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EAN : 9782020093415
246 pages
Seuil (01/10/1986)
4.08/5   6 notes
Résumé :
Présentation de l'éditeur
Joseph Roth tenait tout particulièrement aux deux essais ici réunis. Inventaire poétique et lucide d'un univers que l'écrivain savait menacé, celui des bourgades juives d'Europe centrale et orientale, Juifs en errance analyse les raisons de sa lente désagrégation : la pauvreté qui pousse les habitants du shtetl à l'exode, la tentation de l'assimilation, le rêve sioniste.

En véritable passeur de culture, le juif assimi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Sans vouloir manquer de respect aux deux géants de la littérature autrichienne, bien au contraire, car j'admire ét Stefan Zweig ét Joseph Roth, en parcourant la bibliothèque de Babelio, il y a une publicité hollandaise qui me vient spontanément en mémoire : "La Hollande, l'autre pays du fromage. ..", faisant allusion à la production fromagère française au-dessus de toute concurrence sérieuse.
Toutes proportions gardées, bien entendu, c'est un peu l'impression que j'ai en visitant des sites litteraires français sur le net : Zweig bénéficie d'une popularité, trois quarts de siècle après sa mort tragique, qui doit rendre jaloux la plupart des grands auteurs contemporains, tandis que Roth fait plutôt figure de parent pauvre. Pour reprendre ma comparaison, probablement indigne et je m'en excuse, la différence entre le fromage 'numéro uno' et l'ersatz des Pays-Bas.

Pourtant Stefan Zweig a dit et écrit que Joseph Roth était, comme auteur, supérieur à lui. J'ai revérifiė mon livre de leur abondante correspondance et il en ressort clairement que tel était bien ce qu'il ressentait face à l'oeuvre de Roth. S'il l'avait dit qu'une seule et unique fois, on aurait pu conclure que Zweig, un grand seigneur et en plus foncièrement aimable, avait dit cela pour faire plaisir ou pour encourager ce petit juif 'en errance' de l'Est au début de sa carrière fulgurante de journaliste et écrivain, et de 13 ans son junior. Mais non, c'était clairement ce qu'il pensait. Je ne suis, malheureusement, pas assez qualifié pour ne fût-ce que même essayer d' en expliquer la ou les raisons profondes.

Ce que je puisse avancer, néanmoins, est que Roth avait un style qui le rendait unique. Une façon bien à lui de caractériser une situation ou un personnage avec une économie de vocabulaire qui nous laisse perplexe d'admiration. Contrairement à la plupart des auteurs en allemand de son époque, qui affectionnaient les longues phrases alambiquées, lui, il préférait le mot précis et la phrase courte. Un art et un artiste donc. L'inconvénient de cet art se situe au niveau de la traduction. Sans être interprète ou traducteur professionnel, il m'est arrivé très souvent, en tant qu'administrateur au Parlement européen, d'avoir à 'jouer' l'interprète pour ces messieurs dames membres du PE, et je peux vous assurer que la traduction de phrases courtes et précises était de très loin le plus difficile. Peut-être que cette réalité explique, au moins en partie, la grande différence de popularité entre ces deux grands maîtres autrichiens en France ?

Demain dimanche, cet ouvrage figure à l'ordre du jour d'une réunion du Goethe Club de lecteurs de littérature allemande d'Ostende et je sais que je serai face à une trentaine d'inconditionnels de Roth, y compris mon épouse, qui a l'excuse d'être aussi de l'Est et originaire du même pays que l'auteur, l'actuelle Ukraine, bien que des centaines de kilomètres plus au Sud de la ville de Brody, où est né Roth en 1894, à savoir, Odessa à la mer Noire.

