusqu'à la paralysie » (p 199).
Et c'est exactement le sens de cette vie que Dan a raconté à travers son ego Bruno.
Se sortir de la paralysie en commençant par agiter les phalanges.
On ressent une évolution, une révolution intérieure du personnage, ses écrits progressent, il est toujours en vie, et nous permettent de lire des histoires captivantes. Quelle réussite !
La vérité pure de ses propos parle aussi au nom des oubliés, des sans-voix. Ses mots sont multitudes.
De sa voix, j'entends les cris de millions de pleurs et d'appels à l'aide.
Et pourtant, sous un air d'évidente lamentation, l'auteur nous narre une histoire hurlante de courage et de force de caractère.
Il utilise les mots pour panser les grands maux, les livres l'ont suivi, accompagné, l'ont créé, l'ont sauvé.
Il rend un hommage considérable à la littérature, pour la justesse et la qualité de ces propos ; et un autre aux écorchés, aux muets extérieurs hurlants de l'intérieur. C'est une attitude exemplaire.