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Juliette Aubert-Affholder (Traducteur)
EAN : 9782330187033
Actes Sud (07/02/2024)
3.95/5   10 notes
Résumé :
Tout commence en 1985 en RDA lorsque Clara achète une petite maison délabrée à Machandel, un village de Poméranie Occidentale. Dans cette chaumière, devenue le refuge familial, Clara découvre, en grattant le papier peint des murs, de vieux journaux qui la plongent pas à pas dans l'histoire de la maison et de ses habitants. Se déploie alors un vaste roman polyphonique qui retrace tout un pan de l'histoire allemande.
De la Seconde Guerre mondiale, en passant pa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« le chant du Genévrier » est un roman de Regina Scheer, traduit de l'allemand par Juliette Aubert-Affholder (2024, Actes Sud, 400 p.).
En 1985, Clara achète une petite maison délabrée à Machandel, un village de Poméranie Occidentale situé en RDA. Dans cette chaumière, Clara gratte le papier-peint des murs et découvre de vieux journaux qui rapportent l'histoire de la maison et de ses habitants. En fait, cela retrace toute l'histoire allemande de la Seconde Guerre mondiale, à la chute du Mur. « Tout est vrai, mais les choses ne se sont pas passées ainsi. Les lieux et les événements, excepté les faits historiques, sont fictifs. de même que les personnages, bien que certains noms aient existé ».
De fait, les choses ne sont pas aussi linéaires que cela, loin de là. Tout d'abord Machandel qui se traduit de l'allemand, ou plutôt du dialecte poméranien, Machandelboom par genévrier, ce qui explicite le titre. Cet arbre, appelé aussi Poivre du pauvre, est un conifère du genre des cyprès, aux aiguilles piquantes. Ses baies noires sont utilisées telles quelles dans la choucroute, mais distillées fournissent le gin. Encore est- il qu'il devient rare de trouver de nos jours du gin fait avec uniquement des baies de genièvre. « Même le genévrier qui a donné son nom au village avait plusieurs noms. Ils l'appelaient genièvre ou cade, juniperus ou sabinier. J'ai aussi entendu cèdre piquant ou petit cèdre, gracil ou grassi, le vieux pasteur l'appelant jnâvre. Les réfugiés de l'Est arrivés au village en 1945 apportèrent leurs propres mots pour désigner ce qu'ils trouvèrent sur place. Les Volhyniens le surnommaient buisson à encens, voire arbre de feu. le vieux Wilhelm l'appelait poivre du pauvre ».
Sa localité fictive du Mecklembourg, avec sa chapelle et ses maisons à colombages, est percutée en plein par les grands événements du XXe siècle. Et le point culminant est ce chaos de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des flux de populations harassées traversent la localité depuis l'Est, certains s'y installent : déportés, travailleurs forcés, réfugiés allemands fuyant l'Armée rouge
Ensuite, le genévrier fait de toutes évidence référence au conte des Frères Grimm en dialecte poméranien « von dem Machandelboom », publié dans le premier volume de « Contes de l'enfance et du foyer » (Kinder- und Hausmärchen, ou KHM, 1812). On trouve aussi dans ce volume « le Petit Chaperon rouge », « Blanche Neige », « La Mort de la petite poule » et « Jean la chance ». le tout a été regroupé en un seul volume (2017, José Corti, 1188 p.). Dans ce conte, l'histoire de deux enfants dont l'un devient le souffre-douleur de leur marâtre. Qui le tue et l'enterre au pied d'un genévrier. Il se métamorphose en oiseau au chant envoûtant. « Ma mère m'a tué; / Mon père m'a mangé; / Ma soeurette Marlène / A pris bien de la peine / Pour recueillir mes os jetés / Dessous la table, et les nouer / Dans son foulard de soie / Qu'elle a porté sous le genévrier. / kywitt, kywitt, bel oiseau que je suis ! »
La relation devient évidente lorsque l'on apprend que Clara fait une thèse sur les contes du nord de l'Allemagne. La soeur Marlène, du conte de fées récupère les ossements de son frère assassiné et pour se souvenir de lui les enterre sous le genévrier. Dans le roman, Clara déterre les souvenirs de Marlène, disparue dans le village.
Trois générations qui restent marquées dans leur chair, entre les marches de la mort et les marches pour la paix suivies des « manifestations du lundi » quarante-cinq ans plus tard.
