Il y a des histoires impondérables. Celles qui traversent le temps. Celle ci en fait partie. Et elle est rare. Tout l honneur en est attribué à Corman McCarthy. Son roman, puis le film avec
Viggo Mortensen, m avaient profondément bouleversé. Une histoire imaginaire qui pourrait être demain la nôtre, et ça prend les tripes...
Il a fallu donc bien du courage et une certitude de son talent à
Larcenet pour s attaquer à une telle oeuvre. La lire et la voir filmée sont une chose. La dessiner avec toutes les contraintes inhérentes à une bande dessinée relève véritablement de la gageure.
Et de cette lecture, j en ressors ébloui...
Mon Dieu quel travail! Quel génie dans chacun de ses traits! Je me laisse aller dans mes expressions hugolienne, mais j ai rarement vu autant une oeuvre dessinée s approprier avec force, beauté, psychologie, convictions, idées, et réflexions l univers émanant d un autre créateur.
Tout est sublime. Chaque case à sa place. Sa lumière. Sa larme. l'expression des heures de travail passées.
Derrière chaque trait, on ressent tout. Il a réussi à faire passer toutes les émotions, toutes les sensations, tous les désespoirs, toutes les peurs mais aussi toutes les formes de courage que l on pourrait encore posséder dans cette situation dans chaque visage, dans chaque plan large, avec très peu de mots. Il n y en a pas besoin.
Il faut prendre le temps de scruter les dessins. de vrais "photos" brumeuses où il détaille avec minutie et imagination la misère, l abandon et une civilisation détruite et abandonnée qui nous miroite avec insolence ce que fut notre existence, celle d avant. Tout ça traversé comme un fil rouge par deux êtres qui se construisent une survie pour exprimer le plus magnifiquement possible ce lien filial qui les unit, ce lien d amour, cet espoir pas encore enseveli, qui nous avait fait Homme alors que les dernières cendres tombent sur leurs paupières de plus en plus lourdes avant qu elles ne se ferment à jamais.
Car des couleurs, il y en a peu. du noir et du gris. Toujours. l'espoir se traduit simplement avec des reflets rougeâtres propulsés par le feu bienfaisant qui apporte un Rien de chaleur. Et
Larcenet en a étudié toutes les gammes, en a maîtrisé toutes les saveurs, et derriere ses crayons, nous saisissons tout distinctement, traits fins et fluides, comme une caresse sur un sujet pourtant indocile. de l art pur.
Est-ce finalement cette histoire d un père et d un fils perdus qui magnifie tout ce qui se crée autour d elle ? d'en ce cas, oui, tout l honneur en vient à McCarthy.
Quant à Monsieur
Larcenet, vous êtes le genre d artiste génial qui mérite le plus grand des respects. Car cette BD, il a fallu la faire. Mais de là, à la réussir à ce point...