Le voyage saharien

Composé de deux textes distincts l'ensemble est une véritable anatomie de la colonisation.
Deux textes, deux claques !
Le premier, « Les plongeurs du désert » et il faut lire pour savoir, sidéré, qui sont ces plongeurs, montre comment le « romantisme du désert » a aimanté des générations d'Européens. Des grandes figures de la littérature française, Saint-Exupéry, Isabelle Eberhardt, Pierre Loti, Eugène Fromentin, André Gide, etc...ont été fascinés par le désert Saharien. Mais d'une vision sélective sur un continent en coupe réglée, dont ils n'ont, en fait, rien vu, rien dit.
Quelle claque !
«Il n'est pas certain que les colonies aient jamais procuré le pouvoir ou les revenus que leurs défenseurs espéraient et qui leur servaient à motiver les troupes. Mais dans la vie spirituelle de l'Europe, elles eurent une fonction importante», faisant ainsi office de «soupape de sécurité», et représentant un «exutoire à la cruauté et à l'arrogance qui, à l'intérieur de l'Europe, n'étaient pas tolérées». Ce romantisme du désert, Sven Lindqvist n'y est pas insensible, sans en être dupe.
Avec « Exterminez toutes ces brutes », nous sommes confrontés au processus global de la colonisation européenne. le livre se présente comme un questionnement sur son titre, qui n'est autre qu'une citation d'« Au coeur des ténèbres » de Joseph Conrad. Ce roman qui inspirera Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, raconte la folie de Kurz, qui a choisi de fonder un royaume dans la forêt du Congo de Léopold II.
Ce texte renoue les fils qui mènent d'un darwinisme dévoyé aux idéologues du nazisme, projetant ainsi un éclairage peu habituel sur les racines idéologique du génocide hitlérien. L'occupation des terres, les pillages et les massacres, tout devient réductible aux lois de la nature, le fort élimine le faible, pour le triomphe des bourreaux.
Certes, tueries et massacres ne datent pas du colonialisme mais ce qui est nouveau c'est leurs justifications idéologiques.
Les anecdotes de voyage, le journal intime, souvenirs d'enfance, scènes de vie quotidienne et des récits de rêve, questionnements du jour se mêlant à des réflexions le rendent d'autant plus envoutant, vivant : « Grand-Mère sentait. Elle sentait Grand-Mère. Une forte odeur douce-amère émanait de sa chambre et de son corps. Mère détestait cette odeur, surtout à table. Grand-Mère le savait. Elle mangeait à la cuisine ».
Sans compter les accents prophétiques de ce texte écrits en 1992.
Re-claque !
Certes pas une lecture de vacances.
Ses mercenaires sont encore dans certains imaginaires, mais la Suède a toujours ses francs-tireurs, tel l'auteur de cet ouvrage.
A la lecture on comprendra pourquoi ces textes ont été peu diffusés en dehors de la Suède. le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils sont très inconfortables.