Pour ne pas faciliter les choses, le roman s'ouvre sur une femme Clara, qui court « à travers les champs moissonnés jusqu'à l'église de Klabow » tout ceci pare que « les propriétaires de l'hôtel ont fait restaurer le vieil ange de bois joufflu ». Elle voulait le voir. « le restaurateur a scellé les trous de ver, maintenant l'ange ressemble à ce qu'il aurait pu être il y a deux cents ans, gros et aux joues rouges, heureux au premier regard, mais ensuite on voit les yeux écarquillés, la petite bouche ouverte comme pour crier et vous demandez "Qu'est-ce que l'ange a vu ? Que lui est-il arrivé ? ». Surprenant début. Surtout si on n'a pas la clé. de fait c'est une référence au célèbre « Ange de l'histoire » de Walter Benjamin. Il faut alors se replonger dans « Thèses sur le concept d'histoire, IX », (2013, Gallimard, 208 p.).
Au printemps 1940, quelques mois avant de se suicider, Walter Benjamin rédige une suite d'aphorismes denses et étincelants, au centre desquels rayonne « Angelus Novus », le tableau de Klee, que le philosophe associe à l'« Ange de l'Histoire ». Walter Benjamin continue son aphorisme. « Il existe une photo de Klee intitulée Angelus Novus. Il représente un ange qui semble sur le point de s'éloigner de quelque chose qu'il regarde. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche est ouverte et ses ailes sont déployées. L'ange de l'histoire doit ressembler à ceci. Il a tourné son visage vers le passé. Là où une chaîne d'événements se présente à nous, il voit une catastrophe unique qui accumule continuellement des décombres et les jette à ses pieds. Il voudrait s'attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été brisé. Mais une tempête souffle du Paradis, qui est pris dans ses ailes et est si fort que l'ange ne peut plus les fermer. Cette tempête le pousse inexorablement vers le futur, auquel il tourne le dos tandis que le tas de décombres devant lui grandit vers le ciel. Ce que nous appelons le progrès, c'est cette tempête ». Voilà, tout est dit « une catastrophe unique qui accumule continuellement des décombres ».
Après cette introduction, on peut passer à l'histoire de Clara. C'est une jeune doctorante berlinoise héroïne de cette histoire, décide au milieu des années 1980 de restaurer une vieille chaumière à Machandel pour y passer les vacances avec son mari Michael et ses deux filles. « Nous creusons souvent sans savoir ce que nous mettons au jour, il arrive que le passé étouffe le présent ».
Le roman est découpé en cinq parties et 25 chapitres, au cours desquels trois narratrices et deux narrateurs donneront leur point de vue. le personnage le plus important est Clara, qui s'exprime dans un chapitre sur deux. Les autres protagonistes alternent comme Natalia en début de roman, et Herbert en fin. Au milieu on aura l'avis de Emma et de Hans.
Une liste de personnages avec de courtes biographies à la fin du roman peut aider. Un site https://www.dieterwunderlich.de/scheer-machandel.htm propose même un arbre généalogique des relations, souvent complexes entre les personnages. Je dois reconnaitre que l'on s'y perd entre les générations.
Globalement, donc cinq personnages. Tout commence en 1941, la baronne veuve, qui dirige le château de Machandel cherchait une aide pour le ménage. Utilisant les travailleurs forcés sur place, elle choisit Natalia, une orpheline biélorusse de 16 ans, originaire de Smolensk. Trois ans plus tard, Natalia tombe amoureuse de Grigory Lazarov, un prisonnier de guerre ukrainien de Kharkov de sept ans son aîné. C'est un peu la mémoire du château. Elle fait partie de ces personnes au destin frappé par deux dictatures : la stalinienne puis l'hitlérienne. Adolescente, la fille de Smolensk voit ses parents emmenés de nuit par le KGB. Deux ans plus tard elle est raflée pour être envoyée comme travailleuse forcée en Allemagne. «Budj silnoi», lui avait lancé sa mère lors de sa propre arrestation. « Juste ces deux mots. Je me les suis répétés sans cesse, ma vie durant. Quand c'était difficile, je fermais les yeux et je revoyais le visage de maman : Sois forte ».
