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Andrée Robel (Autre)
EAN : 9782070234042
471 pages
Gallimard (30/11/-1)
4.2/5   28 notes
Résumé :
L'oeuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance est considéré, à juste titre, comme un ouvrage d'une importance capitale qui fait date dans les études rabelaisiennes. La méthode d'investigation littéraire de Mikhaïl Bakhtine, fondée sur les principes d'un marxisme vivant et enrichissant, lui a permis d'éclairer sous un jour totalement nouveau l'oeuvre de notre grand écrivain, sur la base d'une étude approfondie de ses source... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
"Sauter, danser, faire les tours,
Et boire vin blanc et vermeil..."
(F. Rabelais, "Gargantua")

De temps en temps je veux lire un livre vraiment horrible qui semble rebuter tout le monde et qui ne fait envie à personne. Peut-être par accès de sadisme littéraire, peut-être juste par curiosité...
Quelques commentaires glanés sur le web (à l'occasion de la traduction tchèque) promettaient un véritable Inferno dantesque, et donnaient l'impression que les critiques lisaient le livre de M. Bakhtine uniquement sur ordres des hauts cercles académiques, sinon ils n'y auraient pas touché même avec des gants. Voilà une occasion ! Je me suis portée volontaire, d'autant plus que Bakhtine se penche sur l'oeuvre de Rabelais que je n'ai jamais comprise, et son livre promettait de m'expliquer pourquoi.
Mais le sadique intérieur est resté sur sa faim, car Bakhtine était excellent et il m'a sincèrement enchantée. Force m'est de constater que même l'époque soviétique a produit des auteurs "marxistes" capables de laisser les idéologies de côté et écrire des ouvrages d'une grande valeur universelle. Ainsi, malgré quelques controverses, "L'oeuvre de François Rabelais et la culture populaire..." est maintenant considéré comme une des pierres angulaires des études rabelaisiennes, et si vous le lisez, vous comprendrez en quoi il est important. A travers Rabelais, vous découvrirez l'esprit d'une époque révolue.

Le livre reflète tout une panoplie des métiers de l'auteur, qui était aussi bien historien que théoricien et critique littéraire. Le résultat n'est donc pas purement historique, mais griffé de patte experte d'un linguiste qui possède une bonne dose d'humour, ce qui peut être, dans l'avalanche des sérieux ouvrages historiographiques, aussi rafraîchissant qu'un verre de pastis à la fin d'une journée particulièrement chaude.
Bakhtine analyse en détail "Gargantua et Pantagruel", et explique pourquoi dans neuf cas sur dix les gens préfèrent se rabattre sur "Le Roi Lear" que sur Rabelais.
Rabelais nous fatigue et nous énerve, parce que son esprit nous échappe. Dans ses oeuvres, il y a un phénomène caché : la culture comique populaire; c'est pour ça qu'il laissait les savants littéraires dans la perplexité pendant plusieurs siècles.

Rabelais montre la force de la farce; le pouvoir énorme du rire humain, l'envie de s'amuser et de se moquer de tout ce qui était sacré à la moralité officielle et rigide de l'époque. Chaque fête religieuse (et il faut dire que le calendrier d'autrefois en était sacrément pourvu !) était plutôt une négation de l'esprit même de la "fête". Mais en parallèle, elle apportait la joie populaire sur les marchés, les parvis des églises et surtout pendant le carnaval - la période où tout était permis. Le déni temporaire de toute la hiérarchie sociale et ecclésiastique, le monde à l'envers, quand le seigneur absolu de tout cela était le Roi des Fous, et quand on enfumait les églises avec de la bouse de vache. (Sentez-vous aussi comme une effluve des Karamazov, là-dedans ?)
C'est ce monde-là que Rabelais a saisi dans son célèbre roman, et Bakhtine le ressort à nouveau à la lumière du jour. Il se sert d'une oeuvre littéraire comme d'une source historique, et tourne l'attention vers les niveaux sociaux jusque là ignorés : les pauvres hères, les bas-fonds, la "lie de la société", comme on dit.
L'ouvrage est divisé en sept parties, où l'auteur analyse, entre autres, l'usage du langage populaire chez Rabelais, les "gros mots" et les expressions de la rue, les discours festifs, ou les images du festin. Il s'intéresse à la conception grotesque du corps et soins corporels, il parle de la présence latente de la mort au milieu des réjouissances. Et bien sûr, il se pose la question à quel point Rabelais cale sa narration à la réalité historique et comment il a pu l'adapter et la styliser. (Pour finir, l'édition tchèque rajoute en prime les impressions sur le célèbre carnaval de Rome de la plume de Goethe.)