L'ouvrage ne se laisse pas résumer, pour la simple raison que Joseph Roth y relate les difficultés d'acceptation, d'intégration et tout bonnement de vie des pauvres juifs de l'Est qui fuyaient misère et pogroms en s'établissant en Europe occidentale. Un sujet d'actualité si l'on remplace juifs de l'Est, par Syriens et Irakiens. le traitement qui leur était réservé par nos autorités et populations, qui les considéraient comme des citoyens de deuxième zone : pauvres, sales, mal éduqués, aux langages, rites et habitudes incompréhensibles n'est pas une page glorieuse. De l'autre côté il y avait, comme l'auteur indique, la perte, en quittant leur terre natale, de leur culture millénaire, leur cohésion sociale, la richesse et profondeur de leurs conceptions religieuses et autres.

S'il est vrai que leur adaptation à la vie occidentale n'était pas simple et qu'il y a eu des réactions d'hostilité et de rejet de la part des occidentaux, je trouve que Roth assombri quelque peu le tableau en généralisant ces réactions. Je veux dire que les réactions des occidentaux n'étaient pas pareilles partout. Il y a eu des coins en Europe occidentale ou leur venue, sans être pour autant recueilli avec enthousiasme, a été caractérisée par curiosité, voire admiration pour leurs qualités artisanales dans nombre de métiers, comme dans les secteurs de l'habillement, des chaussures etc. A titre d'exemple j'aimerais citer le cas de certains villages en Lorraine, près de la frontière avec l'Allemagne et le Luxembourg, où leur insertion à la vie s'est effectuée sans trop de problèmes. À la fin des années '70, j'ai fait le tour de ces villages - dont est originaire la talentueuse Patricia Kaas - et d'en avoir discuté avec des personnes d'un certain âge dans des petits cafés et d'entendre un tout autre son de cloche. Sans disposer de statistiques précises, une simple visite aux cimetières de cette région m'a convaincu en relevant que les noms comme Lévy, Cohen, Rosenblum, Rosencrantz...y étaient arrivés en nombre important. Cette réalité contredit, en somme, la théorie qui veut que dès que l'apport étranger atteint une certaine ampleur, il résulte fatalement dans des réactions de rejet et d'hostilité.

Il est évident que Joseph Roth en a su beaucoup plus que moi je pourrais jamais esperer à en savoir et quand bien même que ce coin un peu reculé de Lorraine constitue une heureuse exception à la règle générale, je n'ai pas pu m'empêcher d'en faire mention.

Bien que personnellement je préfère les romans de Joseph Roth, que j'ai presque tous lu, je recommande vivement cet ouvrage qui en V,O. ne compte même pas 150 pages. Et comme lecture complémentaire sur ce sujet les même pas 100 pages de 'L'état Juif' de Theodor Herzl, fondateur du Sionisme et autrichien comme Roth. Ce qui est remarquable, c'est que le diagnostic des malheurs des juifs de l'Est en Occident, de ces deux est très similaire. Seulement leur conclusion est différente, car Joseph Roth n'a jamais été sioniste, malgré sa longue 'errance' forcée.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Préface de la nouvelle édition

Dans son désir d'atteindre cette terrasse où les aristocrates, les industriels chrétiens et les financiers juifs étaient enclins, dans certaines circonstances, à concéder que tous les hommes sont égaux et proclamaient cette égalité avec tant d'insistance que tout être doué de sensibilité aurait pu aisément comprendre qu'ils soulignaient en fait les inégalités, le juif allemand jetait bien vide une aumône à son coreligionnaire pour ne pas être entravé dans son ascension. Donner une aumône à un étranger est la forme la plus injurieuse de l'hospitalité, mais c'est malgré tout et encore de l'hospitalité. Il y eut cependant bien des juifs allemands (l'un de leurs représentants expie aujourd'hui dans un camp de concentration) pour s'imaginer que, sans l'afflux des juifs de l'Est, tout aurait nagé dans le beurre, au pis-aller dans la margarine allemande, et qui allaient jusqu'à exciter de vulgaires sbires contre l'étranger sans défense, comme on excite les chiens contre les vagabonds. Mais, lorsque le sbire arriva au pouvoir, lorsque le portier occupa les "appartements bourgeois" et détacha la chaîne de tous les chiens, le juif allemand comprit qu'il était encore plus apatride, encore plus seul au monde que, quelques années auparavant, son cousin de Lodz. Il était devenu orgueilleux. Il avait perdu le Dieu de ses pères et acquis une idole, le progrès civilisateur. Mais Dieu, lui, ne l'avait pas oublié. Et il l'envoya en errance, un triste sort qui convient aux juifs, comme aux autres hommes. Afin qu'ils n'oublient pas que rien n'est constant en ce monde, pas même la patrie et que notre vie est brève, plus brève encore que celle des éléphants, des crocodiles et des corbeaux. Même les perroquets nous survivent.
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Préface de la nouvelle édition