Hans Langner, outilleur berlinois s'installe au début de 1927 chez Hertie Else, son grand amour, qui avait quatre ans de plus que lui. Hans devient chef du bureau de nutrition de Güstrow et participe à la réforme agraire à l'automne 1945 et devient ministre du travail. Né en janvier 1946 dans l'ancien domaine de Machandel et y a grandi avec sa grand-mère Waltraut et son partenaire. Avec sa femme Johanna, ils sont les parents directs de Clara. Après l'effondrement de la RDA, Hans, toujours resté silencieux, se perd presque uniquement dans ses souvenirs. Parmi ceux-ci, celui de Johannna. « Je lui ai dit que nous construirions une nouvelle Allemagne, sans nazis, sans camps de concentration, sans propriétaires fonciers et pour toujours sans soldats allemands. Je lui ai promis qu'elle pourrait étudier dans cette nouvelle Allemagne. Je lui ai expliqué ce que nous, les communistes, voulons et cela lui paraissait logique ».
Herbert Ahrens est historien contraint d'abandonner son poste, il devient concierge, et adhère au Mouvement pour la Paix. C'est le père de Marlène, dont le prénom fait référence au conte des frères Grimm.
Emma Peters a survécu aux bombardements de Hambourg en 1943. Réfugiée à Machandel, elle ‘occupe des enfants orphelins.
Parmi la brochette d'autres personnages on trouve
Arthur, facteur d'archet de violon de 39 ans, originaire de Königsberg, qui a récemment été emprisonné pendant quelques mois dans le camp polonais de Lambinowice. A Machandel, il devient le partenaire de Hebert, en tant que petit-fils de Waltraut, donc de Jans le frère de Clara. Il ouvre un atelier d'archet à Machandel, puis il partira au Brésil à la recherche de bois de Pernambouc pour faire des archets. C'est un personnage spécial, plongé dans son monde de la lutherie. Il s'implique également dans la théologie de la libération.
Wilhelm Stüwe, l'un des surveillants du stalag Fünfeichen. Il dénonce Marlene comme malade mentale, faute de pouvoir la posséder comme il en a l'habitude avec les autres femmes.
Clara essaie donc de reconstruire l'histoire de la maison qu'elle a acheté à Machandel. Cela peut-être à propos de vieux journaux, ou du papier peint arraché des murs, qui recouvre aussi des journaux. Les contes anciens sur lesquels travaille Clara voisinent avec les photos retrouvées, ou une pierre dans un tiroir. le puzzle que Clara essaie d'assembler en évoque un autre, celui des 27 000 fragments à reconstituer retrouvés dans les sous-sols du musée de Pergame, où elle trouvé un autre centre d'intérêt. Cette reconstitution a son tour en suggère métaphoriquement une troisième qui est le classement en cours des archives déclassées de la Stasi.
D'un chapitre à l'autre, les principaux témoins prennent donc tour à tour la parole, en alternance avec Clara. Les quatre personnages clefs, arrivés dans les lieux à des moments différents, détiennent chacun une partie des réponses aux questions.
La mémoire du village, c'est Natalia, venue de Smolensk comme travailleuse forcée, restée après la guerre avec Lena, « la muette », la fille qu'elle a eue d'un prisonnier russe. Emma enfin, arrivée de Hambourg après le bombardement de l'été 1943, en sait beaucoup elle aussi, tout comme son compagnon Arthur, « l'archetier », qui a initié Jan aux mystères du bois de pernambouc dont sont faits les archets : un arbre qui, étrangement, pousse au Brésil, là où se perd la trace du frère de Clara.
Mais il faut d'abord venir à bout de leurs réticences, puisque beaucoup ont choisi, non d'oublier, mais de ne pas parler. « Je ne me fie qu'aux personnes avec lesquelles je peux me taire », dit Hans Langner, le père de Clara.
Bien placé pour tenir ce genre de propos, car militant communiste de la première heure, il est arrivé mourant au village dans les dernières semaines de la guerre, et a épousé la jeune femme qui l'a soigné avant de devenir un responsable politique important de la RDA. Cependant, est-il pour quelque chose dans l'expulsion de son fils Jan, frère aîné de Clara né à Machandel ? L'ombre de ce grand absent, photographe dont on est sans nouvelles, plane sur le roman : Herbert, son ami de jeunesse, pourra révéler à Clara bien des détails qu'elle ignore.
Au cours de l'été 1985, Clara et sa famille ont accompagné son frère Jan, né à Machandel en 1946. Clara et Michael décident de louer une bergerie délabrée comme résidence d'été. C'est le Kate où Marlene Peters a grandi avec ses frères et soeurs. Avec l'aide d'amis d'un cercle de paix, Clara et Michael rénovent le bâtiment vieux d'un siècle et demi. Début août, Clara déménage à Machandel avec ses enfants. Elle veut s'éloigner du socialisme réel de Berlin-Est pour s'installer à Machandel et y travailler sa thèse.