Intéressant et captivant livre qui vaut clairement la lecture. Lecture longue et parfois fastidieuse, mais jamais ennuyeuse. Il est certain qu'il est préférable de lire Rabelais avant (cercle vicieux ?), mais Bakhtine ouvre des portes insoupçonnées. Si je tente à nouveau l'expérience avec Rabelais, ce sera sous un angle différent. Et peut-être même que j'y comprendrai enfin quelque chose; pour l'instant, il a gagné toutes mes sympathies, ainsi que Mikhaïl Bakhtine. 5/5
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"L'oeuvre de François Rebellais, et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance" est un livre remarquable où l'auteur Mikhaïl Bakhtine présente un thèse très audacieux. Ce qui est plus étonnant encore est que Bakhtine trouve les moyens de le soutenir.
D'après Bakhtine, on trouve chez Rabelais l'expression d'une conscience de classe populaire au sens Marxiste qui se moque de la culture des classes dirigeantes et qui met bas toute hiérarchie. Bakhtine qualifie le style de Rabelais le réalisme grotesque pour signaler que tout chez Rabelais est exagéré. le rire est l'arme principal de Rabelais et les parodies sont partout dans ses roman. Chez Rabelais la parodie est positive parce qu'elle renverse l'ancienne culture officielle et propose une nouvelle société strictement égalitaire.
Selon Bakhtine la culture populaire rieuse (ou le réalisme grotesque) s'était développée pendant le millénaire du Moyen Âge. Pendant la Renaissance plusieurs auteurs de la littérature officielle (Cervantès, Shakespeare parmi d'autres) se sont servis du réalisme grotesque mais c'est Rabelais qui l'a fait le plus brillamment. Pendant les siècles qui ont suivie la Renaissance après le rire et les parodies se sont mis au service des classes dirigeantes et ils sont devenus négatifs.
Rabelais abondamment des jurons, des blasphèmes et des grossièretés. Tout est axé sur le bas: c'est-à-dire le ventre et les organes génitaux parce le bas est régénératrice. La tendance ver le bas abolit la vieille hiérarchie et instaure un nouveau régime populaire.
Les fouilles aux Thermes de Titus pendant la Renaissance ont donné naissance au mouvement grotesque (c'est-à-dire le mouvement de l'art du grotte caractérisé par ridicule, bizarre et risible). Avec les jurons, blasphèmes et d'autres vulgarités chez Rabelais le grotesque est devenu réaliste.
On pense au début que les idées de Bakhtine sont folles , mais elles sont basées sur une grande érudition. Bakhtine connait très bien:
-1- les écrits de Rabelais
-2- les auteurs et philosophes de l'antiquité qui étaient à la base de la pensée de Rabelais (ce qui exigeait une grande connaissance du latin classique)
-3- les auteurs, théologiens et philosophes moyenâgeux (ce qui exigeait une grande connaissance du latin moyenâgeux)
-4- la culture populaire française moyenâgeuse: les farces, les pièces de théâtre, les contes, les blasons
-5- la culture carnavalesque (personnages, costumes, et les chansons)
-6- la littéraire de la Renaissance (romans, poèmes et pièces de théâtre.)
-7- le parcours de la culture européenne après Rabelais
Mes connaissances sont beaucoup moins vastes que celles de Bakhtine. Je dois reconnaitre que j'accepte les arguments de Bakhtine dans tous les domaines parce qu'ils me semblent être juste dans le moins grand nombre domaines que je connais. Je connais assez bien Rabelais et les auteurs (Cervantès, Shakespeare, Scarron, Du Bellay, etc.) de la Renaissance qu'il cite. Aussi j'ai suivie des cours au premier cycle où Platon, Aristote, St. Augustin et St. Thomas Aquin étaient au programme. Par contre, avant de lire le livre Bakhtine tous les connaissances que j'avais de la culture carnavalesques me sont venues du carnaval de Québec. La culture populaire du Moyen Âge m'était complètement inconnus. Mes lacunes sont importantes parce que ce sont les analyses des cultures carnavalesque et populaires moyenâgeuses qui sont au coeur du livre de Bakhtine.
Mon appréciation de d'amateur ou de non-professionnelle est que la recherche qu'a fait Bakhtine est extraordinaire et que les jugements sont excellents. "L'oeuvre de François Rebellais, et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance" est un des meilleurs livres que j'ai lu dans les cinq dernières années. C'est à lire absolument pour tous ceux qui aiment la littérature française.
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Indispensable pour qui veut comprendre Rabelais, et bien plus que Rabelais, l'histoire de notre culture.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
« Les images de Rabelais sont empreintes d’une sorte de “caractère non officiel” indestructible, catégorique, de sorte qu’aucun dogmatisme, aucune autorité, aucun sérieux unilatéral ne peuvent s’harmoniser avec les images rabelaisiennes, résolument hostiles à tout achèvement définitif, à toute stabilité, à tout sérieux limité, à tous terme et décision arrêtés dans le domaine de la pensée et de la conception du monde. » (p 10, ed. NRF)

