Walt Whitman sur le vif

A contrario, on fera remarquer que Whitman accueille avec pas mal d’enthousiasme dans son propre panthéon la figure de Voltaire, le plus grand esprit de tous les temps selon lui. On lira dans les pages qui suivent le portrait joyeusement antimonarchique que le poète new-yorkais lui consacre, magnifique hymne à la liberté.
Voltaire, en ce sens, le séduit plus que Rousseau, certes non moins admiré mais trop austère, trop misanthrope, trop solitaire à son goût, tout en reconnaissant que Rousseau fut l’homme des émotions et des sentiments naturels. Car la révolution whitmanienne s’affirme foncièrement joyeuse, collective et au tout premier chef urbaine. C’est la grande nouveauté. On ne connaît pas vraiment de célébration de la ville avant lui sinon dans les romans de Fielding ou Defoe, voire dans les poèmes parisiens de Baudelaire, quasi contemporains. Il suffit cependant de comparer la « capitale des douleurs » qu’est pour ce dernier Paris, avec le Manhattan jazzant et dansant de Whitman, pour prendre la mesure de l’écart entre les deux traditions poétiques, l’européenne et l’américaine.