Le maire Uwe Schaumack conseille finalement à Clara et Michael d'acheter le chalet avant que cela ne soit plus possible en raison de nouvelles réglementations qui feraient résilier le contrat de location. La Stasi n'aime pas queles de citadins vivent à la campagne sans connexion téléphonique, et donc difficiles à surveiller.
Le 8 octobre 1989, Michael, co-fondateur du mouvement Réveil Démocratique, faisait partie des manifestants traînés par la police populaire devant l'église de Gethsémani dans le quartier de Prenzlauer Berg, à Berlin. La statue du « Christ bénissant »", qui était à proximité du a été détruite à l'explosif afin de dégager l'espace le long du Mur de Berlin. « Nous laissions souvent les enfants seuls le soir et allions à nos réunions et consultations, presque jamais ensemble. Pendant un court laps de temps, quelques semaines qui, rétrospectivement, paraissent des années, tout était en mouvement, tout semblait possible. [...] Cela ne pouvait pas rester ainsi, tout le monde était d'accord là-dessus, mais les idées sur ce qui devait arriver étaient très différentes. En cet automne 89, nous avions à peine le temps d'aller à Machandel, les événements allaient trop vite. Étions-nous ceux qui les poussaient ou étions-nous ceux qui les poussaient ? ».
Le soir du 9 novembre 1989, Clara remarqua à Berlin-Est qu'il y avait beaucoup de monde se dirigeant vers l'ouest. Des rumeurs courent selon lesquelles la frontière est ouverte, mais Clara n'arrive pas à y croire. A la télévision, elle voit à Wedding des citoyens de la RDA brandissant des bouteilles de champagne et criant « folie ».
« Voilà, c'est ce qu'ils ont trouvé contre nous […]. Ils ont ouvert la valve pour que la pression ne les entraîne pas. Désormais, les gens voudront l'Occident et non une autre RDA ».
Peu avant la réunification, deux inspecteurs visitent l'ancien domaine de Machandel au nom des héritiers de la baronne, sous prétexte de réforme agraire. le domaine est venu et le château transformé en hôtel. Mais de jeunes familles s'installent à Machandel. Grâce à son amie Ruth, Clara rencontre l'archéologue Andreas, qui travaille sur les 27 000 morceaux de roche stockés dans les sous-sols du musée de Pergame. Il la recrute comme preneuse de notes. Carla associe le travail de l'équipe au conte de fées du Machandelboom, dans lequel Marleenken récupère les os de son frère. Et c'est le retour à l'ange restauré qui ouvre le roman. « Les siècles se confondent parfois ».
Entre temps, il y a cette ballade en vélo avec Julia qui entend « un oiseau qui chantait comme Beethoven dans la symphonie que nous avions en disque à la maison. « di-di-di-dah, di-di-di-dah », imita-t-t-elle ». L'oiseau, « c'était un ortolan dont le chant ressemblait vraiment à l'ouverture de la Cinquième symphonie ». L'arbre, c‘est un grand chêne solitaire et non pas un genévrier. Qu'est alors devenu Jan, le frère disparu de Clara, qui a quitté la RDA et dont Clara est à la recherche.
La métaphore de la mort et du champ de fleurs revient plusieurs fois. « Dès le premier été, j'ai cherché la sépulture de ma grand-mère, sa tombe était déjà érodée et envahie par le lierre. Une pervenche étendait sa floraison mauve jusque sur le chemin. La pervenche, c'est Natalia qui l'avait plantée, elle s'occupait aussi des tombes anonymes le long du mur du cimetière, on dit que les Russes et le Polonais battu à mort reposent là. Ainsi que des réfugiés allemands morts en 1945, peu après leur arrivée au château. Natalia avait ramassé des cailloux pour entourer les tombes. Maintenant elle a la sienne juste à côté, sous des tournesols ».
Le problème du roman, en fait qui n'est pas vraiment un problème, est l'enchevêtrement des personnages et des générations. On s'y perd un peu au début malgré les notes bibliographiques en fin du livre (4 pages). le mieux serait de reconstruire les liens entre qui est qui de façon à suivre l'évolution des gens. Se superposent à ces vies les histoires qu'ils ont vécu, leur vie quotidienne, et les désagréments qu'ils ont subi de par les voisins ou l'administration, avec en toile de fond l'oeil et l'oreille de la Stasi. Au total, c'est peut-être le livre le plus poignant de cette demi-douzaine d'ouvrages sur le sujet.

