Dans
une Balle perdue,
Joseph Kessel nous amène à Barcelone, en octobre 1934. Alors que l'Espagne est devenue une république, la Généralité catalane demande l'indépendance qui lui fut promise par Madrid à l'avènement de ce nouveau gouvernement. Pour forcer la décision, les dirigeants catalans fomentent une rébellion. Dans ce décor historique, nous suivons Alejandro, un jeune cireur de chaussures.
Alejandro est un idéaliste. Il croit en la beauté des idées et des sentiments. Il est affilié aux anarchistes, dont il vénère le chef local, Gurreaz. Pour Alejandro, l'anarchie est un espoir de paix pour tous, affranchissant les règles et les castes et permettant de vivre dans l'harmonie.
Alejandro sacralise également les relations amicales et amoureuses. Il est lié à Vicente, un fils de bourgeois, indépendantiste catalan, à l'inspiration politique changeante mais avec des convictions fortes pour les défendre. Il est un modèle de sérénité pour Alejandro. Il y a aussi Juan, un gitan qui joue de la guitare dans les bars de la ville, avec qui il partage une chambre sous les toits de Barcelone. Alejandro considère que Juan est comme lui. Il se contente de peu, si ce n'est du bonheur pour lui et pour celui qu'il apporte aux autres avec sa musique.
Enfin, il y a le sentiment amoureux. Chaste, Alejandro ne demeure pas moins sensible à cette Anglaise aperçue au balcon de la chambre de ce grand hôtel de la place de Catalogne. Inaccessible pour Alejandro, elle ne représente pas moins la pureté du sentiment qu'il convient de protéger en ces temps troublés.
D'abord spectateur de la rébellion catalane, Alejandro ira de désillusions en désillusions. Tout ce qu'il croyait fort et beau s'effondrera. Il s'estimera trahi par ceux en qui il voyait la force, le courage, l'optimisme, l'intérêt.
Joseph Kessel nous conte merveilleusement le parcours d'Alejandro. Ses mots ont toujours cette beauté et cette capacité de dépeindre parfaitement les traits de caractères qui peuvent nous caractériser.
Une Balle perdue n'est pas le plus connu de ses romans mais il mérite qu'on le lise.