« L’idée du carnaval était perçue et s’est manifestée de la façon la plus sensible dans les saturnales romaines, senties comme un retour effectif et complet (quoique provisoire) au pays de l’âge d’or. Les traditions des saturnales sont demeurées vivaces dans le carnaval du Moyen Age qui, plus pleinement et purement que les autres réjouissances de cette époque, a incarné l’idée de la rénovation universelle.» (p15)

« Le carnaval, c’est la seconde vie du peuple, basée sur le principe du rire ». (p16)

« Les festivités ont toujours exprimé une conception du monde. Jamais aucun “exercice” d’aménagement et de perfectionnement du processus du travail collectif, aucun “jeu au travail”, aucun repos ou trêve dans le travail n’ont pu devenir des fêtes en eux-mêmes. Pour qu’ils deviennent fêtes, il faut qu’un élément venu d’une autre sphère de la vie courante, celle de l’esprit et des idées, les rejoigne. Leur sanction doit émaner non du monde des moyens et conditions indispensables, mais de celui des buts supérieurs de l’existence humaine, c’est-à-dire du monde des idéaux. Sans cela, aucun climat de fête ne peut exister. » (p 17)

« Sous le régime féodal (…) la fête devenait en l’occurrence la forme que revêtait la seconde vie du peuple qui pénétrait temporairement dans le royaume utopique de l’universalité, de la liberté, de l’égalité et de l’abondance. » (id)

« Le rire carnavalesque est premièrement le bien de l’ensemble du peuple (ce caractère populaire, nous l’avons dit, est inhérent à la nature même du carnaval), tout le monde rit, c’est le rire “général” ; deuxièmement, il est universel, il atteint toute chose et toutes gens (y compris ceux qui participent au Carnaval), le monde entier paraît comique, il est perçu et connu sous son aspect risible, dans sa joyeuse relativité : troisièmement enfin, ce rire est ambivalent : il est joyeux, débordant d’allégresse, mais en même temps il est railleur, sarcastique, il nie et affirme à la fois, ensevelit et ressuscite à la fois » (p20).
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Dès le XVIIème siècle, certaines formes du grotesque commencent à dégénérer en "caractérisation" statique et peinture étroite du genre. Cela par suite de la limitation spécifique de la conception bourgeoise du monde. Tandis que le véritable grotesque n'est nullement statique : il s'efforce au contraire d'exprimer dans ses images le devenir, la croissance, l'inachèvement perpétuel de l'existence : c'est la raison pour laquelle il donne dans ses images les deux pôles du devenir, à la fois ce qui s'en va et ce qui vient, ce qui meurt et ce qui naît...
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Le problème du grotesque et de son essence esthétique ne peut être correctement posé et résolu que sur les matériaux qu'offre la culture populaire du Moyen Age et la littérature de la Renaissance, et en la matière Rabelais nous éclaire de façon considérable. On ne peut arriver à saisir la véritable profondeur, les significations multiples et la force des divers motifs grotesques, que sous l'angle de l'unité de la culture populaire et de la sensation carnavalesque du monde; pris en dehors de ces dernières, ils deviennent unilatéraux, plats et pauvres.
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