Hasard des sorties d'édition. Changements à travers une petite douzaine de livres romancés souvent. Il convient non pas d'en faire une synthèse, mais de mettre en parallèle ou en opposition leurs points de vue. On trouvera les commentaires respectifs sous chaque titre.

« le Temps des Loups. L'Allemagne et les Allemands (1945-1955) » de Harald Jähner, expose la situation de l'Allemagne à la sortie de la guerre. L'essai est traduit de « Wolfszeit und die Deutschen Deutschland 1945-1955 » par Olivier Mannoni, (2024, Actes Sud, 362 p.). Livre essentiel pour ce pays et ses voisins, vu de par les habitants. Texte très factuel qui présente un aspect technique de la situation en Allemagne, « l'heure zéro » du pays.
Un texte prémonitoire de 1940. « Thèses sur le concept d'histoire, IX » (2013, Gallimard, 208 p.) d'après « Über den Begriff der Geschichte, IX », Au printemps 1940, quelques mois avant de se suicider, Walter Benjamin rédige une suite d'aphorismes dense
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Le chant du Genévrier de Régina Scheer
Actes Sud

En 1985, Clara achète la chaumière de Machandel, petit village de Poméranie à deux heures du Nord de Berlin. Maisonnette délabrée qui fait face au château. Clara est doctorante et sa thèse porte sur les variantes d'un très vieux conte « l'univers mystique du conte du genévrier ». Alors venir vivre à Machandel est une double évidence, non seulement le nom du village signifie genévrier mais sa famille a vécu ici après la guerre, au château devenu camp de réfugiés après la fuite de la baronne et de sa fille.
Alentours, les habitants de cette petite bourgade sont suspicieux, méfiants, discrets. Clara au contraire, veut tout savoir de l'histoire de cette contrée surtout qu'en rafraichissant les murs, elle est tombée sur des coupures de journaux aux pages annotées et un album photo. C'est l'histoire d'un village qu'elle exhume avec ses hontes et ses espoirs avortés dans une période compliquée. C'est aussi son histoire, qui va s'imbriquer dans le fil historique et politique de la grande, celle de son père Hans communiste clandestin, prisonnier politique, sa mère Johanna qui ramena son père à la vie au château et s'oublia à ses côtés.
C'est l'histoire de ceux qui ont suivi le régime sans se poser de questions et de ceux qui ont oeuvré à construire un monde meilleur.
Une galerie de personnages aux destins croisés illustre cette chronique villageoise sur trois générations avec en point d'orgue les enfants qui viennent demander à leurs parents de rendre des comptes.
Tandis que le mariage de Clara ne survivra pas, la réunification des Allemagnes appellera à l'apaisement.
Regina Scheer nous propose une lecture à la fois épique et romanesque de l'histoire de la RDA, après le nazisme, la montée du communisme, les prisonniers de l'Est, la marche de la mort, le réveil de Prague et de la Hongrie, Tchernobyl, les écueils de Gorbatchev, le mur qui tombe et la Stasi qui perdure, les destins individuels cloués au pilori de l'Histoire.
J'ai été emportée par le chant (choral) du genévrier. Une histoire brillante que je vous recommande pour mieux comprendre l'histoire d'aujourd'hui.