Lorsque, il y a bien des années, j'écrivis ce livre que je voudrais présenter aujourd'hui au lecteur sous une version remaniée, des problèmes aigus ne se posaient pas encore pour les juifs d'Europe de l'Ouest. A cette époque, il s'agissait seulement de faire comprendre le malheur des juifs de l'Est aux juifs et non-juifs d'Europe de l'Ouest, et cela surtout dans un pays aux possibilités illimitées, à savoir l'Allemagne, et non l'Amérique. Il y avait là, comme partout, un antisémitisme latent. Dans un effort compréhensible pour ne pas en tenir compte ou ne pas le voir, dans ce tragique aveuglement qui, chez beaucoup de juifs d'Europe de l'Ouest, chez la plupart d'entre eux, semble se substituer à la foi perdue ou affadie de leurs pères et que j'appellerai la fois superstitieuse dans le progrès, les juifs allemands, malgré toutes sortes de symptômes antisémites inquiétants, se sentaient allemands à part entière; dans le meilleur des cas, juifs allemands les jours de grande fête religieuse. Certains d'entre eux étaient malheureusement tentés de rendre les juifs de l'Est émigrés en Allemagne responsables des manifestations de l'instinct antisémite. On néglige souvent le fait que les juifs eux aussi peuvent éprouver des instincts antisémites. On ne veut pas qu'un étranger arrivé de Lodz vous rappelle votre propre grand-père originaire de Posen ou de Katowice. C'est l'attitude ignoble, mais compréhensible, du petit-bourgeois menacé qui est sur le point d'escalader l'échelle passablement raide qui conduit à la terrasse de la grande bourgeoisie d'où l'on jouit de l'air pur et du panorama. A la vue du cousin de Lodz, on peut facilement perdre l'équilibre et tomber dans le vide.
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Videos de Joseph Roth (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Joseph Roth
Après avoir parcouru l'Ukraine pour y exhumer les grandes mémoires enfouies de l'autre Europe, Marc Sagnol y est retourné au milieu des bombardements pour en contempler les ruines.
Les images et les mots, comme une invitation au voyage, nous plongent dans des mondes évanouis, sur les traces des grands penseurs d'autrefois. Avec lui, on arpente la terre noire de l'Est à travers villes et villages, aux côtés De Balzac, de Joseph Roth en Galicie et Bucovine, de Leopold von Sacher-Masoch à Lemberg-Lviv, de Paul Celan à Czernowitz…
C'est en connaisseur de la philosophie et de la littérature que Marc Sagnol traverse les « terres de sang » abîmées par tous les chaos. Terres qui furent celles de la plus haute civilisation et des plus grands malheurs. Quelle fut la culture juive, jadis florissante en ces lieux, et qu'en a-t-il été de sa disparition dans la Shoah ? Qu'est-il advenu de ces mondes révolus ? Comment penser la tragédie d'hier au regard du drame d'aujourd'hui ? Une plongée dans les siècles pour dire que notre destin se joue d'abord là-bas. Actuelle parce que inactuelle, une grande fresque littéraire. Un récit d'exception.
Germaniste, philosophe, Marc Sagnol est l'auteur de nombreux ouvrages dont Tragique et tristesse. Walter Benjamin, archéologue de la modernité, primé par l'Académie française, ainsi que d'un film sur Paul Celan, Les eaux du Boug.
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