« La rivière scintille au clair de lune. Elle paraît immobile, avoir été là de tout temps avec ces ombres de bisons projetés sur les herbes aux reflets d'argent, comme autrefois, offrant une vision du paradis aussi proche que possible de celle que les arrière-arrière-grands-pères d'Harold ont toujours connue. Sauf que la rivière bouge en réalité, elle n'a jamais cessé de couler, et Harold sait que viendra un jour où les bisons descendront le courant vers leur passé, vers leur avenir incertain. »
Dans ce cinquième tome des enquêtes de Martha Ettinger et Sean Stranahan,
Keith McCafferty construit son intrigue autour de la question de la préservation des bisons d'Amérique.
Exterminés lors de la Conquête de l'Ouest (on estime que leur nombre est passé en quelques années de soixante millions d'individus à juste quelques centaines), ils font l'objet aujourd'hui de programmes de conservation. Confinés dans certains parcs nationaux, ils sont pourtant encore loin d'avoir pu reprendre possession des grandes plaines américaines, dans lesquelles autrefois ils se déplaçaient en troupeaux immenses.
Leur réintroduction dans ces plaines est pourtant un enjeu écologique majeur, tant les bisons jouent un rôle essentiel dans la préservation de l'écosystème.
Un sujet qui compte visiblement beaucoup pour
Keith McCafferty, en témoigne sa postface :
« En ce qui concerne mon désir de rester neutre quant à la situation critique des bisons – des animaux qui jadis parcouraient librement le continent par dizaine de millions, et qui de nos jours ne sont plus que quelques milliers de têtes et sont généralement traités comme du bétail indiscipliné qui doit être enfermé à l'intérieur de clôturés puis envoyé à l'abattoir –, j'admets que j'ai échoué ».
Harold Little Feather, adjoint et amant occasionnel de Martha Ettinger, doit enquêter sur une scène de crime aussi horrible qu'étrange. Un troupeau de bisons semble s'être mystérieusement jeté dans le vide. Certains d'entre eux sont morts dans la chute, pour les autres Harold est obligé d'abréger leurs souffrances. L'affaire se complique quand le corps d'un amérindien est retrouvé à proximité.
Sean Stranahan, guide de pêche, peintre et accessoirement détective privé est engagé pour retrouver un homme. Comme on peut s'en douter, les deux affaires vont finir par se rejoindre et révéler leurs secrets.
Keith McCafferty, comme beaucoup de ses collègues écrivains du Montana, prend grand soin de nous faire le tableau majestueux de la nature qui l'entoure. Des descriptions nombreuses, dans lequel le souci du détail de l'auteur est manifeste, et qui permettent une totale immersion dans cette vallée de la Madison. le nature-writing dans toute sa splendeur avec une attention toute particulière à la pêche, métier et passe-temps de Sean.
« Quand on accepte une enquête, on se trouve ni au début ni à la fin de la rivière, mais quelque part entre les deux, et on ignore dans quelle direction démarrer. Donc, on finit par marcher dans les deux sens jusqu'à ce qu'on saisisse mieux la géographie des lieux. On bouge jusqu'à ce qu'on sache où foncer précisément. »
J'avais trouvé l'équilibre enquête / nature-writing plus réussi dans les précédents romans. Ici, l'enquête est un peu longue à se mettre en place, et finalement pas très prenante. On sent que le sujet des bisons prend le pas sur le récit, ce qui peut donner l'impression de quelques longueurs dans l'histoire.
Trois ans se sont écoulés entre la parution de ce livre et le tome précédent (« le baiser des Crazy Mountains »), j'ai donc mis aussi mis un peu de temps à retrouver mes marques avec tous les personnages secondaires et récurrents de la série.
J'aime bien la personnalité de Sean Stranahan. Calme, empathique, n'hésitant pas à se remettre en question, et qui change donc un peu des stéréotypes habituels d'enquêteurs. En revanche, je trouve que les relations entre les personnages se complexifient inutilement entre chaque tome et n'apportent finalement pas grand-chose au récit.
Véritable plaidoyer pour la sauvegarde du bison, «
Buffalo Blues » n'est pas le plus réussi des romans de
Keith McCafferty, mais je me suis attachée à cette série, je lirai donc certainement le prochain (en espérant que Gallmeister ne nous fasse pas de nouveau attendre trois ans).