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Roman polyphonique dont
la lecture peut être fastidieuse parce qu'elle déroule des pans de l'Histoire de l'Allemagne des années 1930
à 2000 dans un ordre non chronologique.
L'auteure donne la voix à 13 protagonistes à travers 25 chapitres. le personnage principal est Clara, elle fait le lien entre les protagonistes qui se sont connus à Berlin ou à Machandel, village où Clara installe
avec sa famille sa résidence de vacances .
L'intérêt du livre est de mettre en scène l'histoire de la RDA jusqu'à la fin du mur à travers les parcours politiques du père de Clara de Jan , son frère , d'un ami Herbert.
L'auteure montre aussi les parcours de réfugiés venant de l'Est et vivant à Machandel.
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C'est une fresque d'une envergure colossale que nous offre ici l'autrice, retraçant tout un pan de l'histoire allemande, de la Seconde Guerre mondiale au début des années 2000.

Cette histoire prend racine au coeur du petit village de Machandel, dont la signification en dialecte bas allemand signifie : Genévrier.

Un village chargé de légendes et de coutumes, comme celle de la dame blanche de Mamerow qui vivrait soi-disant dans un genévrier qui n'est pas sans rappeler le conte du Genévrier des frères Grimm (reproduction d'une gravure de ce conte à travers mon jaspage), dont les éléments s'entremêlent à merveille aux vies des habitants du village.

Un roman polyphonique, où chaque voix s'étire à travers le temps, un fourmillement de branches et de racines, tel un arbre généalogique qui se déploie et dont la vie se mêle à la grande Histoire.

L'Insoutenable marche de la mort, Tchernobyl, les écoutes téléphoniques, le choc des cultures entre RDA et RFA, le mirage d'une Allemagne unifiée, les prisonniers de guerre, les évolutions et combats du parti communiste, les absurdités et luttes politiques, ses réformes, actes de résistance pendant la guerre, la multiplication des réfugiés, les réformateurs autoproclamés du socialisme, la création de la Fédération indépendante des femmes, le renouveau démocratique, la réunification Allemande, sa restructuration...

Les événements sont myriades et guidés par la réalité, il est donc impossible de déterminer où commence et où s'arrête le roman tant le naturalisme qui le caractérise nous rapproche du reportage.

À travers les strates du passé, tensions, reproches, regrets, amitiés, amours et alliances, unissent et éloignent les membres de cette saga familiale vertigineuse.
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Dans ce roman l'autrice donne voix à 13 personnes sur une période couvrant environ 70 ans de l'histoire allemande, des années 30 aux années 2000.
Des voix qui se racontent, qui se rencontrent, qui se reconnaissent. Des voix dont la vie passé interagit dans le présent de quelques autres.
Des voix d'hommes, de femmes, d'enfants.
Une écriture emplie de nostalgie, de douceur, de mélancolie, de poésie et de belles descriptions de la nature environnante.
Des voix dont les mémoires sont lourdes de sacrifices, d'obligations, de restrictions, de pertes, de reconstructions.
Elles sont aussi hantées par la mort.
Un roman dans lequel la légèreté de la vie n'a pas voix au chapître !
Un roman que j'ai pris plaisir à découvrir.





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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Les cours étaient désertes, aucun chien n'aboyait. Les câbles électriques étaient détruits,le bâtiment éclairé avait sans doute sa propre installation électrique. Le poêle en faïence était encore chaud, une soupe reposait sur la cuisinière. Nous nous n'avons pas dormi dans les lits moelleux des paysans, nous avions perdu l'habitude et puis ces gens pouvaient revenir.
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