Deux Ans, Huit Mois et Vingt-Huit Nuits

J'avais écrit ici, il y a longtemps, que La Terre sous ses pieds était le seul roman raté de Salman Rushdie. Pourtant, ici, il a fait bien pire, malheureusement.
Un auteur ne peut pas réussir dans tous les genres, et sa tentative de s'approprier une sorte d'univers à la Marvel Comics tombe à plat.
Les personnes sont à peine esquissés que, déjà, on les quitte pour passer à d'autres. Et à la fin tout le monde se retrouve pour le grand combat du bien contre le mal dont, franchement, on se fiche un peu, car on n'a réellement eu le temps de s'attacher à aucun d'eux.
Ça reste Salman Rushdie, bien sûr, et quelques passages (trop peu) sont marqués de la patte de l'auteur des Enfants de Minuit.
Avec cela, c'est traduit à la va-vite (aucun effort pour retraduire en français les surnoms des personnages, fautes de grammaire pas toutes intentionnelles...).
Décevant.

Je partais séduite par l'idée d'un travail autour des contes des mille et une nuits et de leur univers. Seulement, même si j'ai aimé voir toutes les pistes lancées au début s'imbriquer, je suis déçue à différents points de vue. Il n'y a pas vraiment de sériation, plutôt une énumération de ce qui m'a désappointée.
J'ai regretté que le monde de jinns soit si semblable, en fait, à celui des humains: peu ou prou même enjeux, même mode de vie (avec plus de sexe toutefois, on l'aura compris), même sexualité.
Cela m'amène justement à la sexualité : je trouve dommage ces enjeux pas très bien gérés autour de la grève du sexe, l'étroitesse d'esprit des jinns prétendue n'est pas tant expliquée et débatue. Cela peut-être un fait mais je pense qu'il fallait l'amener plus tôt à mon sens. Enfin, il y a un argumentaire assez nauséabond sur le fait que cette grève mènerait à la violence accrue des jinns car insatisfaits... Comment dire... moi ça me pose énormément problème que cette pensée soit présentée ainsi comme allant de soi et non débattue.
Il y a des problèmes de cohérence de l'univers avec les jinns qui ne naîtraient ou mourraient jamais, n'engendreraient pas et on nous parle après de filles, filiation en général etc. Quand c'est si au coeur de l'intrigue du roman, il ne s'agit pas d'un détail.
Le plus gros problème c'est tout de même le manque de subtilité flagrant du roman. Alors que les contes se basent sur le symbole et laissent beaucoup de travail d'interprétation au lecteur/ auditeur. Ce qui fait leur puissance et leur intemporalité, justement. Ici, tout est décortiqué de façon assez grossière à mon goût par l'auteur lui-même au fil de son ouvrage. Je n'en comprend pas du tout l'intérêt de la démarche.
Bref, de belles idées de départ et des intrigues qui s'entremêlent très bien mais avec des choix, tous liés au scénario, dont je ne comprend pas l'intérêt ou la démarche globale.