Je découvre ce prix Nobel de littérature par ce recueil. Attirée par
Yentl, que j'ai critiqué ici : https://www.babelio.com/livres/Singer-
Yentl/403599/critiques/3950450 (belle nouvelle multifacette) je décidai de lire la suite. Dans Taibele et son démon, une femme abandonnée par son mari (car stérile après la mort de leurs enfants); est "visitée" par un "démon" (tu parles, c'est un surveillant d'école qui raconte toute sorte d'histoires). Triste et drôle (brern und lacht, pleurer et rire, en Yiddish), cette nouvelle nous parle de superstition, de ruse et de secret. Bien sûr, on peut haïr ce "démon" (coucher avec une femme par ruse, c'est du v*ol) mais à mon sens c'est aussi une nouvelle sur l'emprise, et sur la façon dont le secret et le chagrin détruisent leur victime.
La fin est pathétique, et la mort du démon/surveillant est la "goutte de trop" pour cette femme qui jusque là avait souri malgré l'adversité .
Dans "Esther Kneidel, la seconde" Singer nous parle de réincarnation d'une curieuse manière. La petite "Cendrillon" devient hôtesse de l'âme d'une riche défunte. Cette fois, pas de ruse, bien que Singer use du même procédé que dans
Yentl (
les bavardages et la rumeur à la fin ).
La brève journée du vendredi nous montre un couple chez lui, à Shabbat, et la belle écriture se fait cette fois plus mélancolique. le mari, très pieux mais médiocre tailleur, est cible de moquerie.
La belle et triste fin du couple pourrait être due à l'asphyxie, et cette double mort, face à la résignation du couple, n'est pourtant pas pathétique puisqu'ils vont au paradis. A vrai dire, le rapport à la mort dans le judaïsme est assez complexe, et dans la conscience juive de Jankelevich, il est dit que l'on se soucie peu de sa mort dans le judaïsme.
Les nouvelles suivantes ne sont plus ancrées dans le Yiddishland mais dans un contexte plus moderne, m'ont un peu déboussolée, en dépit de l'humour de la fin des Coureurs.
Quoiqu'il en soit, dans l'ensemble, j'ai beaucoup apprécié Singer dans ce livre, même si j'ai préféré la partie d'Europe de l'Est. L'évocation du Yiddishland et des USA correspondent sûrement aux étapes de la vie de Singer.
A la fin, un lexique sur la culture juive (ex. heder (l'école primaire juive) ) pour ceux qui craignent de ne pas assez connaître.